Il y eut alors une nouvelle interruption du Dr Winchester:
– Mais, si dans votre cas, quelques-unes des forces emprisonnées ont été utilisées, qui les a libérées au moment voulu, et comment? En outre, vous avez été, vous et Mr. Corbeck plongés dans un état de transe pendant trois jours entiers lorsque vous vous trouviez pour la seconde fois dans le tombeau de la Reine. Et alors, d'après ce que j'ai retenu du récit de Mr. Corbeck, le coffre n'était pas revenu dans la sépulture, bien que la momie s'y soit trouvée. Dans les deux cas, il doit y avoir eu sûrement une intelligence active en éveil, et quelque autre pouvoir qui s'est exercé.
La réponse de Mr. Trelawny fut aussi directe:
– Il y avait en éveil une intelligence active. J'en suis convaincu. Et elle exerçait un pouvoir qui ne lui fait jamais défaut. Je crois que dans ces deux occasions, le pouvoir exercé était l'hypnotisme.
– Et où se trouve contenu ce pouvoir? Quel point de vue avez-vous à ce sujet?
La voix du Dr Winchester vibrait du fait de l'intensité de son excitation. Il se penchait en avant, sa respiration était entrecoupée, il avait le regard fixe. Mr. Trelawny dit avec solennité:
– Dans la momie de la Reine Tera! J'allais y arriver. Peut-être aurait-il mieux valu que nous attendions que j'aie éclairci un peu le terrain. Ce que je crois fermement, c'est que la préparation de cette boîte était faite pour une occasion spéciale; comme du reste tous les préparatifs du tombeau et de tout ce qui s'y rattache. La Reine Tera ne se souciait pas de se protéger des serpents et des scorpions, dans ce tombeau de roc taillé dans une falaise abrupte à cent pieds au-dessus du niveau de la vallée, et à cinquante pieds au-dessous du sommet. Ses précautions étaient dirigées contre les dégâts causés par des mains humaines; contre la jalousie et la haine des prêtres qui, s'ils avaient connu les buts qu'elle poursuivait, auraient essayé de les déjouer. À son point de vue, elle avait tout préparé pour le moment de sa résurrection, à quelque date qu'elle se produise. Je déduis des peintures symboliques du tombeau qu'elle s'écartait des croyances de son époque au point d'envisager une résurrection de la chair. C'était sans aucun doute ce qui exacerbait la haine des prêtres, et leur donnait une raison acceptable d'abolir l'existence, présente et future de quelqu'un qui avait infligé un outrage à leurs théories et blasphémé leurs dieux. Tout ce dont elle pourrait avoir besoin, soit dans l'accomplissement de sa résurrection, soit ensuite, était contenu dans une suite de chambres creusées dans le roc et presque hermétiquement scellées. Dans le grand sarcophage qui, comme vous le savez, est d'une taille tout à fait inhabituelle même pour les rois, se trouvait la momie de son Esprit familier, le chat, qui, en raison de sa grande taille, était, je pense, une sorte de chat-tigre. Dans le tombeau, contenues également dans un récipient solide, se trouvaient les jarres scellées qui contiennent habituellement ces organes internes qui sont embaumés séparément, mais qui, dans le cas qui nous occupe, ne contenaient rien de semblable. De telle sorte, je pense, qu'il y avait, dans son cas, une déviation aux règles de l'embaumement; les organes étaient remis dans le corps, chacun à sa place, dans le cas, en vérité, où on les aurait d'abord retirés. Si cette hypothèse est exacte, nous découvrirons que le cerveau de la Reine, ou bien n'a jamais été extrait à la manière habituelle, ou bien, s'il l'a été, a été remis en place, au lieu d'être enfermé dans les bandelettes de la momie. Enfin, il y avait dans le sarcophage le Coffre Magique sur lequel ses pieds reposaient. Remarquez aussi le soin pris à préserver son pouvoir de contrôle sur les éléments. D'après ce qu'elle croyait, la main ouverte placée en dehors des bandelettes contrôlait l'Air, l'étrange Pierre Précieuse aux étoiles scintillantes contrôlait le Feu. Le symbolisme inscrit sur la semelle de ses pieds lui donnait l'empire sur la Terre et l'Eau. Pour ce qui est de la Pierre aux Étoiles, je vous en parlerai ensuite, mais pendant que nous en sommes au sarcophage, remarquez comment elle gardait son