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— Qu’est-ce que c’est-y que tu nous montres au platftard ?

Je me fouille en vain : on m’a tout enlevé sauf mon honneur et allez donc écrire un message avec votre honneur en guise de pointe Bic, tas d’émasculés !

C’est alors qu’il me vient une idée. Une bonne, natürlich, puisqu’elle est de moi !

Les murs sont couverts d’une épaisse couche de salpêtre, je vous l’ai déjà dit. Avec mon doigt je commence à tracer une barre. Oh ! joie : ça marque ! J’écris donc en caractères d’imprimerie grands commak : « Attention ! il y a un micro. »

Ensuite j’attire l’attention de ces messieurs et je leur désigne tour à tour l’inscription et le microphone. Pinuche me cligne de l’œil. Béru ne peut retenir un « Ah ! les tantes » qui doit meurtrir les trompes d’Eustaches du type préposé à l’écoute. Fouassa met plus de temps à piger car il est dans un état de prostration très avancé pour son âge.

Lorsqu’il est au parfum, de la main, je racle mon inscription. Ensuite j’adresse un clin d’œil au bonhomme.

— Alors, comme ça, vous ne voulez même pas vous confier à nous, Fouassa ? je murmure.

Ayant dit je lui fais signe de répondre « non ».

— Non ! bredouille le mutilé.

J’approuve avec véhémence.

— Les choses vont mal pour vous. Moi, à votre place, je soulagerais ma conscience. Nous sommes des flics, d’accord, mais des flics français, Fouassa !

Il ne sait ce qu’il faut répondre et se tait. Je n’en demande pas plus. Son mutisme fait partie de mon plan.

— D’accord, obstinez-vous… Espèce de vieux salingue !

Un temps. On se croirait dans un studio d’enregistrement où toutes les directives sont données par signes et par mimiques, car le bruit appartient aux auditeurs !

— Mais il s’évanouit encore ! m’écrié-je.

Et j’enjoins au pote Béru de renchérir !

— Il est groggy ! confirme le Mahousse.

— Dans un sale état, renchérit Pinuche de sa voix de plus en plus blafarde.

— Je me demande si on peut mourir d’une telle mutilation ! fais-je.

— Oh ! sûrement, braille le Gros. Tiens : j’ai un arrière-petit-cousin qui est clamsé d’un truc de ce genre. Et pourtant il s’était juste coupé le bout du petit doigt avec un taille-crayon.

— On dirait qu’il agonise ! fait Pinuche.

Fouassa nous considère de son regard hébété. Sa souffrance est atroce. Et par-dessus le marka il doit jouer la comédie !

— Il risque de passer sans avoir parlé, fais-je. Je suis certain qu’il aurait fini par se confier à nous avant de canner !

— Et à quoi cela nous aurait-il avancés ? demande le Gros.

— Simple curiosité professionnelle. J’aime pas mourir puceau, gros !

La porte s’agite. Je fais signe à Fouassa de tomber en syncope et il m’obéit. Entrée des trois individus que vous connaissez déjà. Le blond marche à Fouassa en prenant grand soin de nous contourner. Il lui palpe le front, lui tâte le pouls et fait signe aux autres de l’embarquer. M’est avis qu’il doit avoir les jetons. Si Fouassa meurt avec ce que l’autre croit être son secret, il aura fait tout ce circus et pris tous ces risques pour des clopinettes cintrées.

Le cortège se trisse sans un mot.

Mes coéquipiers me virgulent des regards en forme de points d’interrogation renforcés.

Pas besoin de savoir lire l’andouille dans le texte pour comprendre ce qu’ils expriment.

— Où que tu veux en venir ? me demandent mutuellement les deux fameux archers de la Maison Pouleman.

J’attends un petit paquet de minutes et puis, les ayants alertés d’un geste, je démarre la séance :

— Qu’est-ce que c’est que ce petit bout de papier pelure à la place de Fouassa ?

Béru regarde, il va pour me dire qu’il ne le voit pas, et vite je prends les devants.

