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Elle veut sortir.

SUZANNE se jette à genoux. Au nom du Ciel, espoir de tous! Vous ne savez pas, madame, le mal que vous faites à Suzanne! Après vos bontés continuelles et la dot que vous me donnez!…

LA COMTESSE.la relève. Eh mais… je ne sais ce que je dis! En me cédant ta place au jardin, tu n'y vas pas, mon coeur; tu tiens parole à ton mari, tu m'aides à ramener le mien.

SUZANNE. Comme vous m'avez affligée!

LA COMTESSE. C'est que je ne suis qu'une étourdie. (Elle la baise au front.) Où est ton rendez-vous?

SUZANNE lui baise la main. Le mot de jardin m'a seul frappée.

LA COMTESSE, montrant la table. Prends cette plume, et fixons un endroit.

SUZANNE. Lui écrire?

LA COMTESSE. Il le faut.

SUZANNE. Madame! au moins C'est vous…

LA COMTESSE. Je mets tout sur mon compte. Suzanne s'assied, la Comtesse dicte. Chanson nouvelle, sur l'air… “Qu'il fera beau ce soir sous les grands marronniers… Qu'il fera beau ce soir… ”

SUZANNE écrit. “ SOUS les grands marronniers… ›› Après?

LA COMTESSE. Crains-tu qu'il ne t'entende pas?

SUZANNE relit. C'est juste. (Elle plie le billet.) Avec quoi cacheter?

LA COMTESSE. Une épingle, dépêche: elle servira de réponse. Écris sur le revers; Renvoyez-moi le cachet.

SUZANNE Écrit en riant. Ah! le cachet!… Celui-ci, madame, est plus gai que celui du brevet.

LA COMTESSE, avec un souvenir douloureux. Ah!

SUZANNE cherche sur elle. Je n'ai pas d'épingle, à présent!

LA COMTESSE détache sa lévite. Prends celle-ci. (Le ruban du page tombe de son sein à terre.) Ah! mon ruban!

SUZANNE le ramasse. C'est celui du petit voleur! Vous avez eu la cruauté?…

LA COMTESSE. Fallait-il le laisser à son bras? C'eût été joli! Donnez donc!

SUZANNE. Madame ne le portera plus, taché du sang de ce jeune homme.

LA COMTESSE le reprend. Excellent pour Fanchette. Le premier bouquet qu'elle m'apportera…

Scène 4

UNE JEUNE BERGÈRE, CHÉRUBIN, en fille,

FANCHETTE et beaucoup de jeunes filles

habillées comme elle, et tenant des bouquets,

LA COMTESSE, SUZANNE

FANCHETTE. Madame, ce sont les filles du bourg qui viennent vous présenter des fleurs.

LA COMTESSE, serrant vite son ruban. Elles sont Charmantes. Je me reproche, mes belles petites, de ne pas vous connaître toutes. (Montrant Chérubin.) Quelle est cette aimable enfant qui a l'air si modeste?

UNE BERGÈRE. C'est une cousine à moi, madame, qui n'est ici que pour la noce.

LA COMTESSE. Elle est jolie. Ne pouvant porter vingt bouquets, faisons honneur à l'étrangère. (Elle prend le bouquet de Chérubin, et le baise au front.) Elle en rougit! (A Suzanne.) Ne trouves-tu pas, Suzon… qu'elle ressemble à quelqu'un?

SUZANNE. A s'y méprendre, en vérité.

CHÉRUBIN, à part, les mains sur son coeur. Ah! ce baiser-là m'a été bien loin!

Scène 5

LES JEUNES FILLES, CHÉRUBIN au milieu d'elles,

FANCHETTE, ANTONIO, LE COMTE,

LA COMTESSE, SUZANNE

ANTONIO. Moi je vous dis, Monseigneur, qu'il y est; elles l'ont habillé chez ma fille; toutes ses hardes y sont encore, et voilà son chapeau d'ordonnance que j'ai retiré du paquet. (Il s'avance et regardant toutes les filles, il reconnaît Chérubin, lui enlève son bonnet de femme, ce qui fait retomber ses longs cheveux en cadenette. Il lui met sur la tête le chapeau d'ordonnance et dit:) Eh parguenne, v'là notre officier!

