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— Peut-être qu’il s’est dit qu’on finirait par aller fouiner dans ces archives, un jour ou l’autre. Il brouille les pistes. A-t-il peur que Jeanson ne parle ? Que son visage, qu’il cherche tant à dissimuler, ne nous dise quelque chose ?

— Et l’histoire autour des livres de Léane Morgan ? Pourquoi les avoir apportés là-bas ?

— Je sèche. Mais une chose est sûre : ce qui se passe dans le Nord, au fond de la prison de Valence et ici, ce sont les fils d’une même pelote de laine. Moriarty n’est plus cent pour cent anonyme. Luc Thomas doit exister, quelque part. On va le retrouver, que ce soit grâce à la biologie ou aux recherches dans l’Administration. Jocelyn et Ethan sont en train de se brancher là-dessus.

Vic agita sa main.

— Tiens, amène-toi. Je viens de trouver un truc.

Vadim vint se coller contre lui et observa la lettre que désignait Vic. En en-tête, une date et un « Mon très cher Andy ». Le courrier était signé « Irène A. ».

— Irène A. pour Irène Adler. L’un des personnages de Conan Doyle.

Vic tendit à son collègue le paquet.

— Tu peux chercher les autres courriers d’Irène ?

Vadim acquiesça et s’installa à côté de lui. Pendant ce temps, Vic relut plusieurs fois sa lettre, avec soin, les sourcils froncés. Que signifiait ce passage presque incompréhensible au milieu du texte ? Et cette histoire de chiffres ? La lettre lui paraissait à la fois banale et complètement étrange. Il imaginait Félix Delpierre, dans sa cave, en train de rédiger ce courrier en face de sa « chose », de se casser la tête, de se mettre dans la peau d’une femme, jusqu’à changer son écriture.

— J’en ai une autre. « Irène A. »

Vadim lui en tendit une nouvelle. Vic lut avec attention, et fut surpris par la manière dont la structure se répétait : deux ou trois paragraphes de généralités, avant un passage obscur de quelques lignes, dans lequel il était cette fois question d’arbres et d’océan. Puis, vers le bas de la lettre, Irène A. recommençait avec son histoire de chiffres et concluait par un dernier paragraphe bourré de sentiments. Vic attendit que Vadim lui trouve un autre courrier et trouva de nouveau cette structure.

Il mit les lettres côte à côte, se concentra sur les paragraphes énigmatiques. Il savait que la solution était juste là, sous ses yeux. Il se représentait Jeanson ouvrant le courrier parfumé et décryptant, au nez des gardiens, les mots que lui avait adressés Delpierre. Il devinait alors sa jouissance, son pouvoir.

« Chaque oiseau rare poursuit son envol, ne trouve en rien refuge éternel », relut-il avec la plus grande attention. Ou encore, dans une autre missive : « Cette oriflamme rouge ploie sans erreur, ni trop engagé, resserré, riche étoffe.  » Même phrase incompréhensible, même nombre de mots, et même…

Alors il vit. Les lettres s’illuminèrent dans sa tête comme des balises sur la piste d’un aéroport.

— Je le tiens !

Vadim leva un regard vers son collègue.

— Qu’est-ce que t’as trouvé ?

Vic ne répondit pas, il ne l’avait même pas entendu. Il prit un papier, un stylo, et se mit à souligner certaines lettres.

« C haque o iseau r are p oursuit s on e nvol, n e t rouve e n r ien r efuge é ternel. P ar r ivières e t s ources d ouces e n S ologne, a ucun i bis n e t rouve b onne e t r iche n ourriture a u r ivage d esséché. P our a valer u ne l ibellule, i l n e st p as e n r etard, l o iseau, t iens ! »