« Vous avez posé le grillage ? demanda celui-ci.
— Oui. On a d’abord agrandi un peu le trou. Il a une vingtaine de centimètres à présent, précisa Hay. J’ai pu avoir un peu de ciment et de la toile de cuivre. C’est solide maintenant. Le gros grillage servira de support et la toile empêchera les poissons les plus petits d’aller se balader ailleurs.
— Pourquoi ? Tu as de nouveaux pensionnaires ? Et tes photos en couleurs ? Quand as-tu l’intention de les prendre ?
— Hugh a rapporté deux anémones de mer, et on peut lui voter des remerciements à l’unanimité. J’aurais mieux être pendu que de toucher à ces trucs là.
— En tout cas, je ne recommencerai pas, affirma Hugh Colby. Je croyais qu’elles se refermaient simplement lorsque quelque chose de gros passait à leur portée, c’est bien ce qu’a fait la première, mais l’autre… Brr ! »
Il tendit sa main droite et Bob poussa un petit sifflement de sympathie. L’intérieur du pouce et les deux premiers doigts étaient couverts de petits points rouges, là où les poils de l’anémone avaient pénétré dans la peau. Toute la main jusqu’au poignet était enflée et à voir avec quelles précautions Colby remuait son bras on pouvait juger de la douleur.
« J’ai déjà été piqué par des bestioles semblables, déclara Bob, mais jamais à ce point. Quelle espèce est-ce donc ?
— Je n’en sais rien. Tu demanderas au professeur demain. En tout cas c’étaient des grosses, mais dorénavant, grosses ou petites, Hay s’occupera tout seul du recrutement pour son aquarium ! »
Bob paraissait songeur ; il trouvait vraiment curieux que tous ces événements eussent pu se produire le même jour, et pourtant quatre ou cinq des principaux suspects étaient déjà éliminés. On ne pouvait pas sortir de là ! Sans aucun doute, si Hugh avait pu transporter une des anémones sans se faire piquer on aurait pu le soupçonner d’être l’hôte du fugitif, car en admettant même que celui-ci soit demeuré indifférent à la douleur de l’homme qui l’abritait, il n’aurait certainement pas voulu que celui-ci fût obligé de rester plusieurs jours sans se servir de sa main.
En procédant par élimination on s’apercevait que, de toute la liste, seul Norman Hay demeurait au premier plan.
Bob décida d’en parler au Chasseur dès que possible.
Jusque-là toutefois, il ne devait rien laisser paraître de ses intentions.
« Savez-vous ce qu’est devenu Tout-Petit ? demanda-t-il.
— Non, que lui est-il arrivé ? » répliqua Rice.
Tout au plaisir d’apporter une nouvelle sensationnelle, Bob oublia sur-le-champ cette préoccupation.
Il raconta avec force détails la maladie de leur camarade et s’étendit sur la réaction du docteur qui ne parvenait pas à imaginer où Tout-Petit avait pu attraper la malaria. Tous semblaient fortement impression nés et Hay paraissait même un peu mal à l’aise. L’intérêt qu’il portait aux questions de biologie lui avait permis d’acquérir certaines connaissances sur la propagation des maladies contagieuses.
« Je crois que nous ferions bien de voir un petit peu dans les bois s’il n’y a pas de mares ou de l’eau stagnante, proposa-t-il. Il faudrait y verser du pétrole ou s’arranger pour les faire disparaître. S’il y a de la malaria dans l’île, nous sommes tous en danger si des moustiques vont piquer Tout-Petit.
— On pourrait toujours demander au docteur, répondit Bob, moi je crois que c’est une bonne idée. En tout cas, ce sera un drôle de boulot.
— Et alors ? Je préfère ça plutôt que d’attraper la malaria. J’ai lu des bouquins là-dessus et ça n’a pas l’air d’être drôle.
— Je me demande si on pourra voir Tout-Petit, déclara Rice. Pour cela aussi il faudra demander au médecin.
— Allons-y tout de suite.
