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Bob avait souvent réfléchi aux questions que le Chasseur avaient laissées sans réponse. En particulier celles qui avaient trait aux détails qui lui permettraient de reconnaître le fugitif. En outre, le Chasseur n’avait jamais dit à Bob ce qu’il ferait une fois sa proie découverte. Si le Chasseur pouvait se débrouiller tout seul, parfait, mais Bob avait de plus en plus l’impression que son invité invisible ne savait que faire. En conséquence Bob estimait très urgent d’apporter lui-même une solution. Et en premier lieu, il devait, pour y parvenir, connaître tout ce qui concernait la race du Chasseur. Ce dernier avait dit un jour qu’il ressemblait à un virus. Il fallait donc découvrir une documentation sur eux, et où la trouver sinon dans le cabinet d’un médecin ? Évidemment, il lui aurait été difficile d’aborder cette question en premier après avoir été renvoyé chez ses parents par les médecins du collège et pourtant, il ne songea même pas à s’étonner en entendant sa mère lui faire cette proposition. Il se contenta d’accepter en y voyant un heureux coup du sort.

Le docteur Seever connaissait très bien Bob, comme d’ailleurs toutes les personnes nées dans l’île. Il avait lu le rapport envoyé à la famille par les médecins du collège et ses réactions avaient été les mêmes que celles de M. Kinnaird. Inutile de s’affoler. Néanmoins, il était heureux de voir le garçon. Bien qu’habitué aux diverses maladies et accidents, il ne put retenir un cri de surprise devant la teinte de la peau de Bob.

« Eh bien, mon vieux, lui dit-il, vous avez bien fait les choses pour votre retour !

— N’insistez pas, docteur. Je suis mieux placé que quiconque pour le savoir !

— On s’en doute en vous voyant ! Enfin, on va voir ce que l’on peut faire pour vous empêcher de cuire. Ce ne sera pas parfait, mais vous aurez moins mal. » Le docteur se mit en devoir de lui enduire le dos d’une pommade particulièrement grasse tout en continuant à parler : « Vous avez beaucoup changé ces derniers temps. Je me souviens de vous comme un des garçons les plus sérieux et les plus prudents de l’île. Vous avez été malade à votre collège dans le nord ? Je crois que votre père m’en a parlé un jour. »

Bob ne s’attendait pas à s’entendre poser la question si rapidement et sous cette forme, mais il avait déjà établi des plans pour y répondre en faisant dévier la conversation dans le sens qu’il souhaitait.

« Pas le moins du monde. Vous pouvez m’examiner des journées entières et vous ne découvrirez certainement pas un seul microbe. »

Le docteur Seever regarda longuement le jeune garçon et retira ses lunettes avant de répondre :

« C’est fort possible, mais cela ne prouverait certainement pas que tout va bien chez vous. Vous savez aussi bien que moi que ce ne sont pas des microbes qui sont la cause de ces coups de soleil bien réussis.

— Eh bien, je puis vous dire encore que je me suis foulé une cheville, coupé à plusieurs reprises, je suppose que cela n’a aucun intérêt. Vous vouliez certainement parler de mon état maladif, comme disent les médecins du collège ? Croyez-vous pouvoir découvrir ce qu’il y a, en admettant qu’il y ait quelque chose, simplement avec votre microscope ? »

Le docteur se mit à sourire, comprenant très bien où voulait en venir le jeune garçon.

« C’est très agréable de trouver quelqu’un possédant une telle foi dans la science médicale, répondit-il, mais je crains fort de vous décevoir. Laissez-moi une minute et je vous montrerai pourquoi. »

Le docteur acheva d’appliquer la pommade contre les coups de soleil, se lava les mains et alla prendre dans une armoire un microscope de belle taille. Des boîtes oblongues contenaient des séries de préparations et il chercha quelques minutes pour trouver ce qu’il désirait. Puis il en introduisit une sur la platine du microscope.

