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Ma chère fille,

Je désire que tu considères comme absolues et impératives les instructions contenues dans cette lettre; elles ne devront subir aucune modification d'aucune sorte. Elles s'appliquent au cas où il m'arriverait à partir de maintenant quoi que ce soit, une chose à laquelle ni toi ni personne ne s'attendrait. Si j'étais soudainement et mystérieusement atteint – soit par la maladie, soit par un accident, ou par une agression – tu devrais suivre à la lettre ces instructions. Si je ne suis pas dans ma chambre au moment où tu constateras l'état dans lequel je me trouve, il faudra m'y transporter aussi vite que possible. Même si je suis mort, cela est vrai de mon corps. À partir de ce moment, et jusqu'au moment où je serai conscient et en mesure de donner des instructions à mon propre compte, ou enterré, on ne devra pas me laisser seul un instant. Deux personnes au moins devront rester dans la chambre depuis la chute du jour jusqu'au lever du soleil. Il sera bon qu'une infirmière diplômée vienne de temps en temps dans la chambre et note tous les symptômes, permanents ou passagers qui pourraient se manifester en moi. Mes solicitors, Marvin Jewkes, 27 B Lincoln's Inn, ont des instructions complètes pour le cas de décès; et Mr. Marvin s'est engagé à veiller personnellement à la réalisation de mes désirs. Je dois te conseiller, ma chère fille, du fait que tu n'as aucun parent sur qui te reposer, d'avoir auprès de toi dans la maison un ami en qui tu puisses avoir pleine confiance. Tu devras pouvoir entrer immédiatement en communication avec lui, il pourra participer à la garde de nuit, ou être appelé instantanément. Peu importe le sexe de cet ami; mais il faudra en tout cas qu'un veilleur ou un assistant du sexe opposé soit toujours disponible. Comprends-moi bien: je souhaite essentiellement qu'il y ait toujours une intelligence masculine et une intelligence féminine en éveil et prêtes à s'exercer dans le sens que je désire. Permets-moi d'insister une fois de plus, ma chère Margaret, sur la nécessité d'observer mes instructions et de raisonner avec exactitude sur mes conclusions, si étranges qu'elles puissent paraître. Si je tombe malade ou que je sois blessé, ce ne sera pas une circonstance ordinaire; et je désire te mettre en garde, pour que ta surveillance soit parfaite. Rien de ce qui se trouve dans ma chambre – je parle des objets de collection – ne doit être retiré ou déplacé de quelque façon que ce soit, ou pour quelque cause que ce soit. La place de chaque objet a été déterminée par une raison spéciale et dans un but déterminé; tout déplacement contrarierait mes plans.

Si tu as besoin d'argent ou d'un conseil quelconque, Mr. Marvin fera ce que tu désires il a reçu dans ce but des instructions complètes de ma part.

Abel TRELAWNY

Avant de parler, je lus la lettre une seconde fois, car je craignais de me trahir. Le choix qu'elle avait à faire d'un ami pouvait être pour moi une occasion capitale. J'avais déjà des raisons d'espérer car elle m'avait demandé de l'aider dès le début de ses ennuis; mais l'amour engendre ses propres doutes, et j'avais peur. Si bien, qu'en lui rendant la lettre, je lui dis:

– Je sais que vous me pardonnerez, Miss Trelawny, si je fais preuve de présomption, mais si vous me permettez de participer à cette surveillance j'en serai fier. Bien que les circonstances soient tristes, je serai tellement heureux que ce privilège me soit accordé.

– Je vous serai très reconnaissante de votre aide!

Puis elle ajouta, comme à la réflexion:

– Mais vous ne devez pas me permettre de faire preuve de trop d'égoïsme! Je sais que vous avez de nombreuses occupations, et bien que j'apprécie considérablement – très considérablement – votre aide, il ne serait pas correct de ma part d'accaparer tout votre temps.

