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LA COMTESSE, souriant. Mon ruban?… Quelle enfance!.

SUZANNE. J'ai voulu le lui ôter; madame, C'était un lion; ses yeux brillaient… Tu ne l'auras qu'avec ma vie, disait-il en formant sa petite voix douce et grêle.

LA COMTESSE, rêvant. Eh bien, Suzon?

SUZANNE. Eh bien, madame, est-ce qu'on peut titre finir ce petit démon-là? Ma marraine par-ci; je voudrais bien par l'autre; et parce qu'il n'oserait seulement baiser la robe de Madame, il voudrait toujours m'embrasser, moi.

LA COMTESSE, rêvant. Laissons… laissons ces folies… Enfin, ma pauvre Suzanne, mon époux a fini par te dire?…

SUZANNE. Que si je ne voulais pas l'entendre, il allait protéger Marceline.

LA COMTESSE se lève et se promène en se servant fortement de l'éventail. Il ne m'aime plus du tout.

SUZANNE. Pourquoi tant de jalousie?

LA COMTESSE. Comme tous les maris, ma Chère! uniquement par orgueil. Ah? je l'ai trop aimé l'je l'ai lassé de mes tendresses et fatigué de mon amour; voilà mon seul tort avec lui: mais je n'entends pas que cet honnête aveu te nuise, et tu épouseras Figaro. Lui seul peut nous y aider: viendra-t-il?

SUZANNE. Dés qu'il verra partir la Chasse.

LA COMTESSE, se servant de l'éventail. Ouvre un peu la croisée sur le jardin. Il fait une Chaleur ici!…

SUZANNE. C'est que Madame parle et marche avec action. Elle va ouvrir la croisée du fond.

LA COMTESSE, rêvant longtemps. sans cette Constance à me fuir… Les hommes sont bien Coupables!

SUZANNE crie de la fenêtre. Ah! voilà Monseigneur qui traverse à cheval le grand potager, suivi de PÉDRILLE, avec deux, trois, quatre lévriers.

LA COMTESSE. Nous avons du temps devant nous. (Elle s'assied.) On frappe, Suzon?

SUZANNE court ouvrir en chantant. Ah! C'est mon Figaro! ah! C'est mon Figaro!

Scène 2

FIGARO, SUZANNE, LA COMTESSE, assise

SUZANNE. Mon Cher ami, viens donc! Madame est dans une impatience!…

FIGARO. Et toi, ma petite Suzanne? – Madame n'en doit prendre aucune. Au fait, de quoi s'agit-il? d'une misère. Monsieur le Comte trouve notre jeune femme aimable, il voudrait en faire sa maîtresse; et c'est bien naturel.

SUZANNE. Naturel?

FIGARO. Puis il m'a nommé courrier de dépêches, et Suzon conseiller d'ambassade. Il n'y a pas là d'étourderie.

SUZANNE. Tu finiras?

FIGARO. Et parce que Suzanne, ma fiancée, n'accepte pas le diplôme, il va favoriser les vues de Marceline. Quoi de plus simple encore? Se venger de ceux qui nuisent à nos projets en renversant les leurs, c'est ce que chacun nuit, ce que nous allons faire nous-mêmes. Eh bien, voilà tout pourtant.

LA COMTESSE. Pouvez-vous, Figaro, traiter si légèrement un dessein qui nous coûte à tous le bonheur?

FIGARO. Qui dit cela, Madame?

SUZANNE. Au lieu de t'affliger de nos chagrins…

FIGARO. N'est-ce pas assez que je m'en occupe? Or, pour agir aussi méthodiquement que lui, tempérons d'abord son ardeur de nos possessions, en l'inquiétant sur les siennes.

LA COMTESSE. C'est bien dit; mais comment?

FIGARO. C'est déjà fait, madame; un faux avis donné sur vous…

LA COMTESSE. Sur moi! La tête vous tourne!

FIGARO. Oh! c'est à lui qu'elle doit tourner.

LA COMTESSE. Un homme aussi jaloux!…

FIGARO. Tant mieux; pour tirer parti de gens de ce caractère, il ne faut qu'un peu leur fouetter le sang; c'est ce que les femmes entendent si bien! Puis les tient-on fâchés tout rouge, avec un brin d'intrigue on les mène où l'on veut, par le nez, dans le Guadalquivir. Je vous ai fait rendre à BAZILE un billet inconnu, lequel avertit Monseigneur qu'un galant doit chercher à vous voir aujourd'hui pendant le bal.