— Puisque tu peux l’attraper, passe-le-moi, Gros.

Un léger temps. Les deux pompiers s’entre-dévisagent en se demandant si cette histoire de micro ne me cognerait pas un chouïa sur la coupole.

— Merci ! dis-je, comme si je venais d’attraper ce papier illusoire.

Puis j’émets un léger sifflement.

— Bon Dieu, les gars ! C’est ce que nous cherchions !

Je leur cligne de l’œil. Le Gros comprend in extremis :

— Planque-le ! fait-il, s’ils le trouvent sur toi !

— Ta gueule, fais-je, je l’apprends par cœur et je l’avale !

Quarante-deux secondes trois dixièmes s’écoulent encore et la porte se rouvre à la volée. Mon type blond est là, escorté du Chintoque. Je fais mine d’avaler ma salive avec difficulté et je leur décroche un sourire radieux. Sans un mot les deux gars s’approchent de moi et le jaune ôte mon bracelet de ferraille.

— Qu’y a-t-il ? demandé-je. On m’appelle au téléphone ?

Ils sont avares de mots. Le blond sort son pétard et me l’appuie sur la nuque.

— Avancez ! dit-il seulement.

Le plus-dur, c’est pour me mettre d’aplomb. Ensuite je réussis à faire un pas et nous sortons.

— Si tu reviendrais pas, écris-nous ! lance sinistrement Béru. Et si tu reviens, n’oublie pas d’apporter un gigot !

CHAPITRE IX

Je vais enfin savoir ce qu’il y a, hors de cette cave. Je marche enfin ! C’est bon. Mon raisin reconnaissant coule allègrement dans mes veines. Mes muscles grincent un peu, mais fonctionnent néanmoins. Brusquement j’ai une petite bouffée de confiance en la vie. C’est un hymne confus qui monte de tout mon être, pareil à une prière.

Un couloir bas, voûté comme Quasimodo, sinistre, plus suintant et salpêtré que la cave où nous croupissons. Il se termine par un escalier aux marches limoneuses et étroites, creusées en leur mitan par l’usure. M’est avis, mes adorées, que nous nous trouvons dans une vachement vieille baraque !

Nous escaladons l’escalier. Il tourne comme celui d’un clocher. Il n’en finit pas. C’est sinistre, cette cahute.

Nous débouchons dans un vaste couloir dont le carrelage part en brioche. Ce couloir mène à un hall, lequel hall distribue plusieurs pièces aux portes à deux battants. Un vrai petit château, les gars, mais un château becté aux mites. Le crépi des murs n’est plus qu’un triste souvenir. Certains vitraux des fenêtres gothiques manquent à l’appel et ça chlingue copieusement le moisi.

On me pousse dans une immense pièce dont une cheminée monumentale occupe presque tout un panneau. Sur une vieille bergère de style baroque, aux pieds en forme de pattes de lion, Fouassa gît. Il chique toujours au zig inanimé. On lui a tombé le grimpant pour lui faire une piquouze remontante et ses fesses en goutte d’huile pendent tristement. Outre la bergère, il y a d’autres sièges et une table. On me propulse dans un fauteuil. Je tombe en charpie. J’ai la viande qui s’effiloche. Mes jambes font bravo tant est grande ma faiblesse.

Les trois hommes me regardent un moment avec une fixité qui me flanque mal au cœur. Le gorille a sa mitraillette en pogne. C’est décidément son instrument de travail number one. Le blondinet, par contre, a remisé son appareil à sucrer les gaufres et, les mains aux poches, sifflote doucement en me contemplant.

— Si c’est pour un portrait d’art, lui dis-je, vous avez intérêt à me peindre de trois quarts, c’est mon meilleur angle.

Il ne sourcille pas. Jamais vu un zigoto si peu bavard.

— Monsieur, fait-il brusquement de son timbre métallique, je vous serais reconnaissant de me donner la formule que vous venez de trouver.

Votre San-Antonio tant aimé, mes toutes chéries, rassemble la totalité de ses forces pour jouer sa grande scène of the two.