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Le bain des jeunes gens fut relativement court. Comme Bob l’avait dit, cette plage était le seul endroit de l’île non protégé par les récifs, et la mer était assez grosse. Au bout d’une dizaine de minutes les baigneurs estimèrent que c’était assez et regagnèrent la plage. Après avoir noué leurs vêtements dans leurs chemises, ils se dirigèrent vers le sud en empruntant le bord du rivage. À peine avaient-ils fait quelques pas que le Chasseur profita d’un moment où Bob regardait vers la pleine mer pour lui conseiller en termes vigoureux de mettre ses chaussures. Le jeune garçon eut assez de bon sens pour passer outre la petite blessure d’amour-propre que lui causait ce geste et obéit à l’injonction du Chasseur.

Une centaine de mètres plus loin, les récifs étaient de nouveau visibles et s’éloignaient peu à peu de la plage. La quantité de coraux épars au milieu du sable diminua notablement. Les promeneurs eurent la chance extraordinaire de trouver une planche de trois mètres cinquante de long et qui semblait être en très bon état. Elle avait dû passer entre deux récifs, amenée par une vague plus forte que les autres, pour venir s’échouer sur le sable. Les garçons refusèrent d’envisager la possibilité qu’elle provînt d’un chantier de l’île et que son propriétaire pût la reconnaître. Avec une pensée émue pour leur bateau endommagé, ils tirèrent ce précieux trésor pour le mettre à l’abri de la marée.

La côte sud s’étendait en une longue ligne droite de près de cinq kilomètres de long et les jeunes explorateurs n’y trouvaient que peu d’intérêt. Parvenus au point où ils avaient décidé de faire demi-tour, ils trouvèrent un poisson mort. Bob, se souvenant de la manière dont le Chasseur avait gagné la terre ferme, examina soigneusement la tête, mais sans résultat. Sans aucun doute le poisson était là depuis un certain temps et l’odeur qui s’en dégageait n’avait rien d’agréable.

« C’est comme cela que l’on perd son temps », fit remarquer le Chasseur lorsque Bob leva les yeux sur la plage. Cette fois-ci, il avait deviné les pensées du jeune garçon et Bob acquiesça à haute voix sans même se rendre compte qu’ils n’étaient pas seuls.

Bob rentra tard chez lui ce soir-là. Les garçons avaient porté la planche jusqu’à l’embouchure de la crique où leur bateau était caché. Bob rapporta, en outre, chez lui un magnifique coup de soleil. Le Chasseur lui-même ne s’était pas aperçu à temps du danger, ou n’en avait pas compris les symptômes, car il n’avait pas prévenu le jeune garçon pour que celui-ci remît ses vêtements.

À l’encontre de Bob, le Chasseur estimait que ce violent coup de soleil était heureux. Peut-être le jeune garçon se départirait-il de la fâcheuse tendance de laisser le Chasseur prendre soin de son corps. Cette nuit-là, il ne se manifesta sous aucune forme et laissa donc le jeune garçon à ses souffrances. En effet, Bob ne dormit pas de la nuit, s’efforçant d’éviter à son corps douloureux le contact des draps. Bob s’en voulait terriblement, car il n’avait jamais montré tant d’insouciance depuis des années et la seule excuse qu’il pouvait avancer à la rigueur était que d’habitude il ne se trouvait jamais chez lui à cette époque-là. Malgré tout, cette raison ne lui paraissait pas suffisante et il était furieux.

Le Peau Rouge qui descendit pour le petit déjeuner le lendemain matin n’avait vraiment pas l’air aimable. Il était mécontent de lui et ne comprenait pas l’attitude du Chasseur. Son père l’enveloppa d’un regard rapide et eut envie de rire, mais ne sachant pas quelles seraient les réactions de son fils, préféra s’en abstenir et demanda d’un air particulièrement engageant :

« Bob, j’allais te proposer d’aller à l’école aujourd’hui pour régler les détails de ton inscription, mais j’ai l’impression que tu as besoin de te refroidir un peu. Mais, ce n’est pas urgent et l’on peut attendre lundi. »

Bob acquiesça, mais à vrai dire la continuation de ses études lui était totalement sortie de l’esprit.

