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LE COMTE. Et! C'est l'intrigue que tu définis!

FIGARO, La politique, l'intrigue, volontiers; mais, comme je les crois un peu germaines, en fasse qui voudra! J'aime mieux ma mie, à gué! Comme dit la Chanson du bon Roi.

LE COMTE, à part. Il veut rester. J'entends… Suzanne m'a trahi.

FIGARO, à part. Je l'enfile, et le paye en sa monnaie.

LE COMTE. Ainsi tu espères gagner ton procès contre Marceline?

FIGARO. Me feriez-vous un crime de refuser une vieille fille, quand votre Excellence se permet de nous souffler toutes les jeunes!

LE COMTE, raillant. Au tribunal le magistrat s'oublie, et ne voit plus que l'ordonnance.

FIGARO. Indulgente aux grands, dure aux petits…

LE COMTE. Crois-tu donc que je plaisante?

FIGARO. Eh! qui le sait, Monseigneur? Tempo è galant uomo, dit l'italien; il dit toujours la vérité: C'est lui qui m'apprendra qui me veut du mal ou du bien.

LE COMTE, à part, Je vois qu'on lui a tout dit; il épousera la duégne..

FIGARO, à part. Il a joué au fin avec moi, qu'a-t-il appris?

Scène 6

LE COMTE, UN LAQUAIS, FIGARO

LE LAQUAIS, annonçant. Dom Gusman Brid'oison.

LE COMTE. Brid'oison?

FIGARO. Eh! sans doute. C'est le juge ordinaire, le lieutenant du siège, votre prud'homme.

LE COMTE. Qu'il attende, Le laquais sort.

Scène 7

LE COMTE, FIGARO

FIGARO reste un moment à regarder le Comte qui rêve… Est-Ce là ce que Monseigneur voulait?

LE COMTE, revenant à lui. Moi?… je disais d'arranger ce salon pour l'audience publique.

FIGARO. Hé! qu'est-Ce qu'il manque? Le grand fauteuil pour vous, de bonnes Chaises aux prud'hommes, le tabouret du greffier, deux banquettes aux avocats, le plancher pour le beau monde et la canaille derrière. Je vais renvoyer les frotteurs.

Il sort.

Scène 8

LE COMTE, seul

Le maraud m'embarrassait! en disputant, il prend son avantage; il vous sert, vous enveloppe… Ah! friponne et fripon, vous vous entendez pour me jouer! Soyez amis, soyez amants, soyez ce qu'il vous plaira, j'y consens; mais parbleu, pour époux…

Scène 9

SUZANNE, LE COMTE

SUZANNE, essoufflée. Monseigneur… pardon, Monseigneur.

LE COMTE, avec humeur. Qu'est-ce qu'il y a, mademoiselle?

SUZANNE. Vous êtes en colère!

LE COMTE. Vous voulez quelque chose apparemment?

SUZANNE, timidement. C'est que ma maîtresse a ses vapeurs. J'accourais vous prier de nous prêter votre flacon d'éther. Je l'aurais rapporté dans l'instant.

LE COMTE le lui donne. Non, non, gardez-le pour vous-même. Il ne tardera pas à vous être utile.

SUZANNE. Est-ce que les femmes de mon état ont des vapeurs, donc? C'est un mal de Condition, qu'on ne prend que dans les boudoirs.

LE COMTE. Une fiancée bien éprise, et qui perd son futur…

SUZANNE. En payant Marceline avec la dot que vous m'avez promise…

LE COMTE. Que je vous ai promise, moi?

SUZANNE, baissant les yeux. Monseigneur, j'avais cru l'entendre.

LE COMTE. Oui, si vous consentiez à m'entendre vous-même.

SUZANNE, les yeux baissés. Et n'est-ce pas mon devoir d'écouter son Excellence?

LE COMTE. Pourquoi donc, cruelle fille, ne me l'avoir pas dit plus tôt?

SUZANNE. Est-il jamais trop tard pour dire la vérité?

LE COMTE. Tu te rendrais sur la brune au jardin?

SUZANNE. Est-ce que je ne m'y promène pas tous les soirs?

LE COMTE. Tu m'as traité ce matin si durement!

SUZANNE. Ce matin? – Et le page derrière le fauteuil?

LE COMTE. Elle a raison, je l'oubliais… Mais pourquoi ce refus obstiné quand BAZILE, de ma part?…

SUZANNE. Quelle nécessité qu'un BAZILE…?

LE COMTE. Elle a toujours raison. Cependant il y a un certain Figaro à qui je Crains bien que vous n'ayez tout dit!

SUZANNE. Dame! oui, je lui dis tout… hors ce qu'il faut lui taire.

LE COMTE, en riant. Ah! Charmante! Et tu me le promets? Si tu manquais à ta parole, entendons-nous, mon coeur: point de rendez-vous, point de dot, point de mariage.

SUZANNE, faisant la révérence. Mais aussi point de mariage, point de droit du seigneur, Monseigneur.

LE COMTE. Où prend-elle ce qu'elle dit? d'honneur j'en raffolerai! Mais ta maîtresse attend le flacon…

SUZANNE, riant et rendant le flacon. Aurais-je pu vous parler sans un prétexte?

LE COMTE veut l'embrasser. Délicieuse créature!

SUZANNE s'échappe. Voilà du monde.

LE COMTE, à part. Elle est à moi.

Il s'enfuit.

SUZANNE. Allons vite rendre compte à Madame.

Scène 10

SUZANNE, FIGARO

FIGARO. Suzanne, Suzanne! où Cours-tu donc si vite en quittant Monseigneur?

SUZANNE. Plaide à présent, si tu le veux; tu viens de gagner ton procès.

Elle s'enfuit.

FIGARO la suit. Ah! mais, dis donc…

Scène 11

LE COMTE rentre seul

Tu viens de gagner ton procès! – Je donnais là dans un bon piège! mes Chers insolents! je vous punirai de façon… Un bon arrêt… bien juste… Mais s'il allait payer la duègne… Avec quoi?… S'il payait… Eeeeh! n'ai-je pas le fier Antonio, dont le noble orgueil dédaigne en Figaro un inconnu pour sa nièce? En caressant cette manie… Pourquoi non? dans le vaste champ de l'intrigue il faut savoir tout cultiver, jusqu'à la vanité d'un sot. (Il appelle.) Anto…

Il voit entrer Marceline, etc. Il sort.

Scène 12

BARTHOLO, MARCELINE, BRID'OISON

MARCELINE, à Brid'oison. Monsieur, écoutez mon affaire.

BRID'OISON, en robe, et bégayant un peu. Eh bien! pa-arlons-en verbalement.

BARTHOLO. C'est une promesse de mariage.

MARCELINE. Accompagnée d'un prêt d'argent.

BRID'OISON. J'en-entends, et cetera, le reste.

MARCELINE. Non, monsieur, point d'et cetera.

BRID'OISON. J'en-entends: vous avez la somme?

MARCELINE. Non, monsieur; C'est moi qui l'ai prêtée.

BRID'OISON. J'en-entends bien, vou-ous redemandez l'argent?

MARCELINE. Non, monsieur; je demande qu'il m'épouse.

BRID'OISON. Eh! mais j'en-entends fort bien; et lui veu-eût-il vous épouser?

MARCELINE. Non, monsieur; voilà tout le procès!

BRID'OISON. Croyez-vous que je ne l'en-entende pas, le procès?