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« Je vois, malgré tout, une dernière objection à ton hypothèse. Comment le fugitif aurait-il pu savoir qu’un coup sur le nez entraîne dans la plupart des cas un abondant saignement ? Il ne faut quand même pas oublier qu’il ne possède pas une expérience de la vie humaine semblable à la nôtre !

— J’y avais déjà pensé, répondit Bob d’un air de triomphe. Mais réfléchissez : comment pourrait-il être ce qu’il est et se trouver dans un homme sans en connaître le comportement ? Il lui suffit de savoir ce qui peut entraîner un saignement de nez et si celui-ci est indispensable ou non pour ne pas éveiller l’attention. Je ne crois pas que ce soit au-delà de ses possibilités. Je n’ai pas encore interrogé le Chasseur à ce sujet, mais je suis tranquille. Qu’en pensez-vous, Chasseur ? » Bob attendit la réponse avec une confiance extrême qui fit, peu à peu, place à un doute grandissant à mesure que le Chasseur tardait à entrer en communication avec lui. Finalement celui-ci se décida à projeter :

« — Je reconnais que vous avez raison sur toute la ligne. Je n’avais pas envisagé la question sous cet angle et le fugitif aurait fort bien pu ne pas y penser non plus. Mais j’admets que même dans ce dernier cas il se serait certainement rendu compte qu’il n’y avait aucun danger à arrêter un saignement de nez. Le garçon qui venait de se battre a continué à saigner bien après la fin du combat et même après qu’on lui eut appliqué sur le nez des compresses froides et autres vieux remèdes. Vous avez raison, Bob. Je suis tout prêt à vous abandonner ces deux-là. »

Bob répéta toute la déclaration au docteur Seever qui approuva de la tête.

« J’ai également un candidat à l’élimination, dit-il ensuite. Bob, ne m’avais-tu pas dit hier que Ken Malmstrom avait attiré ton attention ?

— À plusieurs reprises même. Il n’a pas travaillé au bateau comme les autres jours et était étonnamment calme. Je supposais que c’était à cause du départ de Charles Teroa.

— Et qu’a-t-il fait aujourd’hui ?

— Je l’ignore. Il n’est même pas venu à l’école.

— Je m’en doute, répondit sèchement le docteur. Il a plus de 39,4°C de fièvre. Jusqu’alors, il n’avait voulu rien dire à ses parents.

— Qu’est-ce qu’il…

— La malaria. Et je voudrais bien savoir où il a pu pêcher ça. » Le docteur regarda Bob comme si celui-ci en était directement responsable.

« Pas étonnant, il y a des moustiques dans l’île, répondit le jeune homme un peu mal à l’aise de se sentir ainsi examiné.

— Tu ne m’apprends rien, bien que dans l’ensemble on parvienne à les détruire en grand nombre. Et même l’existence des moustiques n’explique pas la provenance de la malaria. Il faut qu’il l’ait récoltée quelque part. Je suis de très près tous les gens qui quittent cette île ou la visitent, comme par exemple l’équipage du navire dont certains membres viennent à terre, mais je suis certain qu’ils sont hors de question, car je connais leur état médical. Toi-même tu es resté assez longtemps parti pour attraper quelque chose, mais tu ne peux pas être soupçonné, à moins que pour te faire une blague le Chasseur ait conservé le microbe en vie.

— Le Chasseur voudrait savoir s’il s’agit d’un virus.

— Non, la malaria est causée par un microbe flagellé, un protozoaire. Tenez… » Le docteur prit un volume et trouva la micro-photographie qu’il cherchait. « Regardez cela, Chasseur. Y a-t-il eu dans le sang de Bob ou y a-t-il encore quelque chose de semblable ? »

La réponse fut immédiate.

