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– Tout cela est bel et bon, mais je vous dis que je dois voir Mr. Trelawny! À quoi cela sert-il de me dire que je ne peux pas quand je vous affirme, moi, que je dois le voir. Vous me renvoyez sans cesse, sans cesse. Je suis arrivé à neuf heures; vous m'avez dit alors qu'il n'était pas levé, qu'il n'était pas bien, et qu'on ne devait pas le déranger. Je suis revenu à midi; vous m'avez dit encore une fois qu'il n'était pas levé. J'ai demandé à voir quelqu'un de la maison; vous m'avez dit que Miss Trelawny n'était pas levée. Je reviens à présent à trois heures, et vous me dites que Mr. Trelawny est encore au lit, et qu'il n'est pas réveillé. Où est Miss Trelawny? «Elle est occupée et elle ne doit pas être dérangée!» Eh bien, elle doit être dérangée. Ou quelqu'un d'autre doit l'être. Je suis venu voir Mr. Trelawny pour une affaire spéciale; et je suis venu d'un endroit où les domestiques commencent toujours par dire «non». «Non» je ne m'en contenterai pas cette fois. J'ai connu cela pendant trois ans, attendre devant les portes et devant les tentes alors qu'il était plus long d'y entrer que de pénétrer dans les tombeaux; et à vous entendre, on dirait qu'à l'intérieur de cette maison tous les habitants sont transformés en momies. J'en ai eu assez comme ça, je vous le dis. Et quand je rentre chez moi et qu'on me défend la porte de l'homme pour qui j'ai travaillé, juste de la même façon et avec les mêmes réponses usées, cela me met en boule. Est-ce que Mr. Trelawny a laissé des ordres d'après lesquels il ne voulait pas me voir quand je viendrais?

Il s'arrêta un instant; très énervé, il s'épongea le front. Le domestique répondit très respectueusement:

– Je suis désolé, monsieur, si, en faisant mon devoir, je vous ai offensé d'une façon quelconque. Mais j'ai des ordres et je dois y obéir. Si vous voulez bien laisser un message, je le remettrai à Miss Trelawny; si vous laissez votre adresse, elle pourra communiquer avec vous au cas où elle le désirerait.

La réponse qui lui fut faite montra que l'homme qui parlait était bon et juste.

– Mon garçon, je n'ai rien à vous reprocher; je suis navré si je vous ai heurté dans vos sentiments. Je dois être juste, même si je suis en colère. Mais se trouver dans ma situation, cela suffirait à mettre quelqu'un hors de soi. Le temps presse. Il n'y a pas une heure – pas une minute – à perdre! Et je suis là, à piétiner depuis six heures; et sachant que votre maître va être cent fois plus en colère que moi quand il apprendra tout le temps qui a été perdu. Il serait préférable pour lui d'être réveillé mille fois plutôt que de ne pas me voir en ce moment précis – et avant qu'il ne soit trop tard. Mon Dieu! C'est simplement terrible, et après tout par quoi, j'ai passé, voir mon travail gâché au dernier moment, échouer sur le seuil par la faute d'un larbin stupide! Il n'y a donc personne dans cette maison qui ait un peu de sens commun; ou d'autorité, à défaut? Je pourrais très rapidement le convaincre que votre maître doit être réveillé. Même s'il dort comme les Sept Dormeurs…

Il n'y avait pas à se méprendre sur la sincérité de cet homme, ni sur l'urgence et l'importance de l'affaire qui l'amenait.; de son point de vue, en tout cas. Je m'avançai.

– Morris, dis-je, vous feriez mieux de dire à Miss Trelawny que ce monsieur désire la voir en particulier. Si elle est occupée, faites-le lui dire par Mrs. Grant.

– Très bien, monsieur, répondit-il, soulagé, et il se hâta.

Je conduisis l'étranger dans le petit boudoir situé de l'autre côté du vestibule. Il me demanda en chemin:

– Êtes-vous le secrétaire?

– Non. Je suis un ami de Miss Trelawny. Mon nom est Ross.

