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CHÉRUBIN, pénétré. Vous le gardez, et moi je pars.

LA COMTESSE. Non pour toujours.

CHÉRUBIN. Je suis si malheureux!

LA COMTESSE, émue. Il pleure à présent! C'est ce vilain Figaro avec son pronostic!

CHÉRUBIN, exalté. Ah! je voudrais toucher au terme qu'il m'a prédit! Sûr de mourir à l'instant, peut-être ma bouche oserait…

LA COMTESSE L'interrompt et lui essuie les yeux avec son mouchoir. Taisez-vous, taisez-vous, enfant! Il n'y a pas un brin de raison dans tout ce que vous dites. (On frappe à la porte; elle élève la voix.) Qui frappe ainsi chez moi?

Scène 10

CHÉRUBIN, LA COMTESSE, LE COMTE, en dehors

LE COMTE, en dehors. Pourquoi donc enfermée?

LA COMTESSE, troublée, se lève. C'est mon époux! grands dieux! (A Chérubin qui s'est levé aussi.) Vous, sans manteau, le Col et les bras nus! seul avec moi! cet air de désordre, un billet reçu, sa jalousie!…

LE COMTE, en dehors. Vous n'ouvrez pas?

LA COMTESSE. C'est que… je suis seule.

LE COMTE, en dehors. Seule! Avec qui parlez-vous donc?

LA COMTESSE, cherchant… Avec vous sans doute.

CHÉRUBIN, à pan. Après les scènes d'hier et de ce matin, il me tuerait sur la place!

Il court au cabinet de toilette, y entre, et tire la porte sur lui.

Scène 11

LA COMTESSE, seule,

en ôte la clef et court ouvrir au Comte

Ah! quelle faute! quelle faute!

Scène 12

LE COMTE, LA COMTESSE

LE COMTE, un peu sévère. Vous n'êtes pas dans l'usage de vous enfermer!

LA COMTESSE, troublée. Je… je Chiffonnais… oui, je chiffonnais avec Suzanne; elle est passée un moment chez elle.

LE COMTE l'examine. Vous avez l'air et le ton bien altérés!

LA COMTESSE. Cela n'est pas étonnant… pas étonnant du tout… je vous assure… nous parlions de vous… Elle est passée, comme je vous dis…

LE COMTE. Vous parliez de moi!… Je suis ramené par l'inquiétude; en montant à cheval, un billet qu'on m'a remis, mais auquel je n'ajoute aucune foi, m'a… pourtant agité.

LA COMTESSE. Comment, monsieur?… quel billet?

LE COMTE. Il faut avouer, madame, que vous ou moi sommes entourés d'êtres… bien méchants! On me donne avis que, dans la journée, quelqu'un que je crois absent doit chercher à vous entretenir.

LA COMTESSE. Quel que soit cet audacieux, il faudra qu'il pénètre ici; Car mon projet est de ne pas quitter ma Chambre de tout le jour.

LE COMTE. Ce soir, pour la noce de Suzanne?

LA COMTESSE. Pour tien au monde; je suis très incommodée.

LE COMTE. Heureusement le docteur est ici. (Le page fait tomber une chaise dans le cabinet.) Quel bruit entends-je?

LA COMTESSE, plus troublée. Du bruit?

LE COMTE. On a fait tomber un meuble.

LA COMTESSE. Je… je n'ai rien entendu, pour moi.

LE COMTE. Il faut que vous soyez furieusement préoccupée!

LA COMTESSE. Préoccupée! de quoi?

LE COMTE. Il y a quelqu'un dans ce cabinet, madame.

LA COMTESSE. Eh… qui voulez-vous qu'il y ait, monsieur?

LE COMTE. C'est moi qui vous le demande; j'arrive.

LA COMTESSE. Eh mais… Suzanne apparemment qui range.

LE COMTE. Vous avez dit qu'elle était passée Chez elle!

LA COMTESSE. Passée… ou entrée là; je ne sais lequel.

LE COMTE. Si C'est Suzanne, d'où vient le trouble où je vous vois?

