Elle s’arrêta et se retourna.
— Donc, pour que ton plan fonctionne, tu ne peux pas me tirer dessus.
Alors, d’un bond, elle se jeta sur lui, les ongles fichés comme des serres dans ses joues. La surprise de cette attaque fit gicler une balle de l’arme en direction du ciel, puis l’arme elle-même, une parabole d’acier perdue dans le néant. Les oiseaux nichés dans les parois s’envolèrent par nuées en criant. Les deux silhouettes bondirent contre la rambarde, tout hurlait autour d’eux, le vent dans la cavité, le bois, le ciel, l’appel du large, et, de loin en loin, on aurait pu croire assister au ballet violent de deux danseurs rapides et funestes, comme dans un film muet. Et quand l’un penchait, l’autre le retournait, et l’un ou l’autre reprenait l’avantage, et tout recommençait, une sorte de combat épique, à la force, au courage, à l’épuisement, même à l’instinct, comme celle d’un lion contre un léopard, l’instinct qui peut décupler l’envie de vivre, de vivre pour survivre, jusqu’à ce que, finalement, l’un des deux combattants bascule par-dessus la barrière de sécurité, roule dans la pente vertigineuse de végétation et soit pulvérisé dans le vide — une trace blanche et aussi furtive qu’une étoile filante.
Et ce fut tout, et les oiseaux réapparurent, et le survivant s’attarda sur la passerelle, les mains sur la rambarde, la tête entre ses épaules agitées par la violence de son souffle, sa poitrine se levant et s’affaissant exagérément.
Puis le vainqueur reprit la direction de la terre ferme et s’évapora dans le chemin.
Chaque être se tut, livré enfin au noir éternel.