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Aucune parole ne fut prononcée; il n'en était pas besoin. Même si je ne m'étais pas engagé à conserver le silence, les mots auraient été bien pauvres et bien ternes pour exprimer ce que je ressentais. La main dans la main, comme deux enfants, nous avons gravi l'escalier et nous sommes allés attendre sur le palier l'invitation de Mr. Trelawny.

Je lui dis à l'oreille – c'était plus charmant que de parler haut et à distance – comment son père s'était réveillé, et quelles avaient été ses paroles; tout ce qui s'était passé entre nous, sauf quand c'était elle qui était le sujet de la conversation.

Bientôt on sonna dans la chambre. Margaret se dégagea, et se retourna, un doigt sur les lèvres à titre d'avertissement. Elle alla jusqu'à la porte de son père et frappa doucement.

– Entrez! dit une voix forte.

– C'est moi, père! Sa voix tremblait d'amour et d'espoir.

Il y eut à l'intérieur de la chambre un bruit de pas rapides, la porte s'ouvrit précipitamment, et en un instant, Margaret, qui s'était élancée, était dans les bras de son père. Il n'y eut pas de long discours; simplement quelques phrases entrecoupées.

– Père! Mon cher, cher père!

– Mon enfant! Margaret! Ma chère, chère enfant!

– Oh père, père! Enfin! Enfin!

À ce moment, le père et la fille entrèrent ensemble dans la chambre, dont la porte se referma.

Chapitre XIV LA MARQUE DE NAISSANCE

Pendant que j'attendais d'être appelé dans la chambre de Mr. Trelawny, comme je savais que cela arriverait, le temps me parut long et je me sentis seul. Je poursuivais des rêves bien personnels, lorsque la porte s'ouvrit, et Mr. Trelawny me fit signe d'entrer.

– Entrez, Mr. Ross! dit-il avec cordialité, mais avec une certaine solennité qui me fit peur. J'entrai dans la chambre, et il referma la porte. Il tendit la main, et j'y mis la mienne. Il ne la lâcha pas, et la conserva pour me conduire vers sa fille. Le regard de Margaret alla de lui à moi, pour revenir à lui, puis elle baissa les yeux. Quand je fus tout près d'elle, Mr. Trelawny cessa de me tenir la main, et dit, en regardant sa fille bien en face:

– Si les choses sont telles que je les imagine, il n'y aura pas de secrets entre nous. Malcolm Ross en sait déjà tant sur mes affaires que j'estime qu'il doit laisser les choses où elles en sont et s'en aller sans rien dire, ou bien – en apprendre davantage. Margaret! Veux-tu autoriser Mr. Ross à voir ton poignet?

Elle lui lança un regard suppliant, mais, en même temps, elle paraissait prendre une décision. Sans un mot, elle leva la main droite, de manière à ce que le bracelet en forme d'ailes étendues qui lui recouvrait le poignet retombe, en laissant la peau nue. Je fus alors parcouru par un frisson glacé. Sur son poignet se trouvait une ligne fine, rouge, irrégulière, à laquelle semblaient être suspendues des taches rouges comme des gouttes de sang!

Elle restait là, sans bouger, véritable image de la fierté patiente. Car elle paraissait fière! À travers toute sa douceur, toute sa dignité, son oubli de soi, marque d'une âme élevée, que je lui connaissais et qui n'avait jamais paru plus marqué – à travers les flammes qui semblaient jaillir des profondeurs de ses yeux sombres pour pénétrer mon âme, la fierté apparaissait de la manière la plus visible. La fierté confiante; la fierté qui résulte d'une pureté consciente; la fierté d'une véritable reine de l'Ancien Temps, quand le fait d'être d'essence royale, impliquait qu'elle était la première, la plus grande, et la plus courageuse. Tandis que nous restions ainsi quelques secondes, la voix profonde et grave de son père retentit à mes oreilles comme un défi:

– Que dites-vous à présent?

