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« L’organisme n’était pas très différent de… » Il n’alla pas plus loin, car la mémoire de Bob venait de lui suggérer une nouvelle idée.

« Attendez ! attendez…, reprit le jeune homme, je crois comprendre où vous voulez en venir. Vous ne vous servez pas des autres animaux comme une monture ordinaire, vous vous associez à eux. Et ces troubles d’hier soir… c’est donc pour cela que ma blessure s’est refermée si vite ? Pourquoi n’avez-vous pas tenu bon ? »

Très heureux de la tournure des événements, le Chasseur lui raconta ce qui s’était passé. Le jeune garçon avait compris beaucoup plus rapidement que le Chasseur ne l’espérait ; de plus, il semblait réagir favorablement. On le sentait plus intéressé qu’effrayé. À la demande de Bob, le Chasseur agit sur les muscles comme il l’avait fait la veille au soir, mais refusa de se montrer. Il était trop content des résultats acquis pour courir le risque de se montrer au grand jour.

En réalité, il avait eu une chance inouïe de choisir un tel hôte. Un garçon plus jeune, ayant fait moins d’études, n’aurait pu comprendre la situation et se serait effrayé. Un adulte aurait couru chez le premier psychiatre. Tandis que Bob était assez apte à comprendre, au moins partiellement, les révélations du Chasseur et encore assez jeune pour ne pas s’imaginer que toute cette histoire n’était qu’un phénomène subjectif.

De toute façon, Bob écoutait, ou plutôt regardait attentivement, pendant que le Chasseur le mettait au courant des événements qui l’avaient amené pour la première fois sur la Terre. Il exposa les données du problème qui le préoccupait et les raisons pour lesquelles Bob devait l’aider à le résoudre. Le garçon comprit parfaitement ce qu’on attendait de lui. Il imaginait facilement les ravages que son invité involontaire aurait pu commettre s’il n’avait été doté d’un sens moral très strict. La simple idée qu’une créature similaire et précisément dépourvue de ce sens moral se trouvait actuellement en liberté parmi la race humaine, le fit tressaillir de peur.

VI

 LE PROBLEME N°1

Avant même que le Chasseur n’ait eu le temps d’en parler, Bob en arriva immédiatement aux considérations pratiques. Il déclara d’un air songeur :

« Je suppose que vous avez envie de retourner à l’endroit où vous m’avez trouvé afin de vous remettre à la recherche de votre petit copain. Tout d’abord, êtes-vous sûr qu’il a pu prendre pied sur la plage ?

— Je ne le saurai que si je retrouve ses traces. Vous avez parlé d’île. J’espérais qu’il n’y en avait qu’une à cet endroit. Combien y en a-t-il donc ?

— Je n’en sais rien, mais l’archipel est très fourni. La plus proche de celle où habitent mes parents est située au nord-est à cinquante kilomètres. Elle est également habitée. »

Le Chasseur réfléchit un moment. À l’instant où il avait perdu le contrôle de son appareil, sa ligne de vol était exactement la même que celle du fugitif qu’il poursuivait. Et autant qu’il pouvait s’en souvenir ils avaient piqué ensemble vers le sol et, malgré la vrille amorcée, l’autre n’avait pu s’éloigner beaucoup. Leurs points de chute ne pouvaient guère être distants que de trois à cinq kilomètres, expliqua-t-il à Bob.

« S’il a pu gagner le rivage, il y a de fortes chances pour que ce soit sur mon île, et s’il s’y trouve encore les recherches se limiteront à cent soixante personnes. Êtes-vous certain qu’il a pu se glisser dans un corps humain ou faudra-t-il examiner tous les êtres vivants ? Cependant, je présume qu’il s’est tourné d’abord vers un être humain.

— Autant que je puisse le savoir, vous représentez l’espèce la plus intelligente sur cette Terre et mon peuple s’est aperçu depuis longtemps qu’une créature très évoluée est un hôte de choix.

