de tes professeurs,
de tes chefs hiérarchiques,
des policiers,
des militaires,
des prêtres,
des politiciens,
des fonctionnaires,
des médecins,
qui sont censés toujours te dire si tu as agi bien ou mal.
Et le comportement que tu dois adopter pour rester dans le troupeau.
C'est le Système.
Contre lui ton épée ne peut rien.
Quand tu le frappes, le Système te bombarde de feuilles:
carnets de notes,
P.V.,
formulaires de Sécurité sociale à compléter si tu veux être remboursé,
feuilles d'impôts majorés pour cause de retard de paiement,
formulaires de licenciement,
déclarations de fin de droit au chômage,
quittances de loyer, charges locatives, électricité, téléphone, eau, impôts locaux, impôts fonciers, redevance, avis de saisie d'huissier, menace de fichage à la Banque de France, convocations pour éclaircir ta situation familiale, réclamations de fiche d'état civil datée de moins de deux mois… Le Système est trop grand, trop lourd, trop ancien, trop complexe.
Derrière lui, tous les assujettis au Système avancent, enchaînés.
Ils remplissent hâtivement au stylo des formulaires.
Certains sont affolés car la date limite est dépassée.
D'autres paniquent car il leur manque un papier officiel.
Certains essaient, quand c'est trop inconfortable, de se dégager un peu le cou.
Le Système approche.
Il tend vers toi un collier de fer qui va te relier à la chaîne de tous ceux qui sont déjà ses prisonniers.
Il avance en sachant que tout va se passer automatiquement et que tu n'as aucun choix ni aucun moyen de l'éviter.
Tu me demandes que faire.
Je te réponds que, contre le Système, il faut faire la révolution.
La quoi?
LA RÉVOLUTION.
Tu noues alors un turban rouge sur ton front, tu saisis le premier drapeau qui traîne et tu le brandis en criant:
«Mort au Système.»
Je crains que tu ne te trompes.
En agissant ainsi, non seulement tu n'as aucune chance de gagner, mais tu renforces le Système.
Regarde, il vient de resserrer les colliers d'un cran en prétextant que c'est pour se défendre contre «ta» révolution.
Les enchaînés ne te remercient pas.
Avant, ils avaient encore un petit espoir d'élargir le métal en le tordant.
À cause de toi, c'est encore plus difficile.
Désormais, tu as non seulement le Système contre toi, mais tous les enchaînés.
Et ce drapeau que tu brandis, est-il vraiment le «tien»?
Désolé, j'aurais dû t'avertir.
Le Système se nourrit de l'énergie de ses adversaires.
Parfois il fabrique leurs drapeaux, puis les leur tend.
Tu t'es fait piéger!
Ne t'inquiète pas: tu n'es pas le premier.
Alors, que faire, se soumettre?
Non.
Tu es ici pour apprendre à vaincre et non pour te résigner.
Contre le Système il va donc te falloir inventer une autre forme de révolution.
Je te propose de mettre entre parenthèses une lettre.
Au lieu de faire la révolution des autres, fais ta (r)évolution personnelle.
Plutôt que de vouloir que les autres soient parfaits,
évolue toi-même.
Cherche, explore, invente.
Les inventeurs, voilà les vrais rebelles!
Ton cerveau est le seul territoire à conquérir.
Pose ton épée.
Renonce à tout esprit de violence, de vengeance ou d'envie.
Au lieu de détruire ce colosse ambulant sur lequel tout le monde s'est déjà cassé les dents, ramasse un peu de terre et bâtis ton propre édifice dans ton coin.
Invente. Crée. Propose autre chose.
Même si ça ne ressemble au début qu'à un château de sable, c'est la meilleure manière de t'attaquer à cet adversaire.
Sois ambitieux.
Essaie de faire que ton propre système soit meilleur que le Système en place.
Automatiquement le système ancien sera dépassé.
C'est parce que personne ne propose autre chose d'intéressant que le Système écrase les gens.
