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Ses réactions rapides lui avaient fait occuper une place de premier plan dans l’équipe de hockey du collège et ce fut encore cette qualité qui le sauva.

Il se laissa tomber les pieds les premiers et dès que ses chaussures touchèrent le grillage il étendit les bras en avant autant qu’il le put afin de prendre un point d’appui sur son dos aux parois du puits. Il reçut un coup violent dans les côtes, mais parvint néanmoins à ne pas appuyer de tout son poids sur le grillage qui ainsi soutint le choc.

À quatre pattes, son père essayait de lui tendre la main, mais Bob glissa de nouveau et ne put saisir le bras secourable. Malmstrom et Colby, qui étaient également tombés sur le sol, ne se relevèrent pas et en profitèrent pour saisir Bob par le poignet sans s’occuper du danger que présentait leur position et permirent ainsi à Bob de remonter lentement en s’aidant du dos et des pieds.

Une fois debout, Bob essuya d’un revers de main la sueur qui perlait à son front et son père lui adressa un sourire un peu forcé en le regardant fixement, après avoir esquissé un geste pour retirer quelque chose qu’il devait avoir dans l’œil : « Tu comprends ce que je veux dire », dit-il à son fils. Puis reprenant ses esprits, il ajouta :

« J’ai l’impression que l’un de nous sera en retard pour dîner. Ou je me trompe fort ou l’embarcation que j’ai vue attachée là-bas vous appartient et vous allez certainement la reconduire dans la crique où vous la cachez. »

Les garçons répondirent en effet que telle était leur intention et M. Kinnaird ajouta :

« Alors allez-y vite et disparaissez d’ici avant de vous être tous rompu le cou. Bob, je vais rentrer tout de suite et prévenir ta mère. J’ai l’impression qu’il vaut mieux ne pas lui parler de ta petite descente. »

Les garçons, tout joyeux de voir que leur camarade s’en était tiré à si bon compte, s’éloignèrent en riant.

De son côté le Chasseur ne trouvait pas la situation aussi drôle. Il voulait absolument parler à Bob, mais avait tant à dire qu’il ne savait par où commencer. Il fut très heureux de voir que son hôte allait s’installer à l’avant de l’embarcation plutôt que de prendre un aviron. Et à l’instant même où Bob dirigea ses regards vers le large, le Chasseur se manifesta. « Bob ! »

Les lettres qui apparaissaient sur la rétine du jeune garçon étaient épaisses et beaucoup plus grandes que d’habitude. Elles auraient certainement été teintées d’un rouge éclatant si cela avait été possible. Néanmoins le jeune garçon comprit que le message était urgent et regarda aussitôt l’endroit le plus clair de l’horizon.

« Nous ne nous arrêterons pas, pour le moment tout au moins, sur votre propension à vous exposer à de petites blessures pour la simple raison que vous savez être protégé. Cette tendance est assez désagréable en elle-même, mais de plus, vous vous mettez à présent à faire part à tout le monde de la confiance que vous avez en votre propre immunité. Ce matin vous vous offrez devant tout le monde à vous jeter le premier dans cette eau qui aurait pu être dangereuse. Ensuite, vous claironnez à tous vents l’intérêt subit que vous portez à la biologie en général, et au virus en particulier. J’ai eu envie, à plusieurs reprises aujourd’hui, de paralyser votre langue. Au début j’ai pensé que vous pourriez simplement effrayer notre criminel et l’obliger ainsi à choisir une meilleure cachette, mais à présent je crains fort que la situation soit plus inquiétante.

— Que vouliez-vous que je fasse d’autre ? murmura Bob d’une voix imperceptible afin que les autres ne pussent entendre.

— Je n’affirme rien, évidemment, mais trouve curieux que votre accident, qui aurait pu être grave, ait suivi si rapidement votre conversation. Et n’oubliez pas que toutes vos paroles ont été prononcées en présence de gens parmi lesquels se trouve un de ceux qui ont le plus de chance de servir d’hôte au fugitif. »

Bob réfléchit quelques instants. Il n’avait jamais envisagé auparavant que sa mission pût le mettre personnellement en danger. Avant qu’il n’ait eu le temps de songer à cette question, le Chasseur ajouta :

« En examinant d’aussi près que vous l’avez fait ce poisson mort, vous pouviez très certainement attirer l’attention d’un être aussi attentif que doit être notre ennemi.

— Mais Norman l’a regardé aussi longtemps que moi, répondit Bob.

— Je l’ai remarqué. »

Le Chasseur ne s’étendit pas davantage sur cette question, laissant à son hôte le soin de juger des conséquences qu’elle pouvait entraîner.

« Et que vouliez-vous donc que je fasse ? Comment le fugitif pourrait-il être à l’origine de ma chute ? Vous m’avez dit vous-même qu’il vous était impossible de me faire faire ce que je ne voulais pas. Est-il donc très différent de vous ?

— Non. Sans aucun doute, il n’a pas pu obliger quelqu’un à vous pousser, au sens physique du terme. Néanmoins, il est peut-être arrivé à persuader un de vos camarades d’agir suivant sa volonté. Souvenez-vous que vous avez déjà fait beaucoup pour moi.

— Vous m’avez assuré qu’il ne se serait pas risqué à révéler sa présence.

— À mon avis, cela aurait été dangereux pour lui, mais peut-être a-t-il malgré tout voulu courir sa chance. Il est sans doute parvenu à décider son hôte en lui racontant une histoire plus ou moins vraisemblable. C’était facile, car rien ne pouvait laisser supposer qu’il mentait.

— Je ne vois pas très bien où il aurait pu en venir en me faisant tomber. Tout le monde sait que je nage et en admettant même que je me sois noyé, ma disparition n’aurait pas arrêté vos recherches.

— C’est tout à fait exact, mais il pouvait fort bien souhaiter simplement que vous soyez blessé assez gravement pour que je trahisse ma présence en vous portant secours. En supposant qu’il ait raconté une histoire fantastique à l’un de vos camarades, je ne crois quand même pas que l’un d’eux aurait accepté de gaieté de cœur de vous faire du mal, et à plus forte raison de vous tuer.

— Vous croyez donc que Charles Teroa s’efforce d’obtenir cette place qui lui ferait quitter l’île dans l’unique but de plaire à celui que nous recherchons ?

— C’est une possibilité que nous ne devons pas négliger. Il faut absolument que nous trouvions un moyen de l’examiner avant qu’il ne s’en aille… ou alors il faut l’empêcher de partir. »

Bob ne fit guère attention à cette dernière phrase. Tout d’abord, il l’avait déjà entendue et surtout, une idée venait de germer dans son esprit. Il en était si troublé que ses camarades n’auraient pas manqué de s’apercevoir du changement qui s’opérait en lui s’ils l’avaient vu de face.

Une simple phrase du Chasseur, prononcée quelques minutes plus tôt, était responsable de cette transformation. Bob n’y avait pas attaché grande importance, mais à présent l’idée s’imposait à lui avec d’autant plus de force qu’il n’y avait pas songé précédemment. Le Chasseur avait en effet déclaré que le criminel pouvait fort bien abuser de la confiance de son hôte en lui racontant une histoire que personne n’était en mesure de vérifier. Et Bob songea brusquement que lui non plus n’avait aucun moyen de s’assurer de la véracité des dires du Chasseur. Dans l’état actuel des choses, la créature qu’il portait en lui pouvait très bien être un criminel s’efforçant de se soustraire aux légitimes poursuites d’un représentant de l’ordre.