— Il nous faudra donc chercher parmi tous les gens que nous rencontrerons. C’est un peu comme si nous avions à découvrir une aiguille dans une botte de foin. »

Le Chasseur avait déjà lu cette expression quelque part et en comprit parfaitement le sens.

« C’est à peu près cela, reprit le Chasseur, sauf que l’aiguille elle-même est camouflée en brindille de foin. »

Il fut interrompu à cet instant par l’arrivée du camarade de chambre de Bob et ils n’eurent plus l’occasion ce jour-là de reprendre leur conversation. Au cours de l’après-midi, Bob vit le docteur pour son bras et, comme le Chasseur ne possédait aucun pouvoir guérisseur miraculeux, le médecin estima que la cicatrisation était normale.

« Aucun signe d’infection n’est visible, dit le médecin, malgré votre petite plaisanterie. Avec quoi avez-vous donc essayé de vous soigner ?

— Je n’y ai pas touché, répondit le jeune garçon. Cela s’est passé pendant que je venais à l’infirmerie et j’ai cru que c’était une simple égratignure jusqu’au moment où l’infirmière a voulu la nettoyer à l’alcool. » Il vit nettement que le docteur ne le croyait pas, mais estimait inutile de poursuivre plus avant la discussion.

Rien n’avait été précisé avec le Chasseur sur la question de garder secrète sa présence, mais le jeune garçon estima que si cette histoire se répandait, en admettant même qu’on la crût réelle, leurs chances de succès pouvaient s’en trouver sérieusement diminuées. Aussi laissa-t-il le docteur lui faire un petit speech sur les microbes et il s’en alla dès qu’il le put.

Peu après le dîner il trouva enfin une occasion pour demander au Chasseur :

« Quelles sont vos intentions au sujet du retour dans l’île ou nous nous sommes rencontrés ? Normalement je ne dois y revenir qu’à la mi-juin, dans plus de six mois. Votre fugitif aurait donc largement le temps de se mettre à l’abri ou de disparaître. Avez-vous envie d’attendre qu’il se soit bien caché ou avez-vous songé à un prétexte qui nous permettrait d’y aller plus tôt ? »

Le Chasseur avait une réponse toute prête, qui devait le renseigner davantage sur la personnalité réelle de son hôte qu’il connaissait encore mal. Il répondit, toujours par le même procédé :

« Tous mes mouvements dépendent entièrement des vôtres, vous quitter serait perdre le fruit des efforts développés depuis plus de cinq mois. Évidemment, je connais votre langue, ce qui pourrait m’être d’un précieux secours, mais je suis persuadé que la recherche d’une nouvelle association avec un de vos semblables serait un travail de longue haleine. Vous êtes le seul être humain sur l’aide duquel je puisse compter. Il est exact qu’il vaut mieux que je retourne dans l’île le plus tôt possible. Je sais très bien que vous n’êtes pas libre de faire tout ce que vous voulez, mais si vous pouviez trouver un moyen de m’emmener là-bas ce serait certainement préférable. Vous pouvez juger mieux que moi de la réalisation de nos projets. Tout ce que je puis faire c’est vous renseigner sur les actes et la nature de celui que je poursuis. »

Bob ne répondit pas tout de suite. Plus il y songeait, plus il trouvait la situation passionnante. Évidemment, il serait obligé de manquer plusieurs mois de classe, mais on pouvait toujours s’arranger pour rattraper le temps perdu. Si le Chasseur avait dit vrai, la recherche du fugitif devait passer avant tout et Robert ne voyait pas pour quelles raisons son nouveau compagnon le tromperait.

Disparaître purement et simplement n’était même pas à envisager. Il fallait découvrir un prétexte valable afin de pouvoir quitter l’école.

Seule la maladie ou un accident lui permettraient de parvenir à ses fins.

Très ému par tous ces événements, il essaya de se distraire par une partie de ping-pong, mais le problème l’occupait à un point tel que le jeu se transforma très rapidement en une défaite lamentable. Il se fit battre à plate couture alors qu’il était considéré comme un très bon joueur de l’école.