– S'il s'agit de cela, répondis-je, aussitôt, mon temps vous appartient. Pour aujourd'hui je peux facilement m'arranger dans mon travail de manière à venir ici dans l'après-midi et rester jusqu'à demain matin. Ensuite, si les circonstances l'exigent toujours, je pourrai m'arranger pour avoir encore plus de temps disponible.

Elle était très émue. Je pouvais voir ses yeux se remplir de larmes, elle détourna la tête. Le détective prit la parole:

– Je suis heureux de savoir que vous serez ici, Mr. Ross. Je serai moi-même dans la maison, avec l'accord de Miss Trelawny, si mes chefs de Scotland Yard m'y autorisent. Cette lettre fait apparaître la situation sous un jour différent; cependant le mystère est plus grand que jamais. Si vous pouvez attendre ici une heure ou deux, je vais aller au Quartier Général, et ensuite chez les fabricants de coffres. Puis, je reviendrai; et vous pourrez partir avec l'esprit plus libre, car je serai ici.

Quand il fut parti, Miss Trelawny et moi, nous sommes restés silencieux. Elle finit par lever les yeux et par me regarder un moment; ensuite, je n'aurais pas changé de place avec un roi. Pendant un moment elle s'occupa près du chevet de son père, installé provisoirement. Puis, en me demandant de ne pas le quitter des yeux jusqu'à son retour, elle sortit précipitamment.

Elle revint au bout de quelques minutes avec Mrs. Grant, deux femmes de chambre et deux domestiques mâles, qui portaient le châssis et la literie d'un lit de fer léger. Ils se mirent à l'installer et à le faire. Quand ce travail fut achevé, et lorsque les domestiques furent partis, elle me dit:

– Il sera bon d'être prêt pour le retour du docteur. Il demandera certainement qu'on mette mon père au lit; et un lit convenable sera mieux pour lui que le sofa.

Elle prit alors un siège à côté de son père, et s'installa sans le quitter des yeux. Pendant que je faisais des recherches dans la chambre, on entendit au-dehors le bruit de roues sur le gravier. On sonna, quelques minutes après, on frappa à la porte. «Entrez!» répondit-on, et le Dr Winchester fit son apparition suivi d'une jeune femme habillée en infirmière.

– J'ai eu de la chance! dit-il en entrant. Je l'ai tout de suite trouvée, et elle était libre. Miss Trelawny, je vous présente Nurse Kennedy!

Chapitre III LES VEILLEURS

La façon que ces deux jeunes femmes eurent de se regarder me frappa. Je suppose que j'ai tellement l'habitude de peser dans mon esprit la personnalité des témoins et de les juger d'après leurs gestes inconscients et leur comportement, que cette attitude s'étend à la vie courante, même lorsque je ne suis pas devant le tribunal. À ce moment de ma vie, tout ce qui intéressait Miss Trelawny m'intéressait; et comme elle avait été impressionnée par la nouvelle arrivée, je fus instinctivement porté à la juger également. En les comparant l'une à l'autre, il me semblait acquérir une meilleure connaissance de Miss Trelawny. Les deux femmes offraient certainement un contraste marqué. Miss Trelawny avait une ravissante silhouette; elle était brune, avec des traits réguliers. Elle avait des yeux merveilleux, grands, largement ouverts, d'un noir velouté, d'une mystérieuse profondeur. Les sourcils étaient caractéristiques. Délicatement dessinés, très fournis, ils semblaient constituer le cadre idéal pour ces yeux profonds et splendides. Ses cheveux étaient également noirs, fins comme de la soie. Toute sa personne semblait d'une harmonie parfaite: port, silhouette, cheveux, yeux; la bouche mobile et pleine, avec des lèvres écarlates et des dents éblouissantes qui semblaient éclairer la partie inférieure du visage – tandis que les yeux en éclairaient la partie supérieure; la large courbe de la mâchoire, depuis le menton jusqu'à l'oreille; les longs doigts effilés; la main qui donnait l'impression de se mouvoir à partir du poignet comme si elle avait eu une existence propre. Toutes ces perfections contribuaient à faire une personnalité qui s'imposait par sa grâce, son harmonie, sa beauté, ou son charme.