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« Où est Tip ? Je ne l’ai pas vu depuis mon arrivée.

— Personne n’en sait rien, répondit le rouquin. Cela fait déjà un certain temps qu’il a disparu… c’était… oui, c’était bien avant Noël. On l’a cherché partout. Je crains qu’il n’ait eu envie d’aller à la nage dans une de ces petites îles où Norm a son réservoir. Tu te souviens qu’on allait souvent là-bas sans lui. Il a peut-être été boulotté par un requin, quoique cela semble peu vraisemblable. D’abord il n’y a pas loin d’ici à l’autre île et d’autre part je n’ai jamais vu un requin si près de la côte. On dirait qu’il s’est évanoui dans l’atmosphère.

— C’est étrange. Avez-vous cherché dans les bois ?

— Un peu ; tu sais que ce n’est pas commode d’aller dans la jungle si l’on s’écarte des chemins. De toute façon il nous aurait entendus appeler. J’ai beau réfléchir je ne vois pas ce qui aurait pu le tuer là-bas. »

Bob acquiesça et reprit à mi-voix, comme se parlant à lui-même :

« C’est pourtant vrai si on y réfléchit, il n’y a même pas de serpent. » Puis il ajouta un peu plus fort :

« Qu’est-ce que c’est que cette histoire de réservoir de Norm ? Il veut faire de la concurrence à la société d’ici ?

— Pas de danger, répliqua Hay en s’arrêtant un instant d’écoper. J’ai nettoyé une des mares qui se trouvent dans les récifs non loin de la plage et j’ai mis une petite muraille autour. J’ai commencé à y jeter un tas de poissons dans le dessein de faire un aquarium. Au début je faisais ça pour m’amuser, mais beaucoup de journaux cherchent des photos de poissons. J’en ai envoyé en couleurs, tout le monde avait l’air content. L’ennui est que rien ne semble vouloir vivre très longtemps dans mon aquarium. Même les coraux y meurent.

— Tu n’as pas dû pouvoir y aller depuis que le bateau est cassé. Si nous y faisions un tour ?

— Oh si ! J’y allais tous les deux jours à la nage avec Hugh ou Tout-Petit, et j’ai pu me rendre compte que mes poissons n’allaient pas très bien. Vous croyez qu’on a le temps d’y aller et de revenir avant le dîner ? On a passé pas mal de temps sur le bateau et le soleil commence à descendre. »

Tous les garçons levèrent les yeux pour voir si c’était vrai. Leurs parents avaient depuis longtemps abandonné l’idée de les empêcher d’aller explorer les lagons derrière le récif, pourtant par une sorte d’accord tacite les heures de repas étaient respectées. Sans plus de commentaires Rice amorça un virage et mit le cap sur le fond de la crique. Les rameurs se penchèrent un peu plus sur leurs avirons.

Bob ramait sans fixer son esprit sur un point particulier. Tous les spectacles qui s’offraient à lui semblaient intéressants, mais aucun n’avait de rapport précis avec le problème qui l’agitait. Le Chasseur estimait que Teroa devait être examiné, mais il n’avait pas de soupçons bien nets. Cette décision était uniquement due au départ prochain du garçon. Il se souvint alors de la conversation qu’il avait eue avec Charlie le matin même et se demandait si le jeune Polynésien avait pu trouver Rice à l’heure du dîner.

« Quelqu’un a-t-il vu Charlie Teroa aujourd’hui ? demanda Bob.

— Non, répondit Malmstrom, il vient deux jours par semaine à l’école pour ses cours de navigation et c’est tout. Tu crois que cela lui servira à quelque chose un jour ?

— Sûrement pas avec quelqu’un qui le connaît bien, déclara Rice d’un air méprisant. Personnellement j’aimerais mieux engager un type qui puisse au moins rester éveillé durant le jour.

— Pourtant il a l’air de faire pas mal de travail dans son jardin, remarqua Bob avec un sourire.

