La forteresse de Massada résiste comme elle peut aux légions romaines, tout là-haut sur son rocher.
Azincourt où les chevaliers français engoncés dans leurs trop lourdes armures attaquent sans adresse les lignes des archers anglais.
Flèches.
La bataille de la grande Armada.
Les navires espagnols obèses tirent de tous leurs flancs des bordées contre des petits bateaux anglais rapides et mobiles.
La prise de la Bastille par la foule parisienne.
Canon.
Austerlitz.
Les charges au sabre contre des lignes de baïonnettes qui scintillent. Le son des tambours et des flûtiaux scande et encourage le travail de tuerie alors que, de loin, les stratèges lorgnent le terrain avec leur longues-vues.
Sébastopol.
La révolte des Taiping en Chine.
La guerre de Sécession américaine.
La guerre des Boers en Afrique du Sud.
Verdun.
Les petits tanks légers aux boulons mal serrés passent au-dessus des lignes de barbelés et tirent sur les soldats à cheval.
Les hommes à moitié enterrés dans les tranchées de boue prennent des allures de taupes. Mitrailleuses.
La Révolution russe.
La guerre d'Espagne.
Le bombardement de Pearl Harbor.
La bataille de Stalingrad dans la neige, le sang et la rouille.
Orgues à roquettes qui éclairent la nuit en feulant.
Le débarquement en Normandie, les barges qui déversent des soldats courant sur la plage sous le sifflement des balles.
Bombe atomique.
Le champignon s'élevant au-dessus d'Hiroshima.
Nagasaki.
La guerre d'Indochine. La guerre de Corée.
La guerre du Vietnam. La guerre des Six-Jours.
La guerre Iran-Irak. La guerre du Golfe.
Les massacres au Rwanda, en Afghanistan…
Les conflits déroulent leur violence.
Partout le feu, les râles, les vautours, l'acier, la boue, les chardons, les rats, les corbeaux. Nous atterrissons sur un champ de bataille qui ressemble à s'y méprendre à un sol lunaire, avec ses cratères creusés par les obus.
Quelques arbres cassés et sans feuilles agonisent.
Le ciel est jaune et gris, avec des traînées cyan.
L'air s'emplit de relents de fer chaud, de feu et de sang.
À l'horizon, on entend des milliers de soldats s'élancer pour tuer, mutiler, détruire. Souffle de lance-flammes, de mortiers, de bazookas.
Au milieu des cris et des rafales, les derniers arbres en feu sont comme des torches éclairant ces étranges cérémonies humaines toujours plus spectaculaires, toujours plus dévastatrices.
C'est là que tu as choisi de combattre, en combat singulier,
toutes tes peurs.
Tu enfiles ton armure, ton casque, tu serres ton bouclier dans ta main gauche.
Lutte contre ta peur de combattre
Le premier de tes adversaires ressemble à un immense serpent de vingt mètres de long.
C'est la représentation de ta peur de combattre.
Tu lèves ta paume ouverte, tu appelles ton épée.
Elle se place d'elle-même dans ta main.
Le serpent rampe, se soulève, se dresse.
Il est gigantesque.
Tu appelles à ton aide un cheval noir aux yeux nerveux et à la longue crinière soyeuse.
Il est caparaçonné de plaques métalliques.
Sur son poitrail, un long éperon.
Sur les flancs des pointes griffues.
Le cheval exhale de l'air bouillant par les naseaux.
Tu sens toute sa force animale retenue uni quement par les rênes que tu serres de la même main que ton bouclier.
Le cheval se cabre, brassant l'air de ses pattes avant.
Tu lèves haut ton épée.
Le serpent géant ouvre sa gueule démesurée et déploie sa langue fourchue.
Sa bouche claque près de ton casque.
Son souffle chaud et fétide te fait chuter de cheval.
Tu te relèves rapidement.
Tu serres ton épée.
Tu te campes bien sur tes jambes et tu lances ton épée dès que sa tête se trouve à portée.
Tu le surprends par des mouvements tournants.
