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LA COMTESSE la déplie. De qui… dit-on qu'elle est?

SUZANNE. Voyez la rouleur du Coupable: en a-t-il un pied sur les joues?

CHÉRUBIN. Est-ce qu'il est détendu… de Chérir?…

SUZANNE lui met le poing sous le nez. Je dirai tout, vaurien!

LA COMTESSE. Là… Chante-t-il?

CHÉRUBIN. Oh! madame, je suis si tremblant!…

SUZANNE, en riant. Et gnian, gnian, gnian, gnian, gnian, gnian, gnian; dès que Madame le veut, modeste auteur! Je vais l'accompagner.

LA COMTESSE. Prends ma guitare.

La Comtesse assise tient le papier pour suivre.

Suzanne est derrière son fauteuil, et prélude, en regardant la musique par-dessus sa maîtresse. Le petit page est devant elle, les yeux baissés. Ce tableau est juste la belle estampe, d'après vanloo, appelée “ La Conversation espagnole ”.

ROMANCE

AIR! Marlbroug s'en va-t-en guerre

PREMIER COUPLET

Mon Coursier hors d'haleine,

(Que mon Coeur, mon Coeur a de peine!)

J'errais de plaine en plaine,

Au gré du destrier.

DEUXIÈME COUPLET

Au gré du destrier,

Sans varlet, n'écuyer;

Là près d'une fontaine,

(Que mon Coeur, mon Coeur a de peine!)

Songeant à ma marraine.

Sentais mes pleurs couler.

TROISIÈME COUPLET

Sentais mes pleurs couler,

Prêt à me désoler,

Je gravais sur un frêne,

(Que mon Coeur, mon coeur a de peine?)

Sa lettre sans la mienne;

Le roi vint à passer.

QUATRIÈME COUPLET

Le roi vint à passer,

Ses barons, son clergé.

Beau page, dit la reine,

(Que mon Coeur, mon Coeur a de peine!)

Qui vous met à la gêne?

Qui vous fait tant pleurer?

CINQUIÈME COUPLET

Qui vous fait tant pleurer?

Nous faut le déclarer.

Madame et souveraine,

(Que mon Coeur, mon coeur a de peine!)

J'avais une marraine,

Que toujours adorait.

SIXIÈME COUPLET

Que toujours adorai;

Je sens que j'en mourrai.

Beau page, dit la reine,

(Que mon Coeur, mon Coeur a de peine!)

N'est-il qu'une marraine?

Je vous en servirai.

SEPTIÈME COUPLET

Je vous en servirai;

Mon page vous ferai;

Puis à ma jeune Hélène,

(Que mon Coeur, mon Coeur a de peine?)

Fille d'un Capitaine,

Un jour vous marierai.

HUITIÈME COUPLET

Un jour vous marierai,

Nenni, n'en faut parler!.

Je veux, traînant ma chaîne,

(Que mon coeur, mon coeur a de peine!)

Mourir de cette peine

Mais non m'en consoler.

LA COMTESSE. Il y a de la naïveté… du sentiment même.

SUZANNE va poser la guitare sur un fauteuil. Oh! pour du sentiment, c'est un jeune homme qui… Ah çà, monsieur l'officier, vous a-t-on dit que pour égayer la soirée nous voulons savoir d'avance si un de mes habits vous ira passablement?

LA COMTESSE. J'ai peur que non.

SUZANNE se mesure avec lui. Il est de ma grandeur. Ôtons d'abord le manteau.

Elle le détache.

LA COMTESSE. Et si quelqu'un entrait?

SUZANNE. Est-ce que nous fusons du mû donc? Je vais fermer la porte (elle court); mais c'est la coiffure que je veux voir.

LA COMTESSE. Sur ma toilette, une baigneuse à moi.

Suzanne entre dans le cabinet dont la porte est au bord du théâtre.

Scène 5

CHÉRUBIN, LA COMTESSE, assise

LA COMTESSE. Jusqu'à l'instant du bal le Comte ignorera que vous soyez au château. Nous lui dirons après que le temps d'expédier votre brevet nous a fait naître l'idée…

CHÉRUBIN le lui montrant. Hélas! madame, le voici!