De nos jours, il y a d'un côté
les forces de l'immobilisme qui veulent la continuité,
et de l'autre, les forces de la réaction qui, par nostalgie du passé, te proposent
de lutter contre l'immobilisme en revenant à des systèmes archaïques.
Méfie-toi de ces deux impasses.
Il existe forcément une troisième voie qui consiste à aller de l'avant.
Invente-la.
Ne t'attaque pas au Système,
démode-le!
Allez, construis vite.
Appelle ton symbole et introduis-le dans ton château de sable.
Mets-y tout ce que tu es: tes couleurs, tes musiques, les images de tes rêves.
Regarde.
Non seulement le Système commence à se lézarder.
Mais c'est lui qui vient examiner ton travail.
Le Système t'encourage à continuer.
C'est ça qui est incroyable.
Le Système n'est pas «méchant», il est dépassé.
Le Système est conscient de sa propre vétusté.
Et il attendait depuis longtemps que quelqu'un comme toi ait le courage de proposer autre chose.
Les enchaînés commencent à discuter entre eux.
Ils se disent qu'ils peuvent faire de même.
Soutiens-les.
Plus il y aura de créations originales, plus le Système ancien devra renoncer à ses prérogatives.
Lutte contre les maladies
Et maintenant voici ton quatrième adversaire.
On dirait une armée de petits crabes sombres.
Certains répandent des aphtes, des maux de gorge, des fièvres, des yeux rouges, des brûlures d'estomac, des rhumatismes, des psoriasis.
D'autres provoquent des éternuements, des toux, des glaires, des expectorations, des démangeaisons, des boutons, des palpitations…
Voilà quelques problèmes de santé.
Tu ne pourras les vaincre ni par l'épée, ni par le sable.
Appelle à l'aide ton système immunitaire.
Alors des milliers de petits crabes beige clair sortent des cavernes de tes narines, et de ta bouche.
Ce sont tes guerriers d élite contre les maladies.
Les deux armées s'approchent.
D'un côté les maladies.
De l'autre tes lymphocytes.
Et chaque lymphocyte affronte en duel une maladie.
Encourage-les à distance.
Fais sortir les sentiments rentrés.
N'oublie pas que le mot «maladie» vient de «mal à dire».
Utilise la complexité de ta chimie interne.
Ton corps sait produire sa morphine, ses anticoagulants, ses désinfectants, ses antiinflammatoires.
Penses-y.
Tu es peut-être plus fort contre la maladie que tu ne le crois.
Si ton armée ne suffit pas, je vais te proposer une autre tactique.
Bats en retraite.
Et plutôt que de vouloir détruire les maladies, fortifie tes zones saines.
Finalement, certaines maladies, imbattables dans le duel contre tes lymphocytes, s'avèrent incapables de progresser sur des terrains sains.
Là, un rien les achève.
Elles tentent un dernier assaut désespéré.
Alors, tu les massacres toutes en les brûlant avec ta fièvre.
Lutte contre la malchance
Ton cinquième adversaire est la malchance.
C'est une brume grise.
Contre elle tu ne peux vraiment rien faire.
Désolé.
Alors, tu te couches par terre et tu la laisses te recouvrir.
Tu sais que si tu bouges, elle te mordra.
Tu restes immobile, tu ne penses à rien, tu attends que ça se passe.
La malchance ne te fait pas peur.
Accepte de ne pas toujours vaincre.
Accepte la malchance comme un élément pouvant déterminer l'issue d'un combat.
La malchance n'est pas une ennemie.
Tout comme la pluie, c'est un moyen de mieux te faire apprécier le beau temps.
La malchance permet de te remettre en question et de te faire évoluer.
Accepte ton impuissance devant la malchance.
Fais le gros dos.
Sens-la glisser sur ton corps.
Ici, le vrai guerrier est celui qui sait s'abstenir de combattre.
Le vrai guerrier est aussi celui qui sait perdre.