— Tu penses ! avec sa mère qui le surveille et sa sœur qui l’aide. Tu ne sais pas que lorsqu’on a voulu approfondir la passe est l’automne dernier il s’est endormi sur une charge de dynamite ?

— Tu es complètement fou !

— Pas du tout. On l’avait envoyé porter une caisse dans un bateau au cas où on aurait eu besoin de plus d’explosifs et vingt minutes plus tard mon père a trouvé l’embarcation amarrée au rocher et Teroa profondément endormi la tête sur la caisse de dynamite. Il a eu de la chance qu’il n’y ai pas eu de détonateur dessus et que les vagues n’aient pas été assez fortes pour faire cogner l’embarcation sur les rochers.

— Ce n’était peut-être pas uniquement de la chance, fit remarquer Bob, car il savait très bien qu’il n’y avait pas de détonateur, donc aucun danger.

— Possible, en tout cas je n’aurais pas pu le supporter longtemps dans mes parages », lança Rice d’un air mauvais.

Bob regarda le garçon roux qui n’était pas très grand pour son âge et lui dit :

« Si tu continues à l’embêter, il te balancera à la flotte un de ces jours. De plus est-ce que cette histoire de passager clandestin ne venait pas de toi ? »

À juste titre, Rice aurait pu demander ce que la tentative de fuite sur le navire avait à faire avec la question, mais il baissa la tête et ne dit rien. Quelques instants plus tard le fond du bateau raclait le sable de la plage.

XI

LA GLISSADE

En rentrant chez lui, Bob s’aperçut qu’il avait oublié de demander le livre du docteur à Hay, mais à la réflexion ce n’était pas d’une urgence extrême et il aurait le temps de le réclamer le lendemain. Selon toute vraisemblance ce volume ne lui serait pas d’un grand secours. Pour changer un peu, il passa la soirée avec ses parents à lire et à discuter. Le Chasseur ne se manifesta pas et se contenta sans doute d’écouter et de réfléchir. Du point de vue du Détective la matinée suivante s’ouvrit sous de meilleurs auspices. Bob travailla dans le jardin au début de la matinée pendant que ses amis étaient encore à l’école et ne réussit à trouver aucun moyen, pas plus que le Chasseur, d’approcher d’assez près Teroa afin de pouvoir l’analyser. Bob avait proposé au Chasseur de le laisser un soir tout près de la maison de Teroa et de revenir le prendre le lendemain matin de très bonne heure. Le Chasseur avait refusé, déclarant que pour rien au monde il ne permettrait à Bob de le voir entrer ou sortir de lui. Il savait trop bien ce que donnerait l’émotion ressentie. Bob ne comprenait pas très bien, mais s’estima néanmoins convaincu lorsque le Chasseur lui fit remarquer qu’il n’y avait aucun moyen de s’assurer que la masse de gelée qui devrait réintégrer son corps, serait effectivement le Détective. Le jeune garçon d’autre part n’avait aucune envie de courir le risque de faire entrer le criminel fugitif dans son corps.

Au début de l’après-midi Bob rencontra ses camarades comme prévu et ils se dirigèrent immédiatement vers le bateau. La question réparation ne se posant plus ils mirent aussitôt le cap au nord-ouest, suivant la côte à quelque distance. Hay et Colby étaient aux environs. La nouvelle planche avait gonflé et il était à peu près inutile d’écoper. Plus d’un kilomètre les séparait de leur but et ils avaient déjà parcouru une bonne partie du trajet avant que le Chasseur ne comprît exactement quelle était la structure géographique dont il n’avait jusqu’à présent que des données assez vagues, surprises au hasard des conversations. La petite île sur laquelle Hay avait installé son aquarium se trouvait assez près de la côte. Elle occupait la première partie du récif qui s’éloignait en s’inclinant vers le nord en partant de la petite plage ou les garçons avaient l’habitude de se baigner. Une étendue d’eau large à peine de vingt-cinq mètres séparait cette langue de sable de la côte elle-même. Un étroit chenal protégé des brisants par d’autres dépôts coralliens permettait de gagner la mer libre.