– Merci beaucoup de votre amabilité, Mr. Ross. Je m'appelle Corbeck. J'aurais voulu vous donner ma carte; mais on n'emploie pas de cartes dans l'endroit d'où je viens. Et si j'en avais eu, je suppose que je les aurais toutes utilisées hier au soir…

Il s'arrêta subitement, comme s'il s'était rendu compte qu'il en avait trop dit. Nous nous tûmes l'un et l'autre; pendant que nous attendions, je l'examinai. Un homme petit et râblé, brun comme un grain de café, ayant peut-être une tendance à engraisser, mais pour le moment excessivement mince. Les rides profondes de son visage et de son cou n'étaient pas seulement dues aux années et aux intempéries: elles indiquaient à ne pas s'y tromper les endroits où la chair ou la graisse avait fondu et où la peau s'était détendue. Le cou était simplement une surface où s'entrecroisaient les sillons et les rides et portait les traces laissées par le soleil brûlant du désert. L'Extrême-Orient, les Tropiques, le désert, chaque région laissait sa marque colorée. Mais toutes les trois différentes; et un œil qui avait su une fois pouvait ainsi les distinguer aisément. La pâleur bistrée pour le premier; le brun rouge et violent pour les secondes; et pour le troisième, le hâle sombre et profond qui avait pris, semblait-il, le caractère d'une coloration permanente. Mr. Corbeck avait une grosse tête pleine et massive; avec des cheveux en désordre, d'un brun rouge foncé, dégarnis sur les tempes. Son front était beau, haut et large; et pour employer les termes de la physiognomonie, le sinus frontal était hardiment marqué. Sa forme carrée traduisait l'esprit raisonneur; et la plénitude sous les yeux le don des langues. Il avait le nez court et large qui dénote l'énergie; le menton carré – qu'on discernait malgré la barbe épaisse et non soignée – et la mâchoire massive qui montre l'esprit de décision.

– Un homme pas mal pour le désert! me disais-je en le regardant.

Miss Trelawny arriva très vite. Quand Mr. Corbeck la vit, il parut plus ou moins surpris. Mais ses préoccupations et son énervement n'avaient pas disparu; il en subsistait assez pour dissimuler tout sentiment de surprise secondaire et d'une origine différente. Mais tandis qu'elle parlait, il ne la quitta pas des yeux; et je notai en moi-même qu'il me faudrait profiter de la première occasion qui se présenterait pour essayer de découvrir la cause de cette surprise. Elle commença par s'excuser, ce qui le calma entièrement:

– Naturellement, si mon père avait été bien portant, on ne vous aurait pas fait attendre un seul instant. À dire vrai, si je n'avais pas été de garde dans la chambre du malade lors de votre première visite, je vous aurais reçu immédiatement. Maintenant, auriez-vous la bonté de me dire quelle est l'affaire qui présente un tel degré d'urgence?

Il me regarda et parut hésiter. Elle reprit aussitôt:

– Vous pouvez dire devant Mr. Ross tout ce que vous pouvez me dire à moi. Il jouit de toute ma confiance, et il me vient en aide dans mes ennuis. Je ne crois pas que vous compreniez très bien à quel point l'état de mon père est sérieux. Il ne s'est pas réveillé depuis trois jours, il n'a donné aucun signe de conscience, et je suis bouleversée à son sujet. Malheureusement j'ignore tout de mon père et de sa vie. Je ne suis venue vivre avec lui que depuis un an; et je ne sais rien de ses affaires. Je ne sais même pas qui vous êtes, ni de quelle façon vos affaires se trouvent liées aux siennes.

Elle disait cela avec un petit sourire modeste, tout à fait conventionnel, mais cependant charmant; comme si elle avait voulu exprimer de la façon la plus convaincante son ignorance absurde. Il la regarda sans broncher pendant peut-être le quart d'une minute, puis il se mit à parler, et commençant sur-le-champ comme si sa décision était prise et les termes de sa confidence établis: