Sigismund Krzyzanowski
Le Marque-page
nouvelles
Traduit du russe par
Catherine Perrel et Elena Rolland-Maïski
Préface d’Hélène Châtelain
e-dition augmentée
d'une revue de presse
Collection « Slovo »
ÉDITIONS VERDIER
Éd. Numérique Atelier Panik
La première nouvelle, « Le marque-page »,
a été traduite par Elena Rolland-Maïski,
les suivantes par Catherine Perrel
© Vadim Guerchevitch Perelmouter Éditions Moskovskii Rabotchii, 1989.
© Éditions Verdier, 1991, pour la traduction française.
ISBN : 2-86432-140-8 ISSN : 1159-5337
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L'ATELIER PANIK
4
ème
de couverture
Étrange destin que celui de Krzyzanowski, auteur de plus de trois mille pages de récits, notes et essais, qui, de son vivant, ne fut jamais publié et que découvrit, cinquante ans après sa mort, Vadim Perelmouter. « À aucune époque, en aucune circonstance, écrit celui-ci, une telle exigence ne trouverait à vivre en accord avec son temps. Mais dans le siècle qui lui échut, Krzyzanowski se révéla presque idéalement inassimilable. »
Ce « génie négligé » (ce sont les mots qui permirent sa résurrection) confronté à son siècle – celui des utopies et des révolutions – fit de l’écriture, des mots, des lettres, ses personnages privilégiés. C’est avec eux qu’il mena sans relâche une réflexion sur l’art, la création et le langage.
Les récits fantastiques de ce premier recueil, écrits entre 1926 et 1939, ouvrent un monde fascinant au sein duquel métaphores, allégories, contes et paraboles, interrogent un temps où l’absurde a fait brutalement irruption.
Table des matières
4ème de couverture
Préface
Le marque-page
La Superficine
Dans la pupille
La treizième catégorie de la raison
La métaphysique articulaire
La houille jaune
Notes
Préface
« Nous sommes semblables à des gens qui la nuit, marchent sur le côté soleil de la route, pensant qu’il y fera plus chaud », notait Sigismund Dominikovitch Krzyzanowski dans ses carnets de notes qui le suivirent et l’épaulèrent tout au long de l’étrange itinéraire nocturne qui fut le sien. Itinéraire personnel et littéraire – car l’un fut comme rarement à l’autre lié – d’un auteur de plus de trois mille pages de récits, nouvelles, notes, essais : tout un corps de textes qui, mis à part quelques rares articles parus dans des revues, ou une œuvre dramatique venue, presque par effraction, habiter quelques mois un plateau de théâtre, ne fut jamais publié. Ni de son vivant, ni dans les années qui suivirent sa mort.
La toute première publication d’un ensemble conséquent de nouvelles date de 1989 : plus d’un siècle après sa naissance, en 1887, presque un demi-siècle après sa mort, en 1950.
« Comment tout a commencé ? », écrit Vadim Perelmouter, l’homme qui depuis trente ans est le découvreur, l’arpenteur et le gardien de cette œuvre. « Par quelques lignes tracées à l’encre noire dans un carnet appartenant à l’écrivain Chengueli dont nous – un petit groupe de jeunes fidèles – classions les archives après sa mort : “Aujourd’hui, le 28 décembre 1950 est mort Sigismund Dominikovitch Krzyzanowski, auteur de littérature fantastique et génie négligé. Pas une ligne de lui ne fut publiée de son vivant.” Chengueli, continue Perelmouter, était connu pour être très caustique envers ses contemporains. Et voilà soudain, sous sa plume, cette note énigmatique – et ce nom qui nous était à tous inconnu. Génie négligé… L’expression venait d’un vers du poète Severianine, consacré à Leskov, un autre auteur resté lui aussi de son vivant dans l’obscurité totale. » Naquit alors l’envie, nourrie d’une intense curiosité, d’en savoir plus et sur cette ombre et sur cette négligence, et sur cette énigme, de « trouver les éléments de cette mosaïque déjà défaite, perdue. De la recomposer, que chaque fragment y trouve son sens et sa place. »
Quinze lignes découvertes dans L’Abrégé de l’encyclopédie littéraire n’expliquèrent pas grand-chose de plus, mais ouvrirent quelques pistes. On y parlait, entre autres, d’archives. Et ce fut, pour Vadim Perelmouter, jeune littérateur à l’époque, le début d’un très long voyage, qui aujourd’hui encore se poursuit.
Lentement, des pages retrouvées et remontées précautionneusement à la surface, se dégagea, en ombre, l’image de l’homme qui en avait été l’auteur, ou plus exactement le personnage. Car de texte en texte se précisait, comme la forme de l’amphore débarrassée des coquillages qui la masquent, le propos qui liait l’un à l’autre ces textes naufragés. Et ce propos, le thème, le radical de cette écriture, se révélait être l’écriture elle-même.
La partie visible de la biographie du personnage Sigismund Dominikovitch Krzyzanowski, celle qui s’étire en tiret entre deux dates : né le… – mort le…, tient en peu de lignes.
Sigismund Dominikovich Krzyzanowski naquit le 11 février 1887 à Kiev où son père passa toute sa vie derrière le bureau de comptable d’une usine de sucre, à aligner les chiffres en colonnes. Et s’y dessécha. Sigismund Dominikovitch lui, termina ses études de droit, mais le temps relativement long qu’il mit à les terminer, et la somme de connaissances, dans les domaines les plus divers – astronomie, mathématiques, littérature européenne, philosophie, linguistique – qu’il y acquit laisse à penser, écrit Perelmouter, « qu’il ne passa pas ces années d’études uniquement à compulser des textes de lois ».