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– La grande partie? répétai-je. La résurrection de la femme, et la vie de la femme? La preuve qu'une résurrection peut se réaliser; par des pouvoirs magiques; par la connaissance scientifique; ou par la mise en œuvre de quelque force que le monde ne connaît pas à l'heure actuelle?

Alors Mr. Trelawny exprima les espoirs de son cœur que, jusque-là, il avait esquissés plutôt qu'exprimés. Une ou deux fois j'avais entendu Corbeck parler de la farouche énergie de sa jeunesse; mais, à part les nobles paroles prononcées par Margaret quand elle avait parlé de l'espoir de la Reine Tera – qui, venant de sa fille pouvait donner à croire que son pouvoir était dans un certain sens, dû à l'hérédité -, je n'en avais vu aucun signe précis. Mais à présent ses paroles qui entraînaient dans un torrent toutes les pensées contraires, me donnèrent de cet homme une idée nouvelle.

– La vie d'une femme! Qu'est-ce que la vie d'une femme en comparaison de ce que nous espérons! Eh bien, nous risquons déjà la vie d'une femme; celle qui m'est la plus chère au monde, et qui me devient plus chère d'heure en heure. Nous risquons en même temps la vie de quatre hommes; la vôtre, la mienne, aussi bien que celle des deux autres hommes, qui nous ont fait confiance.

Il s'arrêta, presque à bout. Pendant qu'il disait à quel point elle lui était chère, Margaret lui avait pris la main, et la lui serrait fort. Tandis qu'il continuait à parler, elle la lui tenait toujours. Puis apparut sur son visage ce changement que j'avais si souvent remarqué dans ces derniers temps, ce voile mystérieux occultant sa personnalité qui me donnait le sentiment subtil d'être séparé d'elle. Pris par sa véhémence passionnée, son père ne remarqua rien mais, quand il s'arrêta, elle parut sur-le-champ redevenir elle-même. Dans ses yeux rayonnants s'ajouta l'éclat de larmes contenues; et dans un mouvement d'amour passionné et d'admiration, elle se pencha pour déposer un baiser sur la main de son père. Alors, se tournant vers moi, elle se mit, elle aussi à parler:

– Malcolm, vous avez parlé des morts qui ont été occasionnées par la pauvre Reine; ou qui, plutôt, ont résulté d'une interférence avec les dispositions qu'elle avait prises ou d'un obstacle opposé à ses intentions. Vous ne pensez pas qu'en présentant les choses ainsi, vous avez été injuste? Qui n'aurait pas agi exactement comme elle? Rappelez-vous qu'elle se battait pour sa vie! Pour bien plus que sa vie! Pour la vie, l'amour, et toutes les merveilleuses possibilités de cet avenir mal défini dans le monde inconnu du Nord qui concrétisait pour elle tant d'espoirs enchanteurs! Ne pensez-vous pas qu'avec la science de son époque, avec la force immense et irrésistible de sa nature puissante, elle avait l'espoir de répandre plus largement les aspirations élevées de son âme! Qu'elle espérait apporter à la conquête de mondes inconnus, utiliser à l'avantage de son peuple, tout ce qu'elle avait tiré du sommeil, de la mort et du temps. Tout ce dont elle risquait d'être frustrée par la main impitoyable d'un assassin ou d'un voleur, car cela aurait pu être. À sa place, est-ce que dans ce cas vous n'auriez pas lutté par tous les moyens pour réaliser l'objectif de votre vie et vos espérances, dont les possibilités n'ont cessé de s'accroître à mesure que passaient ces années interminables? Pouvez-vous croire que ce cerveau actif était au repos pendant tous ces siècles fastidieux, pendant que son corps mortel, entouré de toutes les protections prescrites par la religion et la science de son époque, attendait l'heure fatidique? Tandis que son âme libre voletait d'un monde à l'autre au milieu des espaces intrastellaires, sans fin? Ces myriades d'étoiles avec leur vie variée à l'infini n'avaient-elles pas de leçons à lui donner? Comme elles en ont eu pour nous, depuis que nous suivons le chemin glorieux qu'elle et son peuple nous ont tracé, quand ils envoyaient leurs imaginations ailées tournoyer autour des lampes de la nuit.

Ici, elle s'arrêta. Elle aussi, était à bout, et les larmes qui jaillirent de ses yeux ruisselaient sur ses joues. J'étais moi-même plus remué que je ne puis le dire. C'était vraiment ma Margaret; et dans la conscience de sa présence mon cœur bondit. Mon bonheur m'inspira de l'audace et j'osai dire ce que je considérais avec crainte comme impossible; quelque chose qui attirerait l'attention de Mr. Trelawny sur ce que j'imaginais être la double existence de sa fille. Je pris la main de Margaret, y déposai un baiser, et dis à son père:

– Eh bien, monsieur! elle n'aurait pu parler avec plus d'éloquence si l'esprit de la Reine Tera elle-même s'était trouvé en elle pour suggérer et animer ses pensées!

La réponse de Mr. Trelawny me bouleversa simplement de surprise. Elle me fit comprendre que sa pensée avait suivi exactement le même chemin que la mienne.

– Et si cela était? Je sais très bien que l'esprit de sa mère est en elle. S'il se trouve également en elle l'esprit de la grande et merveilleuse Reine, alors elle ne sera pas moins chère, mais doublement chère à mon cœur. N'ayez aucune crainte pour elle, Malcolm Ross. Du moins, n'ayez pas plus peur pour elle que pour le reste d'entre nous!

Margaret continua sur le même thème; elle se mit si vite à parler qu'elle donnait l'impression d'enchaîner sur l'argumentation de son père, et non de l'avoir interrompu.

– N'ayez aucune crainte particulière pour moi, Malcolm. La Reine Tera sait, et ne nous fera aucun mal. Je le sais! Je le sais aussi vrai que je suis perdue dans les profondeurs de mon amour pour vous! Il y avait dans sa voix quelque chose de si étrange que je me hâtai de regarder ses yeux. Ils étaient aussi brillants que jamais, mais la pensée intérieure de Margaret était pour moi cachée par un voile, comme on l'observe dans les yeux des lions.

Et puis les deux autres hommes arrivèrent, et l'on changea de conversation.

Chapitre XIX LA LEÇON DU «KA»

Ce soir-là, nous sommes tous allés nous coucher de bonne heure. La nuit suivante serait une nuit d'anxiété, et Mr. Trelawny estimait que nous devions prendre tout le repos que pouvait nous procurer le sommeil. J'avais l'impression d'entendre les aiguilles de la pendule tourner sur le cadran. Je vis l'obscurité se dissiper peu à peu, tourner au gris de l'aube, puis la lumière se faire, sans que rien vienne interrompre ou faire dévier le cours de mes pensées lamentables. Finalement, dès que cela fut décemment possible sans craindre de déranger mes compagnons, je me levai. Je me glissai dans le couloir pour vérifier que tout allait bien chez les autres; car nous nous étions arrangés de telle sorte que la porte de chacune de nos chambres devait rester légèrement entrouverte pour que tout bruit suspect pût être facilement entendu.