Apprenons à bâtir un monde
si vous êtes un jeune dieu et que vous voulez créer un monde, voici enfin et pour la première fois la recette «physique» pour créer à partir de presque rien de la… VIE.
Attention! Il faut respecter précisément les dosages et les ingrédients. Si vous ne pouvez vous les procurer exactement tels qu'ils sont décrits ici, renoncez.
1°) Prendre une petite planète de taille moyenne. 13 000 km de diamètre par exemple. La porter à ébullition. Il faut qu'elle soit très chaude. 4 000° minimum. A cette température, tous les corps chimiques sont dissociés.
2°) Faire revenir à feu doux. On baissera un peu le thermostat: + 3 000°. Ne pas cesser de touiller la sauce. On peut alors constater que les atomes se mélangent pour former des grumeaux. Goûter. Parmi les molécules les plus stables, on reconnaîtra là des hydrures, des sili-ciures, des carbures, de l'oxygène, de l'azote, et bien sûr de l'hydrogène. Toujours de l'hydrogène. Ne jamais lésiner sur l'hydrogène.
3°) Baisser encore un tout petit peu le feu sans cesser de remuer pour que ça n'attache pas. A 500°, l'hydrogène réduit les oxydes ferreux: apparition d'un océan et de vapeur d'eau. Ne pas s'affoler, c'est normal. Mettre un couvercle en utilisant par exemple la force de gravité pour retenir cette vapeur d'eau autour de la planète.
4°) Soulever le couvercle et observer. La vapeur d'eau à haute température attaque les autres molécules. Sous l'assaut de l'hydrogène, les carbures se transforment en hydrocarbures. Les siliciures se transforment en siliciure d'hydrogène. L'oxygène dissout le méthane pour donner de l'oxyde de carbone. Et l'on voit apparaître aussi de l'ammoniac, de l'hydrogène phosphoré, de l'hydrogène arsénié, de l'hydrogène sulfuré. Tel est d'ailleurs l'état actuel de Saturne et de Jupiter. Mais continuons l'expérience. Baissons encore un peu la température.
5°) Laisser macérer. Puis soumettre notre nappage liquoreux à des charges électriques: la foudre. Le carbure d'hydrogène se condense avec le soufre, l'ammoniac, l'acide cyanhydrique. Notre soupe originelle prend alors une belle couleur bleue. Des grumeaux minuscules surnagent.
6°) C'est l'instant le plus délicat de la préparation de la… «vie». Comme pour un soufflé, si l'on rate cette étape, tout rate. Il faut maintenant prendre un soleil d'âge moyen (attention, les trop jeunes soleils ont des éruptions acnéiques qui peuvent être préjudiciables à la vie et les soleils trop âgés ne sont pas assez puissants) et, tout en tenant la planète dans sa main gauche, exposer progressivement l'océan aux rayons du soleil. Il faut que la planète soit dorée, mais ni brûlée ni glacée. C'est en général l'erreur que commettent les jeunes dieux débutants: ils rapprochent trop la planète et la grillent comme une saucisse. Vénus est malheureusement un exemple de brouillon de planète trop cuite, probablement par un dieu débutant maladroit. Donc on approche progressivement le soleil de la planète (c'est aussi délicat que de verser de l'huile dans une mayonnaise). Sous la chaleur de cette lampe et sous les rayons ultraviolets, les sucres se synthétisent et l'on voit apparaître du glucose et de la cellulose. Goûter. L'océan doit avoir un petit relent sucré.
7°) Approcher encore. Sous l'action des ultraviolets solaires, l'acide formique se condense avec l'aldéhyde formique pour donner la glycocolle. C'est l'acide aminé le plus simple. Et probablement le tout premier représentant de la vie. Si vous n'avez pas raté cette phase, bravo.
8°) A la fin de cette préparation, on doit obtenir dans sa soupe-océan: des sucres, des acides aminés, des protéines et des sels.
9°) Il n'y a plus qu'à laisser mijoter deux milliards d'années et l'on obtient des infimes poussières qui nagent. Ce sont des bactéries. La récompense de tous nos efforts. C'est-à-dire le plus difficile à réussir pour un jeune dieu: des cellules vivantes autonomes!
Au début
Au commencement, tout n'était que simplicité.
L'univers, c'était du rien avec un peu d'hydrogène.
H.
Et puis il y a eu le réveil. L'hydrogène détone. Le big bang explose et ses éléments bouillants se métamorphosent en se répandant dans l'espace.
H, l'élément chimique le plus simple, se casse, se mélange, se divise, se noue pour former des choses nouvelles. L'univers est expérience.
Tout part de 1, mais tout se répand dans tous les sens et dans toutes les formes.
Dans la fournaise initiale, H, l'origine de tout, se met à accoucher d'atomes nouveaux.
Comme He: l'hélium. Et puis tous se mélangent pour donner le jour à des atomes de plus en plus complexes.
On peut actuellement constater les effets de l'explosion initiale. L'ensemble de notre univers-espace-temps-local, qui était composé à 100% d'hydrogène, est maintenant une soupe remplie de tas d'atomes bizarres selon les proportions suivantes.
90 % d'Hydrogène
9 % d'Hélium
0,1 % d'Oxygène
0,060 % de Carbone
0,012% de Néon
0,010 % d'Azote
0,005 % de Magnésium
0,004 % de Fer
0,002 % de Soufre.
En ne citant que les éléments chimiques ayant su le mieux se répandre dans notre univers-espace-temps.
Au nom d'Habracadabrah
La formule magique «Habracadabrah» signifie en hébreu: «Que cela se passe comme c'est dit» (que les choses dites deviennent vivantes). Au Moyen Age, on utilisait volontiers cette incantation pour soigner les fièvres. L'expression a ensuite été reprise par des prestidigitateurs exprimant par cette formule que le spectateur allait assister maintenant au clou du spectacle (le moment où les mots deviennent vivants?). La phrase n'est cependant pas aussi anodine qu'il y paraît à première vue. Il faut reconstituer la formule que produisent ces neuf lettres (en hébreu, on n'utilise pas les voyelles). HA BE RA HA CA AD BE RE HA donne donc: HBR HCD BRH. Sur neuf couches et de la manière suivante, afin de descendre jusqu'au H originel (Aleph) qui se prononce «Ha»
Cette disposition est conçue de façon à capter le plus largement possible les énergies du ciel et à les faire redescendre jusqu'aux hommes. Il faut imaginer ce talisman comme un entonnoir autour duquel la danse spiralée des lettres constituant la formule HABRACADABRAH déferle en un tourbillonnant vortex. Il happe et concentre en son extrémité les forces de l'espace-temps supérieur.
Mais, outre cette signification donnée depuis la nuit des temps par les rabbins, on peut fournir à cette formule un autre sens: la naissance de notre univers.
H, Aleph: l'hydrogène.
HB, Aleph-beth (à rapprocher d'«alphabet»): l'hélium.
HBR: l'oxygène.
En prononçant la formule HABRACADABRAH, on ne fait pas qu'annoncer un tour de magie. On raconte le plus beau, le plus grand, le plus extraordinaire de tous les tours de magie: la naissance de notre univers-espace-temps-local.