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— Pas tant que tu ne le crois, regarde tes bras.

— Ce n’est pas pour cela que je suis venu. Je suis tombé dans les bois hier et comme je boite un petit peu papa m’a dit de vous en parler.

— Voyons ce qui t’est arrivé. »

Bob s’installa sur un tabouret en face du docteur et retroussa la jambe de son pantalon. De prime abord le docteur Seever ne vit pas la blessure, puis l’ayant découverte il l’examina longuement sous tous les angles. Ayant pris place sur une chaise, il fixa le jeune garçon quelques instants avant de dire :

« Raconte-moi ce qui s’est passé.

— J’étais là-haut dans les bois qui dominent la crique. Parvenu au bord du petit ruisseau, j’ai senti le sol s’effondrer sous moi et un bout de bois très pointu m’a traversé la jambe.

— Traversé ? C’est beaucoup dire.

— Voilà, c’est tout. Je n’y pensais déjà plus lorsque papa m’a obligé à venir vous voir. »

Le docteur garda le silence pendant une ou deux minutes, puis demanda :

« Est-ce qu’une aventure de ce genre t’est déjà arrivée précédemment ? Au collège, par exemple ?

— Eh bien… » Bob ne songea pas un instant à prétendre ne pas avoir compris la question du docteur et répondit :

« Si, j’ai eu cela. » Il étendit le bras, profondément entamé le soir où le Chasseur avait essayé d’entrer en communication avec lui pour la première fois. En silence le docteur examina la cicatrice qui, maintenant, était à peine visible.

« Il y a combien de temps de cela ?

— À peu près trois semaines. »

De nouveau le silence les enveloppa et Bob se demandait avec inquiétude ce qui se passait dans l’esprit du docteur. Le Chasseur avait déjà compris que l’autre savait tout sur son compte.

« Tu as sans doute découvert qu’il y avait quelque chose d’anormal en toi. Quelque chose qui te dépasse et que tu ne comprends pas. Tu as dû t’apercevoir que des blessures qui, normalement, réclamaient des points de suture, n’ont laissé chez toi que la trace d’une égratignure. Un accident comme celui qui t’est arrivé hier aurait dû te tenir couché pendant des mois, et aujourd’hui tu boites simplement. Qu’est-ce qui a pu germer dans ton corps pendant que tu étais au collège ? Tu ne le sais naturellement pas.

— Vous êtes sur la voie, docteur, mais je connais la raison de cette guérison rapide. »

Le Rubicon franchi, Bob raconta rapidement toute son histoire que le médecin écouta dans un silence attentif. Il posa alors quelques questions.

« Tu ne l’as jamais vu ce… ce Chasseur ?

— Non, il refuse absolument de se montrer, déclarant que l’émotion serait trop forte pour moi.

— Je comprends assez sa conduite. Cela ne te fait rien que je te bande les yeux ? »

Bob déclara qu’il n’y voyait aucun inconvénient et le docteur prit une serviette qu’il noua autour du visage du jeune garçon. Puis le médecin demanda : « Pose une de tes mains sur la table, n’importe laquelle. Et laisse-toi faire. La paume vers le haut. Et maintenant, Chasseur, tu sais ce que j’attends ! »

Le Chasseur avait nettement compris la proposition du médecin et il obéit. Bob ne pouvait rien voir, mais quelques instants plus tard il sentit un poids très léger dans sa main. Instinctivement il eut envie de refermer ses doigts, mais d’un geste vif le docteur lui maintint sa main à plat.

« Allons, Bob, reste encore un peu tranquille. » Pendant un moment encore le jeune garçon sentit une légère pression dans le creux de sa main, puis il se demanda s’il n’avait pas rêvé.

Lorsqu’on lui enleva la serviette des yeux, rien n’était visible dans le creux de sa main, mais le visage du docteur était plus grave qu’auparavant.

« Bob, tu avais raison et ton histoire semble exacte, du moins dans ses grandes lignes. Et, maintenant, peux-tu me donner plus de détails sur cette mission que ton ami doit remplir ?

