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— Ainsi, le président du raïsoviet et Merlin se mirent en route et arrivèrent chez un apiculteur, Héros du Travail, sir Otchelnitchenko, qui était un valeureux chevalier et un illustre ramasseur de miel. Et sir Otchelnitchenko leur rendit compte de ses succès professionnels et guérit sir Arthur de sa radiculite avec du venin d’abeille. Et le président passa trois jours en ces lieux, sa radiculite se calma, ils se remirent en route, et en chemin, Sir Ar … le président dit : — Je n’ai pas de glaive. — Le malheur n’est pas grand, lui dit Merlin, je t’en donnerai un. Ils parvinrent à un grand lac, et Arthur vit une main sortir de l’eau …

A ma grande joie, le téléphone sonna et je décrochai.

— Allô, dis-je, allô.

Merlin continuait d’une voix nasillarde : Et près de Lejnev, ils rencontrèrent sir Pellinor, cependant Merlin fit en sorte qu’il ne remarque pas le président …

— Sir citoyen Merlin dis-je, ne pourriez-vous pas baisser légèrement le ton ? Je n’entends rien.

Merlin se tut avec l’air de quelqu’un prêt à reprendre la parole à tout moment.

— Allô, répétai-je.

— Qui est à l’appareil ?

— A qui voulez-vous parler ?

— Cela suffit comme ça ! Où vous croyez-vous, Privalov ?

— Excusez-moi, Modeste Métvéievitch, Privalov à l’appareil.

— Oui. Faites votre rapport.

— Quel rapport ?

— Écoutez, Privalov. Vous vous conduisez comme je ne sais qui. Avec qui étiez-vous en train de parler ? Pourquoi y a-t-il ici des personnes étrangères au service ? Pourquoi y a — t-il du monde à l’institut après la fermeture des bureaux ?

— C’est Merlin.

— Fichez-le dehors !

— Avec plaisir. ( Merlin qui avait dû écouter devint tout rouge et se dissipa dans les airs après avoir lancé un « Grossier personnage ! » bien senti. )

— Avec plaisir ou sans, je ne veux pas le savoir !

Je me suis laissé dire que vous entassez sur le bureau les clefs qu’on vous remet au lieu de les enfermer dans le tiroir.

« Ça, c’est du Vybegallo », pensais-je.

— Pourquoi ne dites-vous rien ?

— Ce sera fait.

— Très bien, approuva Modeste Matvéievitch. Je veux une vigilance à la hauteur. Vous m’avez saisi ?

— Oui.

— C’est tout ce que j’avais à vous dire. Il raccrocha.

— Bon, fit Oïra-Oïra en boutonnant son manteau. Je m’en vais ouvrir des boîtes de conserve et déboucher des bouteilles. Salut, Sacha, je ferai un saut tout à l’heure.

II

Je descendais dans des corridors obscurs, et puis je remontais. J’étais seul ; je criais, on ne répondait pas ; j’étais seul dans cette grande maison, déroutante comme un labyrinthe.

Guy de Maupassant.

Après avoir fourré les clefs dans une poche de ma veste, je partis faire ma première ronde. Par l’escalier d’honneur, qui, à ma connaissance, n’avait servi qu’une fois, lors de la visite d’un auguste personnage venu d’Afrique, je descendis dans le vestibule, immense, surchargé de décorations architecturales accumulées à travers les siècles, puis j’allai jeter un coup d’œil à la porterie. Par le guichet, j’aperçus, dans une brume phosphorescente, deux macrodémons de Maxwell. Ils jouaient à pile ou face, jeu stochastique s’il en fut.

Ils y consacraient tous leurs loisirs. Énormes, mous, ridicules, affublés de vieux uniformes, ils faisaient penser à une colonie de virus de la poliomyélite vus au microscope électronique. Comme il convient à des démons de Maxwell, ils avaient passé leur vie à ouvrir et à fermer des portes. Ils étaient bien dressés, expérimentés, mais le préposé à la sortie avait atteint l’âge de la retraite ( comparable à celui d’une galaxie ) et de temps en temps retombait en enfance et commençait à faire des siennes. Alors quelqu’un du service de Maintenance enfilait un scaphandre, pénétrait dans la porterie remplie d’argon comprimé et calmait le pauvre vieux.

