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— Je me rends compte que rien de ce que je pourrai dire, ne te fera changer d’avis et je préfère m’en aller », répondit le Chasseur.

Sans autre commentaire il se retira, et en quelques minutes se glissa jusqu’à la chambre de Bob. Un moment, il avait espéré que M. Kinnaird s’éveillerait, mais à la réflexion il n’en aurait guère tiré d’avantages, car il n’était pas sûr que le père de Bob eût compris tout de suite ce qu’il devait faire.

Le Chasseur était furieux de s’être laissé prendre ainsi. Dès qu’il avait eu l’impression que M. Kinnaird était l’hôte du fugitif, il avait été certain que l’accident de l’appontement provenait de l’intervention volontaire du Criminel qui avait agi sur la vue et les mouvements de son hôte. Il pouvait donc en conclure que le secret de Bob avait été percé à jour et le plan du docteur ne faisait même pas allusion à M. Kinnaird. Il venait d’apprendre qu’il s’était trompé sur toute la ligne. Le Criminel n’avait, selon toute apparence, aucun soupçon sur l’endroit où se cachait le Chasseur, et à présent celui-ci avait donné assez de renseignements au fugitif pour qu’il devinât aisément qui était la créature humaine qui lui servait d’hôte. À présent il ne pouvait même plus abandonner Bob l’espace d’une minute, car le Criminel profiterait de la moindre possibilité. Le Chasseur se devait de demeurer avec le jeune garçon qu’il avait mis en danger afin de le protéger dans toute la mesure du possible.

Tout en rentrant dans le corps de Bob, toujours endormi, le Chasseur se demandait s’il devait mettre le garçon au courant de la situation et l’avertir des dangers qu’il courait. Les deux positions présentaient des avantages. En effet, le fait de savoir que son père était impliqué dans cette affaire pouvait ralentir sérieusement les ardeurs de Bob, mais d’un autre côté en le laissant dans l’ignorance il pouvait très bien ne pas se donner toute la peine nécessaire pour mener à bien leur tâche. Dans l’ensemble le Chasseur penchait plutôt pour tout raconter à son hôte et il se reposa dans un état voisin du sommeil avec cette idée en tête.

Bob prit très bien la nouvelle. Il fut, naturellement, surpris et ennuyé, bien que son inquiétude semblât plutôt s’appliquer à son père qu’à lui-même. Il avait l’esprit assez rapide pour comprendre la situation où se trouvait le Chasseur et il ne lui en voulut pas de lui avoir tout raconté. Il fut également d’accord sur la nécessité d’agir très vite et souleva même une question que le Chasseur n’avait pas envisagée : la possibilité pour leur ennemi de quitter le corps en pleine nuit. Bob fit remarquer alors qu’il ne saurait jamais d’une façon très précise qui de son père ou de sa mère abriterait le criminel.

« Je ne pense pas que cette question doive nous préoccuper beaucoup, dit le Chasseur. Tout d’abord notre fugitif se croit beaucoup trop en sûreté pour se donner la peine de changer d’hôte et d’autre part, s’il le faisait, il serait très facile de s’en apercevoir. Votre père, brusquement privé de la protection dont il jouit depuis des mois, ne manquerait pas de remarquer qu’il n’est plus à l’abri de rien, s’il continuait à être aussi imprudent.

— Vous ne m’avez toujours pas dit comment vous êtes parvenu à remarquer papa parmi les suspects possibles.

— C’est pourtant assez simple et cela découle tout naturellement de la ligne de raisonnement que j’avais ébauchée devant vous. Nous savons que notre fugitif a pris pied sur les rochers. Le signe le plus proche de civilisation était représenté par l’un des réservoirs à peine distant d’une centaine de mètres. Il devait, évidemment, avoir nagé jusque-là, c’est ce que je n’aurais pas manqué de faire dans un tel cas. Les seules personnes à visiter régulièrement les réservoirs, sont, comme vous le savez, les conducteurs des barges qui emmènent les résidus servant d’engrais.

« Le criminel n’avait sans doute pas eu la possibilité de pénétrer dans l’un de ces hommes, mais il pouvait fort bien partir avec la barque. Cela nous menait alors aux alentours du champ où l’engrais est en général épandu. Je n’avais plus qu’à découvrir quelqu’un qui eût dormi non loin de là.

« Restait la possibilité qu’il ait franchi la colline pour s’approcher des habitations et dans ce cas nous aurions dû rechercher dans toutes les maisons de l’île. Pourtant votre père a formulé l’autre jour une remarque, impliquant qu’il devait avoir dormi ou au moins s’être reposé quelque temps sur la colline qui domine les nouveaux réservoirs. Il devenait automatiquement l’une des personnes suspectes que je devais examiner au plus tôt.

— Cela paraît très facile à présent, répondit Bob, mais je n’y aurais jamais pensé. Enfin, il va falloir que nous prenions une décision rapide à présent. Avec un peu de chance, il va rester dans papa jusqu’au moment où il aura découvert où vous vous trouvez. L’ennui, c’est que nous n’avons aucun produit qui puisse l’obliger à quitter un corps. Vous ne voyez pas quelle serait la substance qui pourrait agir sur un de vos semblables pour le contraindre à disparaître ?

— Vous connaissez quelque chose qui vous forcerait à quitter votre maison ? demanda le Chasseur. Il existe certainement un grand nombre de produits répondant à ce besoin, mais tous doivent à présent venir de la Terre. Il n’est plus question d’intervention de l’autre planète. Vous avez donc autant de chances que moi d’inventer ou de découvrir, par hasard, ce qui pourrait délivrer votre père. Si j’étais à la place de ce criminel, sans aucun doute je n’en bougerais jamais, c’est l’endroit le plus sûr pour lui. »

Bob acquiesça tristement et descendit pour le petit déjeuner. Il s’efforça de paraître aussi normal que possible, même lorsque son père apparut. Il pensa soudain que le Criminel n’aimerait peut-être pas beaucoup découvrir qu’il aidait volontairement le Chasseur.

L’esprit très occupé, il se mit en route pour aller à l’école. Bien que n’en ayant pas parlé au Chasseur, il se trouvait à présent devant deux problèmes à résoudre en même temps, ce qui, sans doute, constituait un handicap sérieux.

XX

PROBLEME N°2 ET SOLUTION

À l’extrémité de la jetée conduisant à l’appontement, Bob s’arrêta brusquement pour poser une question au Chasseur. Il venait d’avoir cette idée et ne voulait pas attendre plus longtemps pour en faire part à son invité invisible.

« Si nous parvenons à rendre la situation impossible à votre Criminel et qu’il soit obligé de quitter mon père, comment s’en irait-il ? Enfin, je veux dire, pourrait-il se séparer de lui sans lui faire de mal ?

— Je le pense. Il s’en irait simplement. Il peut, en mettant les choses au pire, tisser un écran épais devant les yeux de votre père pour l’empêcher de voir, ou même le paralyser complètement.

— Mais vous m’avez dit vous-même que vous n’étiez pas sûr de la durée de l’effet de cette paralysie.

— Avec les créatures de votre espèce je ne peux pas me prononcer », précisa le Chasseur qui ajouta : « Je vous ai déjà expliqué pourquoi.

— Je m’en souviens et c’est même pour cela que je vous demande de faire un essai sur moi. Vous pourrez le faire dès que nous serons dans les bois et que personne ne pourra plus nous voir de la route. »