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Le docteur fronça les sourcils en entrevoyant où voulait en venir le jeune garçon. Bob s’efforçait de dissimuler son agitation et il avait beaucoup de mal à demeurer calme, car il avait d’autres raisons que le docteur d’être surpris.

« Parfois, répondit Seever, la maladie semble être en sommeil durant un temps plus ou moins long et l’on a vu des malades qui demeuraient un an sans avoir de nouvelles attaques. On a beaucoup discuté sur cette question et l’on en discute encore, mais personnellement je n’ai jamais connu de gens qui, une fois atteints, n’aient pas présenté de nouveaux symptômes par la suite. »

Hay semblait inquiet et l’on sentait qu’il avait du mal à formuler sa phrase suivante.

« Docteur, dit-il enfin, Bob m’a dit que vous ne saviez pas où Tout-Petit pouvait avoir attrapé cela. Je sais, naturellement, que la maladie est transmise par les moustiques, mais il faut bien qu’ils prennent les microbes sur quelqu’un ayant déjà la malaria, et… je crois bien que c’est moi qui suis responsable !

— Mon petit, j’étais déjà dans cette île lorsque tu as poussé ton premier cri et je t’ai toujours suivi. Tu peux me croire, tu n’as jamais eu la malaria.

— Je n’ai jamais été vraiment malade, mais je me souviens fort bien d’avoir eu des accès de fièvre entrecoupés de tremblements comme ceux dont vous venez de nous parler. Ils ne duraient jamais bien longtemps et n’étaient pas assez forts pour que je m’inquiète. Je trouvais cela bizarre, c’est tout. Je n’en ai d’ailleurs jamais parlé à personne, car je n’y attachais guère d’importance et je ne voulais pas me plaindre pour si peu de chose. Cependant, lorsque Bob m’a parlé de tout cela cet après-midi, je me suis souvenu de ce que j’avais lu à ce sujet et j’ai fait le rapprochement. J’ai jugé qu’il était préférable de vous en parler. Avez-vous un moyen de savoir si je l’ai ou non ?

— Je trouve ton idée complètement idiote, mon petit. Je ne prétends pas être un expert en ce qui concerne la malaria dont les cas sont heureusement rares dans cette île, mais je ne me souviens pas d’avoir jamais entendu citer un cas où la maladie aurait été aussi discrète que chez toi. Néanmoins, si cela te fait plaisir, je peux te faire une prise de sang et rechercher notre fameux microbe !

— Je ne demande que cela ! »

Le docteur s’exécuta. Lui et Bob ne savaient pas s’il fallait s’étonner ou être inquiet en entendant les paroles de Norman. Si par hasard le jeune garçon avait raison et qu’il fût véritablement atteint, il fallait le rayer aussitôt de la liste des suspects. De plus sa conduite actuelle cadrait mal avec son caractère et ce que l’on savait de lui. Le docteur était très étonné de rencontrer un tel sens de l’analyse et une telle conscience chez un garçon de quatorze ans qui n’avait jamais montré auparavant un si grand souci de ses semblables. Bob, de son côté, ne comprenait plus rien car il avait toujours considéré Norman comme un camarade plus jeune que lui et peu capable de réfléchir. Une telle conduite cadrait mal avec ce que l’on savait de lui, et si le malade n’avait pas été l’un de ses meilleurs amis, Hay ne se serait certainement pas donné la peine de rassembler ses souvenirs d’enfance et encore moins d’en parler au médecin. Pour l’instant, sa conscience l’inquiétait, mais l’on pouvait présumer que s’il n’était pas venu voir le docteur ce soir-là, il aurait certainement changé d’avis le lendemain et n’en aurait pas parlé sans discerner les raisons qui l’avaient poussé à venir. Il était, maintenant, aussi inquiet que le docteur Seever de savoir s’il était ou non responsable de la maladie de Malmstrom. Néanmoins, il avait l’impression réconfortante de faire ce qu’il pouvait pour aider son camarade.

