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La décision leur fut imposée bien involontairement par Rice qui était resté debout sur le récif afin de pousser l’embarcation pour l’éloigner du bord. Aucun des garçons n’avait pensé à l’état des autres planches du bateau. Si l’une d’elles avait cédé sous le poids du plus jeune qui venait à peine d’avoir quatorze ans, il y avait de grandes chances pour que les autres soient dans le même état. Ils furent brutalement rappelés au sens des réalités lorsque le pied gauche de Rice traversa dans un grand fracas de bois brisé la planche du fond, voisine de celle qu’ils avaient posée deux jours plus tôt. En quelques secondes l’embarcation fut pleine d’eau et tous en eurent bientôt jusqu’à la poitrine.

Leur stupéfaction fut telle qu’ils demeurèrent silencieux quelques instants, puis Colby éclata de rire et les autres se joignirent à lui à l’exception de Rice qui ne trouvait pas drôle du tout sa mésaventure.

« Enfin, on ne racontera plus partout que je suis le type qui passe à travers les bateaux, déclara Hugh entre deux éclats de rire. Je ne suis plus seul à présent. Seulement moi, je me suis arrangé pour accomplir ce petit exercice près de la côte, pour que les copains ne se fatiguent pas à ramener le bateau ! »

Poussant l’embarcation, ils se dirigèrent vers le rivage qui n’était distant que d’une dizaine de mètres. Personne ne songea même à demander ce qu’ils allaient faire. Tous étaient d’excellents nageurs et tous savaient d’après les expériences passées que, même pleine d’eau, l’embarcation pouvait parfaitement les supporter s’ils nageaient à côté en s’y accrochant. Ils s’assurèrent simplement que leurs affaires étaient toujours là et constatèrent que les poissons de Hay avaient profité du naufrage pour regagner leur élément. Lorsqu’ils se furent un peu écartés du récif et que l’eau fut assez profonde pour nager, ils enlevèrent leurs chaussures et les mirent sur la partie du bateau qui dépassait encore de l’eau, puis chacun posa une main sur le plat-bord et poussa le bateau vers la côte. Le court trajet se passa sans histoire et ils étaient à mi-route lorsque l’un d’eux éprouva le besoin de faire remarquer très astucieusement qu’ils venaient à peine de manger !

Parvenus sur la terre ferme, un nouveau problème se posa : allaient-ils laisser le bateau là et apporter plus tard le bois et les outils nécessaires pour le réparer ou au contraire valait-il mieux faire réintégrer à l’embarcation son port d’attache en la poussant tout le long de la côte ? À vol d’oiseau la distance qui les séparait de leurs demeures respectives n’était pas énorme, mais il fallait traverser la jungle et porter un tel fardeau dans ces conditions ne serait pas une petite affaire. Cette éventualité ne souleva guère d’enthousiasme. On pouvait aussi faire le tour par la plage, mais la distance était infiniment plus grande. Le lendemain étant un lundi, il n’était pas question de manquer la classe et, comme il ne fallait pas songer à porter le bateau en une seule fois, ils décidèrent que mieux valait ramener l’épave à la crique en la tirant dans l’eau.

La journée n’était guère avancée et, avant de se mettre en route, ils voulurent se rendre compte de l’étendue des dégâts et tirèrent l’embarcation au sec. Pas de doute, il faudrait remplacer la planche entière. Ils furent obligés d’admettre que les réparations risquaient fort de se transformer en une construction nouvelle. De plus, un sérieux travail de calfatage serait nécessaire avant que la barque puisse être remise à flot.

Bob proposa alors :

« Pourquoi ne pas laisser la barque dans ce coin-là pour l’instant pendant que nous irions au nouveau réservoir que l’on construit ? Il y a des tas de bois là-bas et nous pourrions chercher ce qu’il nous faut et l’apporter à la crique. On aurait alors le temps d’y amener le bateau aujourd’hui ou demain soir.

— Il faudrait ensuite revenir encore une fois ici, fit remarquer Malmstrom. Au fond, rien ne nous empêche de faire ce que nous avions projeté et d’aller jusqu’au réservoir après.

