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Il allait ouvrir la bouche pour exposer ses doutes, mais son bon sens l’en empêcha à la dernière minute. Il ne pouvait compter que sur lui pour être fixé sur ce point et jusque-là, il devait paraître aussi confiant et dévoué qu’auparavant.

Au fond de lui, Bob ne mettait pas sérieusement en doute la parole du Chasseur. En dépit de leur façon très limitée de correspondre entre eux, l’attitude même du Chasseur et son comportement avaient donné au jeune garçon une image très complète de la personnalité du Chasseur, à tel point que Bob ne s’était jamais interrogé avant sur les véritables motifs de son occupant invisible. Néanmoins, le doute existait et d’une façon ou d’une autre il faudrait donner une réponse à la grave question qui demeurait en suspens.

Bob en était là de ses réflexions lorsque l’embarcation atteignit le fond de la crique et il ne dit rien ou presque pendant que ses camarades et lui tiraient le bateau au sec et le dissimulaient sous les buissons avec les avirons.

Son mutisme ne suscita aucun commentaire. Tous les garçons étaient morts de fatigue et les deux accidents de l’après-midi les avaient profondément remués. Ils traversèrent rapidement les petits canaux d’évacuation pour aller retrouver leurs bicyclettes et chacun rentra chez soi après avoir décidé de se retrouver au même endroit le lendemain matin.

Une fois seul, Bob put parler un peu plus librement avec le Chasseur.

« Chasseur, dit-il. Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous êtes ennuyé à l’idée que mes paroles et mon comportement puissent éveiller les soupçons de mes camarades. Si, par hasard, l’autre tente quelque chose contre nous, ce serait la meilleure façon de découvrir enfin une preuve de sa présence. Je crois même que ce serait la meilleure façon de le découvrir. Je pourrais servir d’appât. Le seul moyen de retrouver une aiguille dans une botte de foin est encore de prendre un aimant.

— J’y ai déjà pensé, mais c’est trop dangereux.

— Comment voulez-vous qu’il vous atteigne ?

— Je sais très bien que personnellement je ne risque rien. C’est pour vous que je m’inquiète. Je ne sais si votre idée a pour cause la bravoure de l’homme mûr ou la folle témérité de la jeunesse, mais je voudrais que vous vous persuadiez une fois pour toutes que je me refuserai toujours à vous exposer au moindre danger tant que je pourrai faire autrement. »

Bob ne répondit pas sur-le-champ. Et si le Chasseur se rendit compte de la signification de l’effort que fit Bob pour refréner un sourire de satisfaction, il n’en laissa rien paraître. Une autre question brûlait les lèvres de Bob, qui voulait absolument y apporter une réponse et il demanda en s’engageant sur le chemin menant à la maison de ses parents :

« Dans le bateau, vous avez vaguement parlé de me paralyser les muscles de la langue. Pouvez-vous vraiment le faire ou cherchiez-vous simplement à me bourrer le crâne ? »

Le Chasseur ne connaissait pas cette expression, mais parvint néanmoins à comprendre le sens de la phrase.

« Je peux très bien paralyser n’importe quel muscle de votre corps en agissant sur les nerfs moteurs. En revanche, j’ignore totalement combien de temps cela peut durer, car je n’ai jamais eu l’occasion d’en faire l’expérience sur vous, ni sur aucun autre être humain.

— Eh bien, essayez ! C’est le moment », déclara Bob en s’arrêtant, à demi appuyé sur le guidon de sa bicyclette.

« Allez donc vous mettre à table, il est temps. Et cessez de poser des questions idiotes ! »

Bob reprit sa marche, souriant franchement à présent.

XIII

INTERMEDE MECANIQUE

Le Chasseur estima que le samedi était une journée gâchée, à son point de vue du moins, car par la suite il devait changer d’avis. Les garçons se retrouvèrent à l’endroit prévu. Norman portait un long morceau de grillage, mais personne n’avait songé à apporter un outil capable de venir à bout des bouchons de ciment que Hay avait mis à toutes les ouvertures de son aquarium.

