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La petite île était faite de coraux sur lesquels un peu de terre était venue s’accumuler au cours des ans. Il y en avait assez pour que quelques buissons puissent y pousser. Le lagon presque circulaire avait six à huit mètres dans sa plus grande largeur. Aucune communication ne devait exister avec la mer qui venait se briser à quelques pas de là. Norman expliqua qu’il avait bouché deux ou trois passages sous-marins avec du ciment et que les vagues se chargeaient de remplir le lagon à la marée haute. Comme il l’avait dit la veille, son aquarium ne le satisfaisait pas. Un poisson-lune flottait le ventre en l’air et aucune trace de vie n’apparaissait sur les coraux qui formaient la base du récif.

« Ce doit être une sorte de maladie, déclara-t-il, mais je n’ai jamais entendu parler d’une épidémie qui s’attaque à toutes les espèces.

— Moi non plus », déclara Bob qui ajouta : « C’est sans doute pour cela que tu as emprunté un livre au médecin ? »

Norman lui lança un regard surpris.

« Oui, mais comment le sais-tu ?

— Le docteur m’en a parlé. Je voulais avoir des précisions sur certains virus et il m’a dit t’avoir prêté le meilleur livre qu’il possédait sur le sujet. En as-tu encore besoin ?

— Je ne crois pas. Qu’est-ce qui t’intéresse dans les virus ? J’ai lu les chapitres qui en parlaient et je n’ai pas appris grand-chose.

— Ce n’est pas un intérêt précis, répondit Bob, mais j’en parlais avec quelqu’un l’autre jour et l’on ne savait pas s’ils étaient réellement vivants ou non. Au fond, la question semble inutile. Si le virus mange et se développe, il doit être en vie.

— Je me souviens justement d’un paragraphe où il en était question et… »

La conversation fut alors interrompue et Bob n’eut plus à chercher d’autres prétextes pour expliquer son intérêt.

« Je t’en prie, Norm, donne-lui le bouquin lorsque tu rentreras chez toi et revenez un peu sur terre tous les deux. Si cela vous amuse, exercez vos facultés à trouver ce qui ne va pas dans cet aquarium ou alors continuons à nous balader sur les récifs pour voir ce qu’on pourra découvrir. »

Malmstrom venait de rappeler sa présence avec l’accord tacite de Rice qui n’aimait pas demeurer à l’écart. Comme d’habitude, Colby restait au second plan et gardait le silence.

« Vous avez raison ! » Hay se tourna de nouveau vers le petit lagon. « Je n’ai aucune idée de ce qu’il faut faire ; voilà deux ou trois mois que j’essaie vainement de découvrir quelque chose. J’espérais que Bob aurait une idée.

— Je ne connais pas grand-chose en biologie, répondit Robert. À part ce que j’ai appris en classe… Tu n’as pas eu la curiosité de descendre au fond pour rapporter un morceau de corail et examiner de près ces polypes ?

— Je ne me suis jamais baigné ici. Au début je ne voulais pas déranger les poissons et après leur mort j’ai craint d’attraper à mon tour la maladie.

— C’est possible, mais tu as certainement touché l’eau de nombreuses fois et rien ne t’est arrivé. Je vais y aller si tu veux. » Une fois de plus le Chasseur se sentit près de la colère. « Que veux-tu que je te remonte ? » demanda Bob.

Norman le regarda un long moment avant de répondre.

« Tu crois vraiment qu’il n’y a pas de danger ? Dans ce cas, je vais avec toi. »

Bob tressaillit. Sans même y penser il avait agi avec la conviction qu’il était immunisé contre tous les microbes et les germes qu’il pourrait rencontrer. En revanche Hay, autant qu’il pouvait en juger, n’avait pas de Chasseur pour se protéger.

Cette idée donna le jour immédiatement à une question : « Ne sert-il pas d’hôte également à un être semblable au Chasseur ? Comment expliquer son courage subit autrement ? » Bob estima que ce ne pouvait être la raison de cette décision subite, car en admettant même que le fugitif ait trouvé un refuge chez Hay, il n’aurait certainement pas manifesté sa présence. Pour l’instant Bob devait décider si oui ou non il allait exécuter sa promesse d’entrer dans cette eau douteuse et si Hay tenait malgré tout à le suivre.

