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Entre les réservoirs, subsistaient un certain nombre de petits hangars rouillés qui ressemblaient aux magasins de matériel installés dans l’île. De l’autre côté de la jetée se trouvait un appareil d’aspect très compliqué qui pouvait servir à distiller l’huile brute sortie des réservoirs pour obtenir de l’essence ou de la graisse. Il était en effet meilleur marché de traiter sur place le produit brut pour fournir les besoins des habitants, plutôt que d’envoyer la marchandise à Tahiti pour la raffiner et être obligé de la faire revenir ensuite.

Pour l’instant tout l’intérêt des jeunes garçons était concentré sur le magasin du matériel. Aucun d’eux ne se souvenait d’avoir vu employer du grillage dans l’île, mais ne voulant pas s’avouer vaincus au départ, ils tenaient à épuiser toutes les possibilités. En file indienne, ils s’engagèrent sur l’étroit chemin qui serpentait entre les réservoirs.

Un léger flottement se produisit parmi eux avant d’atteindre le fameux magasin. Comme ils passaient devant l’un des petits hangars placés çà et là entre les réservoirs, une main attrapa Rice par le cou et l’attira à l’intérieur de la fragile construction. L’espace d’un instant les enfants s’arrêtèrent sur place complètement médusés, puis ils échangèrent des sourires de compréhension en entendant la voix de Charlie Teroa. Ce dernier parlait de passagers clandestins, de places à prendre, et paraissait assez énervé. La conversation se poursuivit quelques minutes sans que jamais la voix de Rice ne se fît entendre. Lorsque le rouquin rejoignit ses camarades il n’avait pas l’air très fier et baissait la tête. Teroa apparut derrière lui, un sourire bizarre aux lèvres, et il tressaillit imperceptiblement en surprenant le regard de Bob posé sur lui. Il dit alors :

« Mais dites-moi, les gosses, vous n’avez pas le droit de vous balader par ici.

— Au moins autant que toi », rétorqua Hay qui n’avait nullement l’intention d’abandonner le terrain tant qu’il existait encore une chance de trouver ce qu’il cherchait. « Tu ne travailles pas ici, que je sache.

— Si on te le demande, tu diras que tu n’en sais rien, rétorqua Teroa de son air le plus calme. En tout cas j’aide les gens d’ici. Je parie que vous êtes en train de chercher quelque chose. »

La phrase avait la valeur d’une affirmation, mais on pouvait tout de même y discerner une vague interrogation.

« De toute façon ce que nous cherchons ne fera défaut à personne », répliqua Hay sur la défensive.

Il allait se lancer dans un développement long et compliqué pour expliquer ses intentions, mais une voix inconnue d’eux vint lui couper tous ses effets.

« Comment pouvons-nous en être sûrs ? »

Les enfants se tournèrent d’un bloc et découvrirent le père de Bob qui venait d’arriver derrière eux et qui poursuivit :

« Nous sommes toujours d’accord pour vous prêter tout ce qu’il vous faut, tant que nous savons où se trouve notre matériel. De quoi avez-vous besoin aujourd’hui ? »

Sans la moindre gêne, Hay exposa ses intentions. Il n’avait jamais songé à prendre le fil de fer sans le demander, mais il avait espéré malgré tout avoir l’occasion de faire son choix lui-même après avoir passé en revue les trésors que renfermait la salle du matériel, et surtout il tenait à choisir lui-même la personne à qui il allait exposer sa requête.