« — Non, il n’y en a pas à présent et je ne me souviens pas d’avoir détruit de micro-organisme lui ressemblant depuis des mois. Mais je peux fort bien avoir oublié. Si Bob avait présenté les symptômes de cette maladie, vous vous en souviendriez. Le sang humain contient de nombreuses créatures qui ressemblent vaguement aux photographies que vous m’avez montrées hier, mais d’après ces représentations je ne peux pas savoir s’ils sont identiques ou non. J’aimerais beaucoup vous aider dans ce domaine, mais le but que je poursuis réclame tous mes efforts. »

— Bob, dit alors le docteur, si tu ne cherches pas à conserver l’ami que tu as actuellement pour te livrer à des études médicales, tu seras un traître à la civilisation. Mais cela ne nous fait pas avancer en ce qui concerne notre problème. Je tiens à faire remarquer que votre fugitif ne peut pas se trouver dans le corps de Malmstrom. Tout ce que vous avez dit concernant le saignement de nez est évidemment valable pour des germes de maladie. Nous ne pouvons quand même pas suspecter toutes les personnes qui ne sont jamais malades, et votre fugitif doit le savoir. »

Un long silence suivit cette déclaration et comme il menaçait de s’éterniser, Bob déclara alors :

« Il ne reste donc plus sur la liste des suspects que Norman et Hugh. Cet après-midi j’aurais certainement désigné Norman en premier, mais à présent j’en suis moins sûr.

— Et pourquoi donc ? »

Le jeune garçon répéta ce que le Chasseur lui avait communiqué quelques minutes auparavant et le médecin haussa les épaules avant de dire :

« Chasseur, si vous ne voulez pas nous faire part de vos réflexions, nous serons obligés de ne compter que sur nous.

« — C’est exactement ce que je souhaite, communiqua alors le Détective. Vous avez tous les deux tendance à me considérer comme un être au courant de tout. Or c’est faux. Nous sommes dans un monde entourés de vos semblables, ne l’oubliez pas. Je continuerai à poursuivre et à vérifier mes idées avec votre aide lorsque ce sera nécessaire, mais je voudrais que vous fassiez de même avec les vôtres, et vous n’y parviendrez jamais si vous vous laissez trop influencer par les opinions que je peux avoir. »

— Entendu, répliqua Seever. Pour le moment mon hypothèse rejoint celle de Bob et je voudrais que vous vous livriez le plus rapidement possible à un examen personnel de Norman Hay. Robert pourra vous emmener tout près de la maison de Hay comme il en avait déjà eu l’intention et vous pourrez faire l’essai cette nuit même.

« — Vous semblez oublier vos propres paroles. Ne m’avez-vous pas dit que je devrais toujours être prêt à agir si vous découvriez notre fugitif ? répondit le détective. Mieux vaut à mon avis s’en tenir au système du vaccin que nous avons commencé en attendant que les preuves viennent s’offrir à nous. »

— Je ne vais quand même pas déclencher une épidémie de malaria dans toute l’île uniquement pour vous faire plaisir, répondit le docteur. Et pourtant, vous devez avoir raison. Essayons donc un autre vaccin, et ne me dites pas cette fois-ci que vous en aimez le goût, car cela coûte trop cher pour se l’offrir comme petite douceur. À propos, dit le médecin en remplissant la seringue, est-ce que Norman n’était pas un de ces passagers clandestins qui sont venus récemment ?

— C’est exact, répondit Bob, mais primitivement cette idée venait de Rice qui s’est dégonflé à la dernière minute, du moins c’est ce que l’on m’a dit. »

L’air pensif, Seever fit la piqûre, puis déclara :

« Peut-être le fugitif est-il resté quelque temps avec Teroa, puis est passé chez Hay. Tous deux ont certainement dormi très près l’un de l’autre pendant qu’ils se cachaient sur le navire.

— Mais pourquoi aurait-il changé d’hôte ?

— Il pouvait penser que les chances d’aller à terre étaient plus grandes avec Hay. Souvenez-vous que celui-ci a toujours déclaré qu’il avait entrepris ce voyage dans l’unique dessein d’aller visiter les musées de Tahiti.