« Cela vaudra sans doute mieux, répondit-il. Nous sommes déjà jeudi et de toute façon, je n’aurais pas fait grand-chose cette semaine. Et puis je ne suis pas mécontent de pouvoir jeter un petit coup d’œil sur les environs. »

Son père lui jeta un regard en biais et conseilla d’un ton léger :

« Si j’étais dans ta peau, j’y regarderais à deux fois avant de sortir.

— Il ne sortira pas, insista alors Mme Kinnaird. Mon fils n’ira pas dehors dans cet état-là. »

Le père se contenta de dire à Bob :

« En tout cas, n’oublie pas de te couvrir si tu pars en exploration. Essaie de limiter tes promenades à la forêt, là au moins, il y a de l’ombre.

— Reste à savoir si l’on préfère qu’il soit égratigné ou grillé, reprit Mme Kinnaird. Lorsqu’il est cuit, ses vêtements n’en souffrent pas, mais après une balade dans le bois sa chemise revient en lanières.

— T’en fais pas, m’man, je tâcherai de passer entre les épines », répliqua Bob en souriant.

Sitôt le petit déjeuner achevé, Bob monta dans sa chambre et enfila une vaste chemise kaki à manches longues appartenant à son père. Il aida sa mère à faire la vaisselle, puis engagea la lutte contre les plantes de la jungle qui menaçaient toujours d’envahir la maison. Au bout d’un moment il abandonna le sécateur et la poudre d’hormones qu’il répandait sur les racines, et poussa une pointe vers le sud du jardin.

Le sentier grimpait à flanc de colline en s’écartant de plus en plus de la route. À regarder Bob on aurait juré qu’il se dirigeait vers un endroit précis. Le Chasseur ne lui posa aucune question, car la demi-obscurité qui régnait ne convenait guère à leur mode de conversation. Ils franchirent un ruisseau sur un tronc d’arbre jeté en travers. Le détective devina que ce ruisseau était certainement celui que la route traversait sur un petit pont, un peu plus bas.

Mme Kinnaird n’avait pas exagéré en parlant de la jungle. Peu d’arbres étaient véritablement très élevés ; mais en revanche le sol était couvert de buissons épais, pour la plupart épineux. Bob se frayait un chemin avec une rapidité et une habileté qui dénotaient une longue pratique. Bon nombre de plantes auraient certainement surpris plus d’un botaniste. L’île comportait d’ailleurs des laboratoires de botanique et de bactériologie, où l’on s’efforçait de découvrir constamment de nouveaux procédés pour la fabrication de l’huile et surtout de nouvelles plantes pour alimenter les réservoirs. Au fond, ce que l’on désirait, c’était avoir une plante poussant extrêmement vite sans trop épuiser le sol. Certains essais ont dépassé les prévisions les plus optimistes.

Bob avait l’intention de se rendre à un endroit qui se trouvait à peine à huit cents mètres de la maison. Il fallait plus d’une demi-heure pour y arriver. D’une clairière située au sommet de la colline, ils jetèrent un coup d’œil sur la partie habitée de l’île, qui s’étalait à leurs pieds. Sur ce tertre un peu dégagé se trouvait un arbre plus grand que les autres, quoique moins gros que les palmiers bordant le rivage. Les branches basses avaient disparu, mais le tronc portait des aspérités qui en faisaient une sorte d’échelle, le long de laquelle Bob grimpa sans difficulté.

Une vague plate-forme apparaissait dans le creux des branches les plus hautes. Tout indiquait que le garçon avait l’habitude de venir souvent sur cet arbre, qui offrait d’ailleurs un magnifique observatoire d’où l’on surplombait toute la jungle environnante, et d’où l’on découvrait l’île dans son ensemble. Bob laissa son regard errer lentement de droite à gauche afin de donner la possibilité au Chasseur de voir les détails qu’il avait pu oublier de signaler sur la carte.