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Le huitième traiterait de la lumière.

Le neuvième serait consacré à la sociologie, donnerait les règles de l'évolution des sociétés et permettrait de prévoir leur chute.

À la légende des Neuf Inconnus, on rattache le mystère des eaux du Gange. Des multitudes de pèlerins, porteurs des plus épouvantables et diverses maladies, s'y baignent sans dommage pour les bien-portants. Les eaux sacrées purifient tout. On a voulu attribuer cette étrange propriété du fleuve à la formation de bactériophages. Mais pourquoi ne se formeraient-ils pas aussi dans le Brahmapoutre, l'Amazone ou la Seine ? L'hypothèse d'une stérilisation apparaît dans l'ouvrage de Jacolliot, cent ans avant que l'on sache possible un tel phénomène. Ces radiations, selon Jacolliot, proviendraient d'un temple secret creusé sous le lit du Gange.

À l'écart des agitations religieuses, sociales, politiques, résolument et parfaitement dissimulés, les Neuf Inconnus incarnent l'image de la science sereine, de la science avec conscience. Maîtresse des destinées de l'humanité, mais s'abstenant d'user de sa propre puissance, cette société secrète est le plus bel hommage qui soit à la liberté dans la hauteur. Vigilants au sein de leur gloire cachée, ces neuf hommes regardent se faire, défaire et refaire les civilisations, moins indifférents que tolérants, prêts à venir en aide, mais toujours dans cet ordre du silence qui est la mesure de la grandeur humaine.

Mythe ou réalité ? Mythe superbe, en tout cas, venu du fond des temps, – et ressac du futur.

III

Encore un mot sur le réalisme fantastique. – Il y a eu des techniques. – Il y a eu la nécessité du secret et l'on y revient. – Nous voyageons dans le temps. – Nous voulons voir dans sa continuité l'océan de l'esprit. – Réflexions nouvelles sur l'ingénieur et le magicien. – Le passé, l'avenir. – Le présent retarde dans les deux sens. – L'or des livres antiques. – Un regard neuf sur le monde ancien.

Nous ne sommes ni matérialistes, ni spiritualistes : ces distinctions n'ont d'ailleurs plus pour nous aucun sens. Simplement, nous cherchons la réalité sans nous laisser dominer par le réflexe conditionné de l'homme moderne (à nos yeux retardataire) qui se détourne dès que cette réalité revêt une forme fantastique. Nous nous sommes refaits barbares, afin de vaincre ce réflexe, exactement comme ont dû faire les peintres pour déchirer l'écran de conventions tendu entre leurs yeux et les choses. Comme eux aussi, nous avons opté pour des méthodes balbutiantes, sauvages, enfantines parfois. Nous nous plaçons devant les éléments et les méthodes de la connaissance, comme Cézanne devant la pomme, Van Gogh devant le champ de blé. Nous nous refusons à exclure des faits, des aspects de la réalité, sous prétexte qu'ils ne sont pas « convenables », qu'ils débordent les frontières fixées par les théories en usage. Gauguin n'exclut pas un cheval rouge, Manet une femme nue parmi les convives du Déjeuner sur l'herbe, Max Ernst, Picabia, Dali, les figures sorties du rêve et le monde vivant dans la partie immergée de la conscience. Notre façon de faire et de voir déchaînera révolte, mépris, sarcasmes. On nous refusera au Salon. Ce que l'on a fini par accepter des peintres, des poètes, des cinéastes, des décorateurs, etc., on n'est pas encore prêt à l'accepter dans notre domaine. La science, la psychologie, la sociologie sont des forêts de tabous. Sitôt chassée, l'idée de sacré revient au galop, sous divers déguisements. Que diable ! La science n'est pas une vache sacrée : on peut la bousculer, dégager la route.