« Celui-ci est très facile à reconnaître, commença-t-il. C’est un protozoaire, une amibe. C’est une de ses sœurs qui est à l’origine de la dysenterie. Dans le genre néfaste, c’est un des plus gros.

— J’en avais déjà vu en classe d’histoire naturelle mais j’ignorais qu’ils pussent être la cause de maladies.

— La plupart des amibes sont inoffensives. Regardez celui-là à présent, ajouta le docteur en glissant une autre lame sous l’objectif, il est beaucoup plus petit. Le premier n’était pas un microbe à proprement parler. Celui-ci donne la fièvre typhoïde. Heureusement nous n’en avons pas eu de cas depuis très longtemps. Celui-là est encore plus petit et est responsable du choléra.

— On dirait une saucisse à qui on a oublié d’enlever une ficelle à un bout, dit Bob en relevant la tête.

— Vous le verrez encore mieux avec le grand objectif », dit le docteur en faisant pivoter la tourelle qui se trouvait au bas de l’objectif. Puis il s’assit dans un fauteuil pendant que Bob reprenait son observation.

« C’est le grossissement maximum pour un appareil de ce genre, mais il existe d’autres bactéries beaucoup plus petites. Certaines sont inoffensives, d’autres extrêmement virulentes. Encore au-dessous, sur l’échelle des grandeurs, on trouve les spirochètes qui ne sont peut-être pas des bactéries, et en dernier lieu viennent les virus. »

Bob abandonna le microscope et entreprit la tâche difficile de paraître intéressé sans toutefois laisser voir que la conversation venait d’atteindre le point où il voulait la mener.

« Alors, vous ne pouvez pas me montrer un virus, demanda-t-il en sachant parfaitement ce qu’on allait lui répondre.

— C’est précisément ce que je voulais vous dire. On en a photographié quelques-uns au microscope électronique et ils ressemblent un petit peu à ce bacille du choléra que je vous ai montré. En réalité, le mot virus a dissimulé pendant de longues années l’aveu d’une ignorance totale. De nombreux docteurs se trouvaient en présence de maladies qui semblaient causées par un être vivant, mais qu’on ne parvenait pas à déceler. On a baptisé ces êtres hypothétiques « virus filtrants » parce qu’ils passaient à travers la porcelaine des filtres les plus fins. On a finalement trouvé un moyen de déceler le virus chimiquement, en le cristallisant. Il était facile, par exemple, de constater que la même maladie se produisait lorsque l’on injectait les mêmes cristaux dissous dans l’eau. On a donc fait un grand nombre d’expériences très astucieuses pour déterminer la grandeur, la forme et autres caractéristiques de ces virus, sans que personne ne les ait jamais vus. Quelques savants pensaient et pensent toujours qu’il s’agit d’une molécule unique, énorme évidemment, peut-être plus grosse même que celle de l’albumine, qui est comme vous le savez le blanc de l’œuf. J’ai lu récemment quelques bons livres sur ce sujet et cela vous intéresserait peut-être ?

— Certainement, répondit Bob en s’efforçant toujours de dissimuler son anxiété. Les avez-vous là ? »

Le docteur se leva de son fauteuil et alla fouiller dans un autre placard d’où il retirait de temps en temps un gros volume qu’il feuilletait rapidement.

« Il y a pas mal de choses là-dedans, mais je crains que ce ne soit un peu trop technique. Vous pouvez le prendre si vous voulez. J’avais un autre ouvrage qui aurait été de loin meilleur pour vous, parce que beaucoup plus simple et plus vivant, mais je l’ai déjà prêté.

— À qui ?

— À l’un de vos amis ; le jeune Norman Hay. Il s’intéresse énormément à la biologie depuis quelque temps. Sans doute vous a-t-on déjà dit qu’il avait essayé de se rendre à Tahiti pour voir le muséum. Je me demande s’il espère me remplacer un jour. Enfin il a le volume depuis plusieurs mois déjà et vous pouvez le lui réclamer de ma part.