« Il va me falloir à présent un certain temps pour l’analyse, dit le docteur. Si par hasard tu l’avais, ce ne pourrait être que sous une forme très anodine. Si cela ne t’ennuie pas, je voudrais examiner d’abord la jambe de Bob. »

Malgré son désappointement visible au souvenir des premières paroles échangées, Norman acquiesça et se dirigea à contrecœur vers la porte en lançant à Bob : « Ne reste pas trop longtemps, j’ai hâte de savoir. » La porte à peine refermée, Bob se tourna vers le docteur pour lui dire précipitamment :

« Ne vous occupez pas de ma jambe, docteur, si tant est que ce ne soit un prétexte… Voyons d’abord ce que va donner l’analyse. Si les craintes de Norman sont justifiées, il faudra le rayer aussi de la liste des suspects.

— C’est bien ce à quoi j’ai pensé, répondit le docteur. Tu n’as pas vu que je prenais beaucoup plus de sang qu’il ne fallait ? J’ai envie de demander au Chasseur de l’examiner.

— Mais il ne connaît peut-être pas le microbe de la malaria.

— S’il le faut, j’irai en prendre chez Malmstrom pour lui permettre de comparer. Je vais faire une plaque tout de suite pour le passer au microscope. Le seul ennui est que je ne racontais pas de blague en parlant du caractère, sans doute bénin, de sa maladie. Je peux très bien faire des douzaines et des centaines de préparations sans découvrir le microbe et c’est pour cela que je voulais demander au Chasseur d’examiner tout le tube de sang. Là où il me faudrait des heures, il lui suffira d’une minute. Je me souviens de ce que tu m’as raconté sur la neutralisation des leucocytes qu’il avait réalisée dans ton sang. S’il a pu y arriver, il pourra, à plus forte raison, jauger toutes les cellules sanguines en un rien de temps. »

Le docteur alla prendre un microscope et d’autres appareils nickelés et se mit au travail.

Après avoir étudié deux ou trois lames, il leva la tête et déclara :

« Je ne trouve rien, mais c’est peut-être parce que je ne m’attends pas à découvrir quelque chose. »

Il se pencha de nouveau sur le microscope et Bob pensa que Norman en avait sans doute assez d’attendre et qu’il s’en irait voir Malmstrom tout seul. Seveer releva encore une fois la tête et dit :

« C’est incroyable, mais il est fort possible qu’il ait dit vrai… Il y a une ou deux cellules sanguines qui semblent avoir été attaquées par un microbe agissant comme celui de la malaria. J’ai vu un tas de choses, mais pas le microbe que je cherche. Je ne cesse jamais de m’étonner en découvrant l’incroyable variété des corps étrangers existant dans le système sanguin de l’être le mieux portant. Si toutes les bactéries que j’ai localisées quelques minutes pouvaient se reproduire en toute liberté, Norman aurait en très peu de temps la typhoïde, deux ou trois sortes de gangrènes extrêmement pernicieuses, une attaque d’encéphalite et au moins une bonne demi-douzaine d’infections diverses. Et pourtant, il se promène frais et rose avec pour toute manifestation quelques attaques de fièvre dont il ne se souvient même pas. Je suppose que tu… »

Il s’arrêta brusquement. On aurait cru que l’idée qui venait de germer dans le cerveau de Bob venait de le frapper également.

« Bon Dieu ! Malaria ou pas malaria, il y a certainement une maladie qu’il n’a pas. Je m’esquinte les yeux depuis plus d’une demi-heure à mettre un nom sur tout ce que je découvre alors que… Je suis vraiment idiot, Bob, tu ne trouves pas ? Mais si, tu peux me le dire ! Je vois bien que tu avais pensé à cela bien avant que je t’en parle. »

Il garda le silence pendant quelques instants en secouant la tête, puis reprit : « Ce serait un examen merveilleux, mais je ne peux quand même pas trouver un prétexte pour faire des prises de sang à tout le monde dans l’île. Dommage, car on saurait immédiatement à quoi s’en tenir. En effet, j’imagine mal le criminel lâchant une bordée de microbes dans le sang de son hôte dans le seul but de dissimuler sa présence… Il ne nous reste donc plus qu’un seul suspect sur la liste et j’espère que nous n’avons pas fait d’erreur dans notre élimination.