Ma réponse ne fut pas formulée en paroles. Je pris dans la mienne la main droite de Margaret telle qu'elle se présentait, je la tins serrée et, de mon autre main, je remontai le bracelet d'or; je me penchai et déposai un baiser sur le poignet. Quand je levai les yeux vers elle, sans lâcher sa main, il y avait sur son visage une expression de joie, comme j'en rêve quand je pense au ciel. Alors je regardai son père en face:

– Vous avez ma réponse, monsieur!

Son visage énergique prit une expression grave et aimable. Il posa la main sur les deux nôtres réunies, se pencha pour embrasser sa fille, et ne prononça qu'une parole:

– Bon!

Nous fûmes interrompus par un coup frappé à la porte. En réponse à un «entrez!» impatient de Mr. Trelawny, Mr. Corbeck fit son apparition. Quand il nous vit réunis, il voulut se retirer mais en un instant, Mr. Trelawny s'était déjà précipité et l'entraînait vers nous. Ils se serrèrent les deux mains. Mr. Corbeck était un autre homme. Tout son enthousiasme juvénile, dont Mr. Trelawny nous avait parlé, semblait lui être revenu en un instant.

– Ainsi, vous avez les lampes! dit-il presque en criant. Mon raisonnement était finalement juste. Venez dans la bibliothèque où nous serons seuls, et racontez-moi tout! Et pendant ce temps, Ross, dit-il en se tournant vers moi, voulez-vous, comme un bon garçon, aller chercher la clef du coffre, pour que je puisse jeter un coup d'œil sur les lampes!

Ils entrèrent donc tous les trois dans la bibliothèque; la fille serrait affectueusement le bras de son père; pendant ce temps je me hâtais vers Chancery Lane.

Nous avons dîné ensemble de bonne heure. Nous restâmes ensuite un bon moment à nous reposer, puis Mr. Trelawny dit:

– À présent, je crois que nous ferions mieux de nous séparer et d'aller nous coucher de bonne heure. Nous pourrons parler longuement demain; et ce soir, je désire réfléchir.

Le Dr Winchester partit, emmenant par une prévenance courtoise, Mr. Corbeck et me laissant seul en arrière. Quand les autres furent partis, Mr. Trelawny déclara:

– Je crois qu'il serait bon que, vous aussi, vous rentriez chez vous ce soir. Je désire être en tête à tête avec ma fille; il y a des choses dont je veux l'entretenir, et elle seule. Peut-être, dès demain, pourrai-je vous en parler à vous aussi; mais d'ici là; nous serons moins distraits si nous sommes seuls dans la maison.

Je comprenais très bien et je partageais ses sentiments. Mais les expériences de ces derniers jours étaient encore présentes à ma mémoire et je lui dis avec un peu d'hésitation:

– Mais, cela ne peut-il pas être dangereux? Si vous saviez comme nous…

À ma grande surprise, Margaret m'interrompit:

– Il n'y aura aucun danger, Malcolm. Je serai avec père!

En parlant, elle se serrait contre lui dans un geste de protection. Je ne dis plus rien, mais je me levai pour partir aussitôt. Mr. Trelawny dit avec chaleur:

– Venez d'aussi bonne heure que vous le désirez, Ross. Soyez-là pour le petit-déjeuner. Ensuite, nous pourrons parler tous les deux.

Il quitta la pièce en silence, nous laissant seuls. Je saisis les mains de Margaret et les couvris de baisers, puis elle vint tout près de moi, et nos lèvres se joignirent pour la première fois.

Avant neuf heures, j'étais à Kensington. Toute inquiétude semblait s'être envolée quand je vis Margaret. La pâleur de son visage avait déjà laissé la place au teint de fleur que je lui connaissais. Elle me dit que son père avait bien dormi, et qu'il n'allait pas tarder à nous rejoindre.

– Je crois bien, dit-elle à voix basse, que mon cher père, si attentionné, est resté en arrière exprès, pour que je sois la première à vous accueillir – et que je reste un peu seule avec vous!