LA COMTESSE recule. Ah Ciel!

SUZANNE. Ce friponneau!

ANTONIO. Quand je disais là-haut que C'était lui!…

LE COMTE, en colère. Eh bien, madame?

LA COMTESSE. Eh bien, monsieur! vous me voyez plus surprise que vous et, pour le moins, aussi lâchée.

LE COMTE. Oui; mais tantôt, ce matin?

LA COMTESSE. Je serais Coupable, en effet, si je dissimulais encore. Il était descendu chez moi. Nous entamions le badinage que ces enfants viennent d'achever; vous nous avez surprises l'habillant: votre premier mouvement est si vif! il s'est sauvé, je me suis troublée; l'effroi général a fait le reste.

LE COMTE, avec dépit, à Chérubin. Pourquoi n'êtes-vous pas parti?

CHÉRUBIN, ôtant son chapeau brusquement. Monseigneur…

LE COMTE. Je punirai ta désobéissance.

FANCHETTE, étourdiment. Ah, Monseigneur, entendez-moi! Toutes les fois que vous venez m'embrasser, vous savez bien que vous dites toujours: Si tu veux m'aimer, petite Fanchette, je te donnerai ce que tu voudras.

LE COMTE, rougissant. Moi! j'ai dit cela?

FANCHETTE. Oui, Monseigneur. Au lieu de punir Chérubin, donnez-le-moi en mariage, et je vous aimerai à la folie.

LE COMTE, à part. Être ensorcelé par un page!

LA COMTESSE. Eh bien, monsieur, à votre tour! L'aveu de cet enfant aussi naïf que le mien atteste enfin deux vérités: que c'est toujours sans le vouloir si je cause des inquiétudes, pendant que vous épuisez tout pour augmenter et justifier les miennes.

ANTONIO. Vous aussi, Monseigneur? Dame! je vous la redresserai comme feu sa mère, qui est morte… Ce n'est pas pour la conséquence; mais c'est que Madame sait bien que les petites filles, quand elles sont grandes…

LE COMTE, déconcerté, à part. Il y a un mauvais génie qui tourne tout ici contre moi!

Scène 6

LES JEUNES FILLES, CHÉRUBIN,

ANTONIO, FIGARO,

LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE

FIGARO. Monseigneur, si vous retenez nos filles, on ne pourra commencer ni la fête, ni la danse.

LE COMTE. Vous, danser! vous n'y pensez pas. Après votre chute de ce matin, qui vous a foulé le pied droit!

FIGARO, remuant la jambe. Je souffle encore un peu; ce n'est rien. (Aux jeunes filles.) Allons, mes belles, allons!

LE COMTE le retourne. Vous avez été fort heureux que ces couches ne fussent que du terreau bien doux!

FIGARO. Très heureux, sans doute; autrement…

ANTONIO le retourne. Puis il s'est pelotonné en tombant jusqu'en bas.

FIGARO. Un plus adroit, n'est-ce pas, serait resté en l'air? (Aux jeunes filles.) Venez-vous, mesdemoiselles?

ANTONIO le retourne. Et, pendant ce temps, le petit page galopait sur son cheval à Séville?

FIGARO. Galopait, ou marchait au pas…

LE COMTE le retourne. Et vous aviez son brevet dans la poche?

FIGARO, un peu étonné. Assurément; mais quelle enquête? (Aux jeunes filles.) Allons donc, jeunes filles!

ANTONIO, attirant Chérubin par le bras. En voici une qui prétend que mon neveu futur n'est qu'un menteur.

FIGARO, surpris. Chérubin!… (A part) Peste du petit fat!

ANTONIO. Y es-tu maintenant?

FIGARO, cherchant. J'y suis… j'y suis… Hé! qu'est-ce qu'il chante?

LE COMTE, sèchement. Il ne chante pas; il dit que c'est lui qui a sauté sur les giroflées.

FIGARO, rêvant. Ah! s'il le dit… cela se peut. Je ne dispute pas de ce que j'ignore.

LE COMTE. Ainsi vous et lui?…

FIGARO. Pourquoi non? la rage de sauter peut gagner: voyez les moutons de Panurge; et quand vous êtes en colère, il n'y a personne qui n'aime mieux risquer…