— Je voudrais d’abord savoir l’heure, car j’ai l’impression qu’il est tard. »
Cette idée parut raisonnable à tout le monde, et leur bicyclette à la main ils attendirent devant chez Hay que celui-ci les renseignât sur cette importante question, car leurs parents ne plaisantaient pas avec l’heure des repas. Quelques instants plus tard le visage de Hay apparut à la fenêtre et il lança :
« On va se mettre à table. Je vous retrouve tout à l’heure devant chez Bob. D’accord ? »
Et sans attendre la réponse, il disparut.
Rice semblait assez ennuyé et il déclara :
« S’il est juste à l’heure, je suis déjà en retard. Hâtons-nous et si je ne suis pas au rendez-vous après le dîner vous saurez pourquoi. »
Il avait à peu près un kilomètre à faire pour rentrer chez lui, ainsi que Bob. Colby lui-même, qui habitait tout près de chez Hay, ne perdit pas de temps et tous trois s’engagèrent à vive allure sur la route. Bob ne savait pas ce qui s’était passé chez ses camarades, mais quant à lui il dut préparer son repas et faire sa vaisselle. Lorsqu’il put enfin sortir, il ne trouva que Hay. Ils attendirent un moment sans qu’aucun de leurs camarades n’apparût. Depuis quelque temps déjà des menaces étaient suspendues au-dessus de leur tête, à cause de ces retards à l’heure des repas, et selon toute apparence l’exécution avait eu lieu.
Norman et Robert décidèrent finalement qu’il était inutile d’attendre plus et se dirigèrent vers la maison du médecin. Comme à l’accoutumée, celui-ci était là.
« Salut, messieurs, entrez. J’ai l’impression que les affaires reprennent. Que puis-je pour vous ?
— Nous nous demandons si Tout-Petit peut recevoir des visites, expliqua Hay. Nous venons d’apprendre qu’il est malade et avant d’aller chez lui nous voulions vous poser la question.
— Excellente idée et à vrai dire je ne vois aucun inconvénient à ce que vous alliez voir votre copain. Vous ne risquez pas d’attraper la malaria en respirant l’air de sa chambre. D’ailleurs il n’est pas très malade. Heureusement, nous avons des médicaments qui atténuent beaucoup les effets de la maladie. Sa température a déjà bien baissé et je suis persuadé qu’il sera tout heureux de vous voir.
— Merci beaucoup, docteur », répondit Bob qui ajouta : « Norman, si tu yeux que nous y allions ensemble, attends-moi une minute, je voudrais demander un renseignement au docteur.
— Oh ! j’ai l’habitude d’attendre », répliqua Hay d’un ton sec.
Bob sursauta un peu en entendant le ton de son camarade et ne sut quelle contenance prendre durant un instant. Le médecin vint à la rescousse.
« Bob veut parler de sa jambe et, de mon côté je préfère examiner les malades sans témoin. Cela ne te fait rien, j’espère ?
— Pas du tout… enfin… je voulais… vous demander également quelque chose.
— Je vais faire un petit tour pendant ce temps-là, déclara Bob en se levant.
— Pas la peine. Cela peut t’intéresser également, et puis cela risque d’être un peu long. Mets-toi dans un coin. » Et se tournant vers le docteur Seever, il demanda : « Docteur, pouvez-vous me dire ce que l’on ressent lorsqu’on a la malaria ?
— Je ne l’ai jamais eue, Dieu merci, mais en général, le malade commence à trembler. Puis les tremblements cessent et l’on passe alors par des alternatives de fièvre et de calme. La sudation est toujours abondante avec de brusques montées de température, assez fortes pour amener le délire. L’évolution de la maladie obéit à des règles assez bien définies et se poursuit selon le cycle d’existence du protozoaire responsable de cette maladie. Lorsque de nouveaux microbes prennent naissance et se développent, tout recommence avec les mêmes manifestations.
— La fièvre et les frissons sont-ils toujours assez graves… enfin suffisamment pour que le malade ne s’aperçoive plus de rien ou au contraire les accès peuvent-ils être très espacés ? »