À l’autre bout de l’île, un nouveau réservoir était en construction et ils décidèrent de pousser une pointe jusque-là afin de voir si par hasard ils ne trouveraient pas l’outil désiré. Ils s’engagèrent donc tous ensemble sur la route qui faisait le tour de la plus grande des anses en passant devant l’école et la maison de Teroa. Mais là, au lieu de tourner vers l’appontement, ils continuèrent tout droit et, laissant derrière eux les hangars, poursuivirent leur randonnée jusqu’à l’extrémité de la route pavée. Ils arrivèrent ainsi au sommet de la plus haute des collines sans toutefois passer de l’autre côté. Devant eux et légèrement en contrebas apparaissait une rangée de petits réservoirs, construits longtemps auparavant et abandonnés depuis. Un peu plus loin, on apercevait une construction neuve, au moins aussi grande que celles qui jalonnaient le bord du lagon. Elle avait été achevée à peine un mois ou deux plus tôt et les garçons savaient que l’on était en train d’en édifier une autre tout à côté. C’était le but de leur expédition.

Aux derniers hangars la route s’arrêtait pour devenir une sorte de piste faite peu à peu sous les charrois de matériaux. Les ornières étaient si profondes que les garçons préférèrent parcourir ces quelques derniers mètres à pied et abandonnèrent leurs bicyclettes sous les buissons. Parvenus au-dessus du réservoir, ils descendirent à flanc de colline et longèrent la haute paroi pour atteindre le chantier où ils savaient trouver les ouvriers.

Comme les autres réservoirs, celui-ci était construit dans la colline qui avait été profondément entaillée. Le sol avait été aplani et recouvert de béton. Pour le moment, les terrassiers étaient occupés à construire le mur qui prenait appui sur le fond de la brèche. Les garçons constatèrent avec satisfaction que les fondations semblaient terminées, ce qui laissait supposer qu’on accepterait de leur prêter les outils dont ils avaient besoin. Tout se passa beaucoup plus facilement qu’ils ne l’espéraient. Le père de Rice accéda à leur désir et leur montra les barres à mine en les autorisant à les prendre. M. Rice avait sans doute des raisons personnelles de leur donner ce qu’ils voulaient, car la plupart des enfants de l’île entre quatre et dix-sept ans n’avaient rien à faire ce jour-là et les hommes qui travaillaient n’avaient qu’une idée : s’en débarrasser par n’importe quel moyen. Certains avaient même proposé que la classe soit rendue obligatoire sept jours sur sept afin d’être tranquilles ! Les garçons ne cherchèrent pas à analyser les raisons de leur succès et prirent les barres à mine sans tarder pour revenir à leur point de départ.

La matinée commençait bien, mais la suite des événements devait se révéler moins satisfaisante. Sans perdre de temps, ils gagnèrent le lagon et se mirent à l’œuvre. À tour de rôle ils plongeaient pour essayer d’entamer le ciment à l’aide des barres. On ne pouvait pas attaquer les bouchons de ciment du côté de la mer libre, car quiconque s’y serait risqué avait de forte chance d’être sérieusement blessé en se voyant projeté contre les arêtes aiguës des coraux. À l’heure du déjeuner, ils avaient réussi à écailler assez sérieusement le ciment pour ne pas perdre tout à fait courage, mais les résultats n’étaient guère sensibles.

Après le repas, ils se retrouvèrent, malgré tout, au même endroit, et eurent la surprise de découvrir qu’une Jeep était arrêtée non loin du lieu où leur bateau était caché. Rice et son père étaient assis dans la voiture dont l’arrière était occupé par du matériel qu’ils reconnurent au premier coup d’œil.

« Papa va nous faire sauter le ciment qui bouche les passages », cria le jeune Rice à l’approche de ses camarades. Son explication était d’ailleurs parfaitement inutile, car tous avaient compris ce qui allait se passer. « Il a pu quitter le chantier pour quelques heures pour nous aider, précisa Rice.