Tu comprends qu'il n'est pas si difficile à vaincre que ça.
Il est à terre.
Du tranchant de l'épée, tu lui coupes la tête.
Tu la soulèves et la brandis vers le ciel.
Tu pousses un cri de victoire.
Voilà, tu n'as plus peur de combattre.
Tu sais que, quel que soit ton adversaire, tu peux te mesurer à lui.
Justement, survient ton deuxième adversaire.
C'est un samouraï muni d'un long saber noir.
Tu reconnais son visage.
C'est l'être humain qui t'a nui le plus.
Celui que tu retrouves parfois dans tes cauchemars.
Lui, tu as toujours souhaité le terrasser.
Lutte contre ton ennemi personnel
Il est enfin là, face à toi.
Il se moque de toi et te défie de son sabre.
Tu t'empresses de ramasser ton épée, tu la nettoies contre ta cuisse et tu te mets en garde.
Il lance son sabre et te frôle.
Il enchaîne à toute vitesse des coups que tu tentes de parer de ton bouclier et de ton épée.
Tu décides de ne plus subir mais de prendre le dessus.
Il suffit de le décider pour que cela fonctionne.
Tes sens sont en alerte, tu perçois tout très vite.
Tu sais qu'il y a un temps infini entre le moment où ton adversaire a décidé de te lancer un coup et celui où tu le reçois.
Il t'attaque à nouveau.
Mais, désormais, tes parades anticipent chacun de ses coups avec une fraction de seconde d'avance.
Plutôt que de le frapper en retour, tu étudies tranquillement son comportement comme si tu regardais un match de tennis à la télévision.
Tu repères ses habitudes, ses tics, les instants infimes où sa garde est à découvert.
Tu attends l'instant propice.
Tu tournes autour de lui, comme un torero autour d'un taureau.
Occupe le centre.
Ne brise pas les courbes.
Laisse-toi entraîner par tes élans.
N'arrête pas les assauts de face, esquive.
Pense que ton duel se transforme en danse.
Dis-toi que, même si tu perds, ce n'est pas grave.
Apprivoise l'éventualité de l'échec, mais ne renonce pas à l'esthétique du duel.
Tu veux bien perdre, mais en beauté.
Ce ne sont pas tes armes, mais ta capacité à saisir ton adversaire qui peut te donner la victoire.
Ne crains pas de le comprendre au point de commencer à le trouver sympathique.
Aime tes ennemis, c'est le meilleur moyen de leur porter sur les nerfs.
Pourquoi est-il si agressif à ton égard?
Parce qu'il a peur.
Ce n'est pas lui que tu affrontes mais sa peur maladive.
Étudie-le encore.
Sens en lui le petit enfant qui a peur du loup, qui a peur du noir, qui a peur quand sa maman s'éloigne.
C'est pour ça qu'il t'en veut.
Plutôt que de le combattre, il faudrait l'aider.
Mais tu sens qu'il n'est plus capable d'écouter qui que ce soit.
Tu vas être obligé de l'arrêter.
Quand tu sens l'instant parfait, accomplis un petit geste.
Un croc-en-jambe suffit.
Il est déséquilibré.
Il tombe.
Cette scène semble se dérouler au ralenti.
Son visage affiche la surprise.
Il continue de tomber.
Il s'en veut de s'être fait avoir aussi stupidement.
Il rejoint enfin le sol.
Vaincu.
Tiens, tu n'y avais pas pensé mais, naturellement, quand ça ne va plus, on revient embrasser la terre.
Tu te penches vers lui.
Tu le remercies pour la beauté du combat.
Et aussi pour l'enseignement qu'il t'a apporté.
Il faut toujours remercier ses ennemis.
Sans eux, tu n'évoluerais pas.
Lutte contre le système
Déjà ton troisième adversaire apparaît.
Il est cubique, titanesque, froid.
Il est doté de chenilles qui écrasent tout.
C'est le système social dans lequel tu es inséré.
Sur ses tours tu reconnais plusieurs têtes.
Il y a celles