secret pour le cas d'une violation de sépulture ou d'intrusion. Personne ne pouvait ouvrir son Coffre Magique sans les lampes, car nous savons aujourd'hui que la lumière ordinaire est inopérante. Le grand couvercle du sarcophage n'était pas scellé comme de coutume, parce qu'elle voulait contrôler l'air. Mais elle avait caché les lampes qui normalement se rattachaient au Coffre Magique, dans un endroit où personne n'aurait pu les trouver, sauf en suivant les directives secrètes qu'elle avait préparées à l'intention exclusive d'yeux avisés. Et même là, elle s'était protégée contre les risques de découverte en prévoyant un verrou de la mort dirigé contre un curieux non prévenu. Elle avait pour ce faire appliqué la leçon traditionnelle du garde vengeur des trésors de la pyramide, construite par son grand prédécesseur de la Quatrième Dynastie sur le trône Égypte
» Vous avez remarqué, je suppose, qu'il y avait, dans le cas de son tombeau, certaines déviations aux règles habituelles. Par exemple, le puits d'accès à la Fosse de la Momie, qui est habituellement comblé au moyen de pierres et de déblais, avait été laissé ouvert. Pourquoi cela? Je pense qu'elle avait pris ses dispositions pour quitter son tombeau lorsque, après sa résurrection, elle serait devenue une femme nouvelle, avec une personnalité différente, et moins aguerrie aux épreuves qu'elle avait connues dans sa première existence. Autant que nous puissions juger de ses intentions, elle avait pensé à tout ce dont elle aurait besoin pour son entrée dans le monde, même la chaîne de fer, décrite par Van Huyn, tout près de la porte ménagée dans le rocher, grâce à laquelle elle pourrait se laisser descendre jusqu'au sol. Le choix de la matière prouve qu'elle s'attendait à ce qu'il s'écoule de nombreuses années avant qu'elle ait à l'utiliser. Une corde ordinaire se serait affaiblie ou serait devenue peu sûre avec le temps, mais elle imaginait, à juste titre, que le fer tiendrait.
» Quelles étaient ses intentions lorsqu'elle se promènerait de nouveau à ciel ouvert, nous ne le savons pas, et nous ne le saurons jamais, à moins que ses lèvres mortes ne recouvrent leur souplesse et se mettent à parler.
Chapitre XV LES INTENTIONS DE LA REINE TERA
» À présent, la Pierre Étoilée! Elle la considérait manifestement comme le plus important de ses trésors. Elle y avait gravé des mots que personne, de son temps, n'osait prononcer.
» D'après les croyances de Égypte antique, il y avait des mots qui, s'ils étaient utilisés convenablement – car la manière de les dire avait autant d'importance que les mots eux-mêmes – étaient capables de commander aux Seigneurs des Mondes d'En-haut et d'En-bas. Le «hekau» ou parole de puissance, était d'une grande importance, dans un certain rituel. Sur la Pierre des Sept Étoiles qui, comme vous savez, est ciselée de manière à figurer un scarabée, sont gravés en hiéroglyphes deux de ces hekau, l'un sur le dessus, l'autre dessous. Mais vous comprendrez mieux en le voyant. Ne bougez pas!
Mr. Trelawny était revenu deux ou trois minutes plus tard. Il tenait à la main une petite boîte d'or, qu'il plaça devant lui sur la table, en reprenant son siège. Quand il l'ouvrit, nous nous penchâmes tous en avant.
Sur un coussin de satin blanc reposait un merveilleux rubis d'une taille immense, presque aussi gros que la première phalange du petit doigt de Margaret. Il était ciselé – il n'était pas possible que ce fût sa forme d'origine, mais les pierres ne laissent pas apparaître la trace de l'outil – dans la forme d'un scarabée, les ailes repliées, les pattes et les antennes serrées sur ses côtés. Étincelant à travers sa merveilleuse couleur «sang de pigeon», il y avait sept étoiles distinctes, ayant chacune sept pointes, dans une position telle qu'elles reproduisaient exactement la constellation du Chariot. Il ne pouvait y avoir aucune erreur dans l'esprit de quiconque avait observé cette dernière. Il s'y trouvait, gravées avec la précision la plus raffinée, quelques hiéroglyphes, comme je pus le constater lorsque ce fut mon tour d'utiliser la loupe que Mr. Trelawny avait sortie de sa poche et nous tendait aux uns et aux autres.