— D’autant qu’il n’y aura personne là-bas, dit à son tour Colby. Il va falloir prendre beaucoup de bois cette fois-ci, et on ne peut quand même pas tout emmener sans demander la permission. »

Bob admit la justesse de ce raisonnement et se déclara prêt à abandonner son idée. Rice suggéra alors :

« À mon avis, voilà ce que nous devrions faire : il nous faudra sans aucun doute un certain temps pour découvrir les morceaux de bois nécessaires. Mieux vaudrait donc que deux d’entre nous suivent les conseils de Bob et aillent mettre de côté tout ce qui pourra servir pendant que les autres ramèneront le bateau à la crique. Il n’est pas besoin d’être très nombreux pour le pousser jusque-là. On pourrait alors, demain par exemple après la classe, aller demander tout ce qui aura été mis de côté puis se mettre au travail sans perdre de temps.

— D’accord, si vous croyez que l’on peut avoir tout d’un seul coup, dit Hay. Souvent, il vaut mieux demander les choses les unes après les autres.

— Rien ne nous empêche de faire plusieurs tas et de demander à plusieurs personnes l’autorisation de les prendre. Maintenant il s’agit de savoir qui va pousser le bateau et qui va aller jusqu’au nouveau réservoir. »

Finalement, il fut décidé que Bob et Norman se rendraient au chantier pour faire un premier choix pendant que les autres s’occuperaient de pousser le bateau jusqu’à la crique. La simple idée de partir ne paraissait guère leur sourire, pourtant ils se décidèrent à remettre à l’eau ce qui restait de leur bateau et le poussèrent jusqu’au moment où il flotta. Puis les deux émissaires dépêchés en avant-garde regagnèrent le rivage pendant que s’élevait la voix de Rice entonnant le chant des bateliers de la Volga.

« Je vais d’abord passer chez moi prendre mon vélo, déclara Norman en sortant de l’eau. Ce sera moins fatigant et nous irons plus vite.

— Tiens, c’est une bonne idée. Ce sera un peu plus long que de couper directement à travers bois, mais on rattrapera le temps perdu en allant là-bas à vélo. Je t’attendrai au coin de l’allée.

— D’accord. Si tu arrives avant moi. Comme il faut passer la colline tu auras peut-être moins à marcher, mais je crains que la jungle ne soit plus épaisse de ton côté. Je vais remonter un peu le long de la plage pour être juste en direction de chez moi avant de prendre les raccourcis.

— À tout à l’heure. »

Norman s’engagea dans la direction que venaient d’emprunter les autres avec le bateau. Il les dépassa de loin et bifurqua vers l’intérieur pendant que Bob commençait à s’élever sur la colline au milieu de l’épaisse végétation qu’il avait déjà montrée au Chasseur. Bob connaissait l’île comme sa poche, mais personne ne pouvait affirmer que la jungle lui était familière. La plupart des espèces végétales qui poussaient dans cette région se développaient avec une rapidité extraordinaire et si un sentier n’était pas fréquemment emprunté, la nature reprenait très vite possession de son domaine. Les grands arbres auraient fait d’excellents points de repère si l’on avait pu se diriger à vue sur eux, mais l’épaisseur de la plupart des buissons empêchait de voir loin devant soi. Le seul élément sûr était la pente du sol, car en la suivant on était toujours certain d’aboutir au sommet de la colline et, dans l’autre sens, de parvenir en un point quelconque du bord de mer. Sachant à peu près où il se trouvait par rapport à la maison de ses parents, Bob était sûr d’atteindre très rapidement la route à peu de distance de chez lui, et même, en marchant un peu vers la droite, il devait tomber sur le sentier qu’il avait pris quelques jours plus tôt et qui conduisait directement chez lui. Sans la moindre hésitation, Bob se lança dans les buissons. Parvenu sur le sommet, il s’arrêta pour reprendre sa respiration. Le versant de la colline qui s’offrait à lui et au bas duquel devait se trouver la maison, semblait être une muraille de buissons. Bob hésita un instant et regarda de chaque côté pour voir si par hasard une amorce de sentier n’était pas visible. Le Chasseur se rendit compte de la situation et se prépara à y faire face. Pour la première fois depuis le départ, le jeune garçon se mit à quatre pattes pour se frayer un chemin sous les branches. La marche était un peu plus aisée au ras du sol, car la plupart des arbustes avaient tendance à s’élever le plus possible pour triompher les uns des autres. Néanmoins la voie n’était guère facile et les égratignures apparaissaient nombreuses sur les bras de Bob. Le Chasseur s’apprêtait à lancer une phrase désagréable sur le raccourci de Bob qui devait leur faire gagner du temps lorsque son attention fut brusquement sollicitée.