M. Kinnaird hocha la tête d’un air entendu et répondit :

« Vous serez sans doute obligés de grimper jusqu’au nouveau réservoir que l’on construit là-haut pour avoir une barre à mine ou un outil de ce genre. Pour votre grillage, j’ai l’impression que l’on doit avoir ça à notre rayon. Venez voir. »

Tous les garçons, y compris Teroa, emboîtèrent le pas à M. Kinnaird pour traverser les petites passerelles faites de plaques d’acier très glissantes. Tout en marchant Hay expliqua ce qui s’était produit à sa piscine et comment on avait fini par découvrir la raison de tous ses ennuis. M. Kinnaird avait l’habitude d’écouter les gens qui lui parlaient, mais il ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil rapide vers son fils lorsqu’il fut question de la dangereuse baignade. Bob ne surprit pas le regard de son père et la conversation lui remit soudain à l’esprit le livre dont le médecin lui avait parlé. Il s’approcha aussitôt de Hay pour le lui rappeler. M. Kinnaird ne put s’empêcher de dire :

« Tiens, tiens, aurais-tu par hasard l’intention de devenir médecin ? Jusqu’à présent tu n’en prends guère le chemin.

— Non, papa, j’ai simplement besoin d’un renseignement », répondit Bob d’un ton neutre.

Les préoccupations du Chasseur revenaient plus urgentes que jamais. Et il se demandait avec inquiétude quand il pourrait entrer en communication avec Bob. Pour l’instant il ne pouvait en être question !

M. Kinnaird se retourna en souriant et montra l’une des portes de la cabane devant laquelle il venait d’arriver.

« Il y aurait peut-être quelque chose pour vous là dedans, Norman », dit-il en sortant la clef du cadenas.

Il faisait très noir à l’intérieur, mais M. Kinnaird tourna le bouton dissimulé près de l’entrée et une faible lueur jaillit d’une ampoule sale suspendue au bout de son fil. Tous les regards se portèrent immédiatement vers un des coins de la pièce où se trouvait un gros rouleau de grillage galvanisé qui semblait avoir été mis là dans l’unique dessein de répondre aux désirs de Norman. Hay se précipita dessus pendant que le père de Bob restait dans l’encadrement de la porte en s’amusant du spectacle.

« Combien t’en faut-il ?

— Oh ! un petit morceau d’une vingtaine de mètres me suffirait largement… »

M. Kinnaird prit une paire de pinces dans un tiroir et découpa le grillage, puis il tendit à Norman le morceau convoité. Ils quittèrent tous la pièce et Bob déclara à son père pendant que celui-ci refermait le cadenas :

« Je ne savais pas qu’on se servait de grillage comme celui-ci dans l’île.

— Non, c’est vrai ? J’étais pourtant persuadé qu’à force de tourner par ici tu connaissais les moindres détails de l’installation. » M. Kinnaird se dirigea alors vers le plus proche des réservoirs de charge et montra l’un des puits de sécurité construit à côté : « Tenez », dit-il, en désignant du doigt l’ouverture d’un mètre carré à peu près, que rien ne protégeait. Les garçons s’approchèrent pour regarder dans le trou. À quelques mètres de là un filet protecteur semblable au grillage que transportait Norman était scellé dans les parois du béton.

« Je n’aurais jamais cru ce grillage assez fort pour supporter le poids d’une personne qui tomberait dessus, fit remarquer Bob.

« — Les gens ne doivent pas tomber là-dedans, lui rétorqua son père, et si par hasard un accident arrivait, la seule ressource serait de se laisser glisser jusqu’au fond pour pouvoir nager au-dessous. Ce grillage a été placé là à seule fin de retenir au passage les outils qui pourraient tomber dans le puits. Cela arrive souvent, car les plaques de tôle sont particulièrement glissantes par ici. C’est d’ailleurs pour cela que les abords de ces puits sont interdits. »

Il s’éloigna, fit quelques pas et bien involontairement donna la démonstration rapide de la véracité de ses paroles. Il glissa. Du moins Malmstrom affirma toujours que M. Kinnaird avait glissé le premier, mais personne n’en était sûr. Tout le groupe se comporta alors comme une rangée de quilles et le seul à conserver son équilibre fut Teroa qui dut s’éloigner très rapidement pour ne pas être emporté à son tour. Malmstrom fut projeté contre Hay qui perdit pied et entraîna dans sa chute Bob et Colby. Leurs chaussures ne trouvèrent aucun point d’appui solide sur la surface de métal huileux et Bob poussa un hurlement lorsqu’il comprit qu’il allait mettre à l’épreuve la force de résistance du grillage.