LA COMTESSE. Du trouble pour ma Camariste?

LE COMTE. Pour votre Camariste, je ne sais; mais pour du trouble, assurément.

LA COMTESSE. Assurément, monsieur, Cette fille vous trouble et vous occupe beaucoup plus que moi.

LE COMTE, en colère. Elle m'occupe à tel point, madame, que je veux la voir à l'instant.

LA COMTESSE. Je crois, en effet, que vous le voulez souvent: mais voilà bien les soupçons les moins fondés…

Scène 13

LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE, entre avec des hardes et pousse la porte du fond

LE COMTE. Ils en seront plus aisés à détruire. (Il parle au cabinet.) Sortez, Suzon, je vous l'ordonne!

Suzanne s'arrête auprès de l'alcôve dans le fond.

LA COMTESSE. Elle est presque nue, monsieur; vient-on troubler ainsi des femmes dans leur retraite? Elle essayait des hardes que je lui donne en la mariant; elle s'est enfuie quand elle vous a entendu.

LE COMTE. Si elle craint tant de se montrer, au moins elle peut parler. (Il se tourne vers la porte du cabinet.) Répondez-moi, Suzanne; êtes-vous dans ce cabinet? Suzanne, restée au fond, se jette dans l'alcôve et s'y cache.

LA COMTESSE, vivement, tournée vers le cabinet. Suzon, je vous défends de répondre. (Au comte.) On n'a jamais poussé si loin la tyrannie!

LE COMTE s'avance vers le cabinet. Oh! bien, puisqu'elle ne parle pas, vêtue ou non, je la verrai.

LA COMTESSE se met au-devant. Partout ailleurs je ne puis l'empêcher… mais j'espère aussi que Chez moi…

LE COMTE. Et moi j'espère savoir dans un moment quelle est cette Suzanne mystérieuse. Vous demander la clef serait, je le vois, inutile; mais il est un moyen sûr de jeter en dedans cette légère porte. Holà! quelqu'un!

LA COMTESSE. Attirer vos gens, et faire un scandale public d'un soupçon qui nous rendrait la fable du château?

LE COMTE. Fort bien, madame. En effet, j'y suffirai; je vais à l'instant prendre chez moi ce qu'il faut… (Il marche pour sortir, et revient.) Mais, pour que tout reste au même état, voudrez-vous bien m'accompagner sans scandale et sans bruit, puisqu'il vous déplaît tant?…, Une chose aussi simple, apparemment, ne me sera pas refusée!

LA COMTESSE, troublée. Eh! monsieur, qui songe à vous contrarier?

LE COMTE. Ah! j'oubliais la porte qui va chez vos femmes; il faut que je la ferme aussi, pour que vous soyez pleinement justifiée.

Il va fermer la parte du fond et en ôte la clef

LA COMTESSE, à part. Ô ciel! étourderie funeste!

LE COMTE, revenant à elle. Maintenant que cette chambre est close, acceptez mon bras, je vous prie; (il élève la voix) et quant à la Suzanne du cabinet, il faudra qu'elle ait la bonté de m'attendre; et le moindre mal qui puisse lui arriver à mon retour…

LA COMTESSE. En vérité, monsieur, voilà bien la plus odieuse aventure…

Le Comte l'emmène et ferme la porte à la clef

Scène 14

SUZANNE, CHÉRUBIN

SUZANNE sort de l'alcôve, accourt vers le cabinet et parle à travers la serrure. Ouvrez, Chérubin, ouvrez vite, c'est Suzanne; ouvrez et sortez.

CHÉRUBIN sorti. Ah! Suzon, quelle horrible scène!

SUZANNE. Sortez, vous n'avez pas une minute.

CHÉRUBIN, effrayé. Eh, par où sortir?

SUZANNE. Je n'en sais rien, mais sortez.

CHÉRUBIN. S'il n'y a pas d'issue?

SUZANNE. Après la rencontre de tantôt, il vous écraserait, et nous serions perdues. – Courez Conter à Figaro…

CHÉRUBIN. La fenêtre du jardin n'est peut-être pas bien haute.