LA COMTESSE. Et vous vous jouez ainsi de la vérité sur le compte d'une femme d'honneur!…

FIGARO. Il y en a peu, madame, avec qui je l'eusse osé, crainte de rencontrer juste.

LA COMTESSE. Il faudra que je l'en remercie!

FIGARO. Mais, dites-moi s'il n'est pas charmant de lui avoir taillé ses morceaux de la journée, de façon qu'il passe à rôder, à jurer après sa dame, le temps qu'il destinait à se complaire avec la nôtre? Il est déjà tout dérouté: galopera-t-il celle-ci? surveillera-t-il celle-là?

Dans son trouble d'esprit, tenez, tenez, le voilà qui court la plaine, et force un lièvre qui n'en peut mais. L'heure du mariage arrive en poste, il n'aura pas pris de parti contre, et jamais il n'osera s'y opposer devint Madame.

SUZANNE. Non; mais Marceline, le bel esprit, osera le faire, elle.

FIGARO. Brrrr! Cela m'inquiète bien, ma foi! Tu feras dire à Monseigneur que tu te rendras sur la brune au jardin.

SUZANNE. Tu Comptes sur celui-là?

FIGARO. Oh dame! écoutez donc, les gens qui ne veulent rien faire de rien n'avancent rien et ne sont bons à rien. Voilà mon mot.

SUZANNE. Il est joli!

LA COMTESSE. Comme son idée. Vous Consentiriez qu'elle s'y rendît?

FIGARO. Point du tout. Je fais endosser un habit de Suzanne à quelqu'un: surpris par nous au rendez-vous, le Comte pourra-t-il s'en dédire?

SUZANNE. A qui mes habits?

FIGARO. Chérubin.

LA COMTESSE. Il est parti.

FIGARO. Non pas pour moi. Veut-on me laisser faire?

SUZANNE. On peut s'en fier à lui pour mener une intrigue.

FIGARO. Deux, trois, quatre à la fois; bien embrouillées, qui se croisent. J'étais né pour être courtisan.

SUZANNE. On dit que c'est un métier si difficile!

FIGARO. Recevoir, prendre et demander, voilà le Secret en trois mots.

LA COMTESSE. Il a tant d'assurance qu'il finit par m'en inspirer.

FIGARO. C'est mon dessein.

SUZANNE. Tu disais donc?

FIGARO. Que pendant l'absence de Monseigneur je vais vous envoyer le Chérubin; coiffiez-le, habillez-le; je le renferme et l'endoctrine; et puis dansez, Monseigneur.

Il sort.

Scène 3

SUZANNE, LA COMTESSE, assise

LA COMTESSE, tenant sa boîte à mouches. Mon Dieu, Suzon, comme je suis faite!… Ce jeune homme qui va venir!…

SUZANNE. Madame ne veut donc pas qu'il en réchappe?

LA COMTESSE rêve devant sa petite glace. Moi?… Tu verras comme je vais le gronder.

SUZANNE. Faisons-lui Chanter sa romance.

Elle la met sur la Comtesse.

LA COMTESSE. Mais C'est qu'en vérité mes cheveux sont dans un désordre…

SUZANNE, riant. Je n'ai qu'à reprendre ces deux boucles, Madame le grondera bien mieux.

LA COMTESSE, revenant à elle. Qu'est-ce que vous dites donc, mademoiselle?

Scène 4

CHÉRUBIN, l'air honteux, SUZANNE, LA COMTESSE, assise

SUZANNE. Entrez, monsieur l'officier; on est visible.

CHÉRUBIN avance en tremblant. Ah! que ce nom m'afflige, madame! il m'apprend qu'il faut quitter les lieux… une marraine si… bonne!…

SUZANNE. Et si belle!

CHÉRUBIN, avec un soupir. Ah! oui.

SUZANNE le contrefait. Ah! oui. Le bon jeune homme! avec ses longues paupières hypocrites. Allons, bel oiseau bleu, chantez la romance à Madame.