« Après tout, pourquoi ne pas y aller ? » se dit-il. Norman n’avait rien attrapé jusqu’à présent et de toute façon le médecin de l’île était là.

« Allez, on y va ! » dit-il en commençant à se déshabiller.

« Minute, hurlèrent Malmstrom et Rice ensemble. Vous devenez cinglés ! Si cette eau tue les poissons, je ne vois vraiment pas l’intérêt d’y aller faire un tour.

— Il n’y a pas de danger, dit Bob, et puis nous ne sommes pas des poissons. » Il sentait très bien le peu de poids de sa réponse, mais n’en trouva pas d’autre sur-le-champ.

Bob entra dans l’eau en marchant, car il était toujours dangereux de plonger dans un lagon fait de coraux, même si l’eau était très claire. Norman le suivait de près pendant que leurs deux camarades les traitaient de fous. Colby n’avait pas pris part à la discussion et se contenta d’aller jusqu’au bateau pour prendre un aviron, puis de revenir auprès des autres.

Le caractère particulier du lagon apparut tout de suite. Bob nagea vers le milieu et esquissa un plongeon qui d’ordinaire le conduisait sans effort à un ou deux mètres sous l’eau. Cette fois-ci il ne parvint même pas à faire disparaître ses pieds sous l’eau. Il nagea alors en profondeur, parvint à toucher le fond et cassa un morceau de corail avant de remonter à une vitesse qui le surprit. Il sentit la saveur de l’eau sur ses lèvres et aussitôt comprit tout.

« Norman ! Goûte un peu la flotte, hurla-t-il. Pas étonnant que tes poissons claquent. »

Après un instant d’hésitation Hay obéit et fit la grimace, puis demanda :

« Mais d’où peut venir tout ce sel ? » Bob regagna le bord du lagon et à peine eut-il prit pied sur les coraux qu’il commença à s’habiller.

« Nous aurions dû y penser, dit-il. La mer entre ici à la marée avec les vagues et comme l’eau s’évapore il ne reste plus que le sel. Tu n’aurais pas dû fermer tous les passages qui permettaient à l’eau de circuler. On trouvera bien un bout de grillage qu’on installera devant le trou qu’on va creuser au niveau de l’eau, si tu tiens essentiellement à conserver tes poissons pour prendre des photos.

— Ça alors ! s’exclama Hay, et moi qui ai fait toute une étude en classe sur la formation des grands lacs salés ! » Il s’habilla à son tour et demanda : « Que faisons-nous maintenant ? On va chercher une barre à mine ou on se balade dans les rochers puisque l’on y est déjà ? »

Après une brève discussion, la seconde proposition fut adoptée et tous les garçons retournèrent vers le bateau. En route, Norman sortit un énorme seau de derrière un buisson et déclara en riant :

« Je m’en servais de temps en temps pour remplir ma piscine quand le niveau était trop bas. On pourra toujours en faire quelque chose. »

Il jeta le seau dans le bateau et resta le dernier sur la plage pour pousser l’embarcation une fois tout le monde à bord.

Une heure durant, ils ramèrent le long des récifs, débarquant de temps à autre dans une petite île, se contentant le plus souvent de serrer de près les bancs de coraux tout en se maintenant à une certaine distance à l’aide de longues perches. Ils étaient déjà assez loin de leur point de départ et approchaient d’une île un peu plus grosse que les autres sur laquelle une demi-douzaine de cocotiers avaient poussé. Ils débarquèrent bientôt et mirent le bateau en sûreté sur le sol rugueux. Jusqu’alors leur butin n’avait guère été important. Malmstrom avait bien trouvé quelques fragments de coraux rouges et de jolis coquillages nacrés, mais c’était tout. Le Chasseur, de son côté, n’avait pas retiré grand profit de cette expédition, ce qui l’ennuyait sérieusement, car cette promenade dans les récifs avait été suggérée par lui dans l’espoir de découvrir des traces de son passage déjà lointain.