Revenons à notre propos. Dans cette partie de notre ouvrage, intitulée Le Futur Antérieur, notre raisonnement est celui-ci :

— Il se pourrait que ce que nous appelons l'ésotérisme, ciment des sociétés secrètes et des religions, soit le résidu difficilement compréhensible et maniable d'une connaissance très ancienne de nature technique s'appliquant à la fois à la matière et à l'esprit. C'est ce que nous développerons plus loin.

— Les « secrets » ne seraient pas des fables, des histoires ou des jeux, mais des recettes techniques précises, des clés pour ouvrir les puissances contenues dans l'homme et dans les choses.

La science n'est pas la technique. Contrairement à ce que l'on peut penser, la technique, dans bien des cas, ne suit pas la science, elle la précède. La technique fait. La science démontre qu'il est impossible de faire. Puis les barrières d'impossibilités craquent. Nous ne prétendons pas, bien entendu, que la science est vaine. On verra quel prix nous attachons à la science et de quels yeux émerveillés nous la voyons changer de visage. Nous pensons simplement que des techniques ont pu précéder, dans le lointain passé, l'apparition de la science.

–  Il se pourrait que des techniques passées aient donné aux hommes des pouvoirs trop redoutables pour être divulgués.

La nécessité du secret pourrait tenir à deux raisons :

a) La prudence. « Celui qui sait ne parle pas. » Ne pas laisser tomber les clés entre des mains mauvaises.

b) Le fait que la possession et le maniement de telles techniques et connaissances exige de l'homme d'autres structures mentales que celles de l'état de veille ordinaire, une situation de l'intelligence et du langage sur un autre plan, – de telle sorte que rien n'est communicable au degré de l'homme ordinaire. Le secret n'est pas un effet de la volonté de celui qui le détient, il est un effet de sa nature même.

Nous constatons l'existence d'un phénomène comparable dans notre monde présent. Un développement sans cesse accéléré des techniques conduit ceux qui savent au désir, puis à la nécessité du secret. L'extrême danger mène à l'extrême discrétion. Au niveau où elle parvient, à mesure que la connaissance progresse, elle s'occulte. Des guildes de savants et techniciens se forment. Le langage du savoir et du pouvoir devient incommunicable. Le problème des structures mentales différentes se pose nettement, au plan de la recherche physico-mathématique. À la limite, ceux qui détiennent, comme disait Einstein, « le pouvoir de prendre de grandes décisions, pour le bien et pour le mal », forment une véritable cryptocratie. Le proche avenir ressemble aux descriptions traditionnelles.

Notre vision de la connaissance passée n'est pas conforme au schéma « spiritualiste ». Notre vision du présent et du proche avenir introduit du magique là où l'on ne veut placer que du rationnel. Pour nous, il ne s'agit que de chercher des correspondances éclairantes. Celles-ci nous promettent de situer l'aventure humaine dans la totalité des temps. Tout ce qui peut servir de pont nous est bon.

Au fond, dans cette partie du livre comme ailleurs, notre propos est celui-ci :

L'homme a sans doute la possibilité d'être en rapport avec la totalité de l'univers. On connaît le paradoxe du voyageur de Langevin. Andromède est à trois millions d'années-lumière de la terre. Mais le voyageur, se déplaçant à une vitesse proche de celle de la lumière, ne vieillirait que de quelques années. Selon la théorie unitaire de Jean Charon, par exemple, il ne serait pas inconcevable que la Terre, pendant ce voyage, ne vieillisse pas davantage. L'homme serait donc en contact avec le tout de la création, espace et temps jouant un autre jeu que le jeu apparent. D'autre part, la recherche physico-mathématique, au point où l'a laissée Einstein, est une tentative de l'intelligence humaine pour découvrir la loi qui régirait l'ensemble des forces universelles (gravitation, électro-magnétisme, lumière, énergie nucléaire). Une tentative de vision unitaire, tout l'effort de l'esprit étant pour se situer en un point d'où la continuité serait visible. Et d'où viendrait ce désir de l'esprit si celui-ci ne pressentait que ce point existe, que se situer de la sorte lui est possible ? « Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais déjà trouvé. »