Conformément aux instructions, je les conjurai tous les deux, c’est-à-dire que je bloquai les canaux d’information et branchai sur moi-même les dispositifs d’entrée et de sortie. Les démons ne réagirent pas, ils étaient trop occupés. L’un gagnait, et l’autre, par conséquent, perdait ; cela les troublait car l’équilibre statistique était rompu. Je fermai le volet du guichet et fis le tour du vestibule humide, obscur et sonore. Les bâtiments de l’institut étaient très vieux, et la partie la plus ancienne était visiblement le hall. Dans les recoins, on voyait luire les os blanchis de squelettes enchaînés, on entendait un bruit de gouttes qui tombaient régulièrement, dans des niches, des statues étaient figées dans des poses peu naturelles ; à droite de l’entrée, s’élevait un amoncellement de débris d’idoles, couronné par un bouquet de jambes de plâtre chaussées de bottes. Les murs s’ornaient de toiles noircies représentant de vénérables vieillards au regard sévère, parmi lesquels on reconnaissait Fédor Siméonovitch, le camarade Gian Giacomo et d’autres grands maîtres. Tout ce fatras aurait dû être jeté depuis longtemps pour laisser la place à des fenêtres et à des tubes au néon, mais il était répertorié, inventorié et Modeste Matvéievitch défendait qu’on y touche. Sur les chapiteaux des colonnes et dans le dédale du gigantesque lustre suspendu au plafond, des chiens volants et des chauves-souris allaient et venaient dans un bruissement d’ailes. Modeste Matvéievitch leur faisait la chasse en les arrosant de térébenthine et de créosote, en les saupoudrant de D. D. T., en les aspergeant d’hexachlorène. Ils mouraient par milliers mais naissaient par dizaines de milliers ; il se produisait des mutations et certains mutants chantaient ou parlaient ; les descendants des espèces les plus anciennes se nourrissaient exclusivement de pyrèthre mêlé à du chlorate. Sania Drozd, le cameraman de l’institut, jurait avoir vu de ses propres yeux une chauve-souris qui ressemblait comme deux gouttes d’eau au chef du personnel.

D’un renfoncement d’où s’exhalait une puanteur glacée me parvinrent des gémissements et un cliquetis de chaînes. — Ça suffit comme ça, dis-je sévèrement. Qu’est-ce que c’est que ces histoires ! Vous devriez avoir honte !.. Le bruit cessa. Je remis consciencieusement en place un tapis qui avait bougé et m’engageai dans l’escalier.

Comme je l’ai déjà dit, de l’extérieur, l’institut ne semblait avoir qu’un étage. En réalité, il n’y en avait pas moins de douze. Je n’étais jamais allé plus haut que le douzième, parce que l’ascenseur était continuellement en réparation et que je lie savais pas encore voler. La façade aux dix fenêtres étàijt une illusion d’optique. A droite et à gauchedu vestibule, l’institut s’étendait sur au moins un kilomètre et cependant toutes les fenêtres donnaient sur la même rue. Cela me stupéfiait. Au début, j’avais instamment demandé à Roman de m’expliquer comment cela était compatible avec nos notions classiques ou tout au moins relativistes des propriétés de l’espace. Je n’avais rien compris à ses explications, mais je m’étais habitué et j’avais cessé de m’étonner. Je suis absolument convaincu que dans dix ou douze ans, le premier écolier venu comprendra mieux la théorie de la relativité qu’un spécialiste actuel. Pour cela il n’est pas du tout nécessaire de comprendre la distorsion de l’espace-temps, il faut seulement que cette idée devienne familière dès l’enfance.