BAZILE me l'a remis de sa part.

LA COMTESSE. Déjà? L'on a craint d'y perdre une minute.

(Elle lit.) Ils se sont tant pressés, qu'ils ont oublié d'y mettre son cachet.

Elle le lui rend.

Scène 6

CHÉRUBIN, LA COMTESSE,SUZANNE

SUZANNE entre avec un grand bonnet. Le cachet, à quoi?

LA COMTESSE. A son brevet.

SUZANNE. Déjà?

LA COMTESSE. C'est ce que je disais. Est-ce là ma baigneuse?

SUZANNE s'assied près de la Comtesse. Et la plus belle de toutes. (Elle chante avec des épingles dans sa bouche.) Tournez-vous donc envers ici,

Jean de Lyra, mon bel ami. Chérubin se met à genoux. Elle le coiffe. Madame, il est Charmant!

LA COMTESSE. Arrange son collet d'un air un peu plus féminin.

SUZANNE l'arrange. Là… Mais voyez donc ce morveux, comme il est joli en fille! j'en suis jalouse, moi! (Elle lui prend le menton.) Voulez-vous bien n'être pas joli comme ça?

LA COMTESSE. Qu'elle est folle! il faut relever la manche, afin que l'amadisi prenne mieux… (Elle le retrousse.) Qu'est-ce qu'il a donc au bras? Un ruban!

SUZANNE. Et un ruban à vous. Je suis bien aise que Madame l'ait vu. Je lui avais dit que je le dirais, déjà! Oh! si Monseigneur n'était pas venu, j'aurais bien repris le ruban; car je suis presque aussi forte que lui.

LA COMTESSE. Il y a du Sang!

Elle détache le ruban.

CHÉRUBIN, honteux. Ce matin, comptant partir, j'arrangeais la gourmette de mon cheval; il a donné de la tête, et la bossette m'a effleuré le bras.

LA COMTESSE. On n'a jamais mis un ruban…

SUZANNE. Et surtout un ruban volé. – Voyons donc ce que la bossette… la courbette… la cornette du cheval… Je n'entends tien à tous ces noms-là – Ah! qu'il a le bras blanc; c'est comme une femme! plus blanc que le mien! Regardez donc, madame! Elle les compare.

LA COMTESSE, d'un ton glacé. Occupez-vous plutôt de m'avoir du taffetas gommé dans ma toilette. Suzanne lui pousse la tête en riant; il tombe sur les deux mains. Elle entre dans le cabinet au bord du théâtre.

Scène 7

CHÉRUBIN, à genoux, LA COMTESSE assise

LA COMTESSE reste un moment sans parler, les yeux sur son ruban. Chérubin la dévore de ses regards. Pour mon ruban, monsieur… comme c'est celui dont la couleur m'agrée le plus… j'étais fort en colère de l'avoir perdu.

Scène 8

CHÉRUBIN, à genoux, LA COMTESSE, assise, SUZANNE

SUZANNE, revenant. Et la ligature à son bras? Elle remet à la Comtesse du taffetas gommé et des ciseaux.

LA COMTESSE. En allant lui chercher tes hardes, prends le ruban d'un autre bonnet.

Suzanne son par la porte du fond, en emportant le manteau du page.

Scène 9

CHÉRUBIN, à genoux, LA COMTESSE, assise

CHÉRUBIN, les yeux baissés. Celui qui m'est ôté m'aurait guéri en moins de rien.

LA COMTESSE. Par quelle vertu? (Lui montrant le taffetas.) Cela vaut mieux.

CHÉRUBIN, hésitant. Quand un ruban… a serré la tête… ou touché la peau d'une personne…

LA COMTESSE, coupant la phrase… Étrangère, il devient bon pour les blessures? J'ignorais cette propriété. Pour l'éprouver, je garde celui-ci qui vous a serré le bras. A la première égratignure… de mes femmes, j'en ferai l'essai.