— Tout d’abord je tiens à vous faire remarquer que ce seront les propres mots du Chasseur que je vais vous rapporter. Je vais essayer de le faire le plus exactement possible :

« — Vous avez pu vous convaincre par vous-même du point essentiel de cette aventure. Et vous comprenez maintenant pourquoi le secret a dû être conservé et quels risques nous avons pris en venant vous mettre au courant. Bien qu’extrêmement mince, il y a malgré tout une chance pour que vous abritiez actuellement l’ennemi que nous recherchons.

« En ce cas deux éventualités s’offrent à nous : en premier lieu vous pouvez être au courant de sa présence et coopérer volontairement avec lui en étant persuadé qu’il est dans son droit et représente la justice. Vous n’avez plus alors qu’à chercher un moyen pour vous débarrasser de moi. Je sais que le fugitif que vous abritez ne reculerait devant rien pour triompher de la créature qui le poursuit et de moi par contrecoup. Néanmoins vous vous refuserez certainement à me causer un dommage quelconque et vous allez vous trouver aux prises avec un problème peu facile à résoudre.

« Dans l’autre cas, docteur, le criminel que vous avez en vous sait maintenant où je me trouve. Il est, également au courant de vos occupations et s’aperçoit qu’à titre de médecin il vous sera plus facile qu’à n’importe qui de détecter sa présence dans votre corps. Je crains donc que vous ne courriez un grave danger car il ne reculera devant rien pour s’échapper, s’il juge une fuite nécessaire.

« Je ne peux vous suggérer aucune précaution, car vous les découvrirez vous-même. Toutefois, il est préférable que vous n’en parliez pas à haute voix.

« Je regrette beaucoup de vous avoir involontairement exposé à un tel risque, mais la profession de médecin en a toujours comporté. Si malgré tout vous refusez un examen immédiat, dites-le-nous tout simplement et nous le ferons à votre insu dès qu’une possibilité s’offrira à nous, mais il est fort possible que le criminel n’ayant plus la crainte d’être découvert quitte de lui-même votre corps sans vous faire le moindre mal. Que décidez-vous ? »

Le docteur Seever n’hésita pas un instant :

« Je suis prêt à affronter tous les risques. D’autre part je crois avoir la possibilité de m’examiner moi-même. Si j’en crois votre récit vous vivez dans le corps de Bob depuis six mois et si votre fugitif se trouve par hasard dans le mien, il doit y être depuis plusieurs semaines. Une telle durée est suffisante pour que des anticorps bien définis aient le temps d’apparaître. Je puis donc faire une analyse du sang de Bob, puis du mien et j’aurai aussitôt la réponse. Vos connaissances en médecine sont-elles assez étendues pour que vous compreniez ce que je veux dire ? »

Bob répondit lentement en lisant avec le plus grand soin les phrases que le Chasseur faisait défiler devant ses yeux.

« — Je comprends très bien ce que vous voulez faire, mais malheureusement votre projet ne peut rien donner. Si nous n’avions pas découvert depuis longtemps le moyen d’empêcher la formation d’anticorps correspondant à nos cellules, nous n’aurions jamais pu vivre nulle part.

— J’aurais dû y songer, répondit le docteur en fronçant les sourcils. Je suppose qu’il est inutile de vouloir découvrir un morceau du corps du criminel dans une goutte de sang ou un bout de peau. Mais, dites-moi, comment procédez-vous pour une telle identification ? Vous devez avoir des méthodes personnelles que je serais curieux de connaître. »

Bob exposa alors les nombreuses difficultés que rencontrait le Chasseur dans ce domaine. Puis il ajouta, toujours au nom du Chasseur : « Lorsque mes soupçons seront assez matérialisés, je procéderai en dernier ressort à une inspection personnelle. Si j’entre dans le corps où se trouve le fugitif, ce dernier ne pourra pas se soustraire à mes recherches.