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Avant que l’appareil ne commençât à amorcer les virages qui devaient lui faire perdre de la hauteur, le Chasseur eut tout loisir pour y réfléchir. Au moment de la descente, ils entrèrent dans un gros nuage et le Chasseur ne put voir où il se trouvait avant de toucher le sol. Il nota d’ailleurs, à ce moment-là, que les humains devaient posséder des facultés dont les siens étaient dépourvus, à moins que leurs instruments n’aient été particulièrement perfectionnés, car la descente à travers le brouillard s’effectua aussi doucement que le vol en ligne droite. Subitement à travers une éclaircie, le Chasseur découvrit une vaste ville construite auprès d’un port qui paraissait très actif. Le bruit des moteurs devint plus aigu et deux grosses roues descendirent lentement sous les ailes. L’appareil entra bientôt en contact avec une longue piste dure située non loin du port.

Une fois à terre, Robert se retourna pour jeter un coup d’œil sur l’appareil, et le Chasseur put avoir alors une idée plus exacte des dimensions et de l’allure générale de l’avion. Il ne savait rien de la puissance développée par les quatre gros moteurs, mais comprit malgré tout en voyant l’air chaud qui montait au-dessus d’eux, qu’ils n’avaient rien de commun avec les convertisseurs employés par les siens et leurs alliés. Le jeune garçon prit ensuite un autobus qui fit le tour du port pour gagner la ville. Il fit quelques pas, puis entra dans un cinéma. Le Chasseur apprécia pleinement le film. Sa persistance rétinienne étant à peu près la même que celle de l’œil humain, il vit véritablement un film et non pas une suite d’images séparées. Il faisait encore grand jour lorsqu’ils quittèrent la salle obscure et Bob se dirigea vers la station des autobus.

Le voyage s’annonça comme devant être très long. Le véhicule sortit bientôt de la ville et traversa plusieurs agglomérations plus petites. Le soleil était presque couché lorsqu’ils descendirent.

Un petit chemin de traverse bordé de part et d’autre de pelouses soigneusement entretenues s’élevait doucement au flanc d’un coteau au sommet duquel se dressaient quelques maisons. Robert prit ses bagages et s’engagea sur le chemin. Le Chasseur espérait que ce voyage était enfin terminé, car il se trouvait déjà trop loin de l’endroit où avait disparu le fugitif qu’il poursuivait.

Pour le garçon, le retour à l’école, le choix d’une chambre et la rencontre de vieux camarades n’avaient rien d’extraordinaire. Mais, en revanche, le Chasseur se trouva vivement intéressé par tous les mouvements de son hôte et par le spectacle nouveau qui s’offrait à ses yeux.

Il n’avait pas l’intention de se livrer, pour l’instant du moins, à une étude détaillée de la race humaine, mais une vague impression lui annonçait que sa mission serait beaucoup plus compliquée cette fois et qu’il serait sans doute obligé de se servir de toutes les connaissances et découvertes qu’il serait à même de faire. Il ne savait pas encore qu’il se trouvait à présent dans l’endroit idéal pour apprendre ce qu’il ignorait.

Il regarda et écouta avec beaucoup d’attention pendant que Bob allait dans sa chambre déposer sa valise, et faisait un tour dans la maison pour retrouver les amis de l’année passée. Le Chasseur essayait de donner un sens au flot de mots qui ne cessait de s’écouler de la bouche de tous. Mais cette tâche se révéla particulièrement difficile, car la plupart des conversations roulaient sur les événements des vacances passées et en général les mots n’évoquaient rien pour lui. Il apprit pourtant les noms de famille des diverses personnes que Bob rencontra ce soir-là.

Au bout de quelques heures, il décida que le problème le plus urgent était de s’attaquer au langage. Pour l’instant il ne pouvait strictement rien faire concernant la réalisation de sa mission, et espérait qu’en comprenant mieux ce qui se disait autour de lui, il finirait bien par apprendre à quelle date son hôte avait l’intention de retourner à l’endroit de leur rencontre. Jusqu’à ce jour, le Chasseur était purement et simplement hors du jeu et ne pouvait rien faire pour essayer de parvenir à détruire le fugitif qu’il avait perdu de vue.

Le Chasseur passa donc les heures de sommeil de Robert à se souvenir des quelques mots appris, en s’efforçant d’en tirer quelques règles grammaticales et de mettre sur pied un système lui permettant d’en apprendre davantage le plus rapidement possible. Il peut sembler étrange qu’un être totalement incapable de contrôler ses déplacements pût penser à faire des projets, mais il faut se souvenir de la grandeur extraordinaire de son angle de vision. Il était capable de déterminer dans une certaine mesure ce qu’il voyait, et par là même, sentait qu’il devait parvenir à choisir ce qu’il y avait d’intéressant à découvrir.

Il aurait été infiniment plus simple pour lui de contrôler les mouvements de son hôte par un moyen quelconque ou d’interpréter et d’influencer les innombrables réactions qui traversaient son système nerveux. Dans le passé il contrôlait le périt, indirectement du moins, car les petites créatures avaient été dressées à répondre aux influx envoyés à leurs muscles, un peu comme un cheval est habitué à répondre à la pression des rênes. Le peuple d’où venait le Chasseur se servait des périts pour accomplir les actions que leurs corps semi-liquides ne pouvaient faire par manque de force. Ils s’en servaient également pour aller dans les endroits où ils n’auraient pu se rendre seuls, tels que l’intérieur du petit bolide qui avait conduit le Chasseur sur la Terre. Malheureusement Robert Kinnaird n’était pas un périt et on ne pouvait pas le traiter comme tel. Pour l’instant, il n’y avait aucun espoir d’influencer ses actes et s’il restait une chance d’y parvenir, il faudrait faire appel à la raison du garçon, plutôt que de songer à une solution de force. Le Chasseur était donc un peu dans la situation du spectateur de cinéma qui souhaiterait changer l’intrigue du film.

Les classes commencèrent le lendemain de leur arrivée. Le Chasseur comprit immédiatement quel en était le but, tout en trouvant particulièrement obscurs la plupart des sujets traités. Bob suivait les cours de français, de physique, de latin et d’anglais, et, de ces quatre matières, la physique se révéla la plus utile pour permettre au Chasseur de se familiariser avec le langage courant. On comprend très facilement pourquoi.

Bien que le Chasseur ne fût pas un savant, il possédait quelques connaissances scientifiques. On ne peut quand même pas diriger une machine inter-spaciale sans savoir un peu comment elle marche ! Les principes élémentaires de la physique sont toujours les mêmes. Si les signes conventionnels de représentation adoptés par les auteurs des livres de Bob étaient différents de ceux en vigueur chez le peuple du Chasseur, il était néanmoins facile de comprendre les graphiques. Ceux-ci sont en général accompagnés d’explications écrites qui furent la clef ouvrant au Chasseur la compréhension d’un grand nombre de mots. Le rapport qui existait entre le langage écrit et parlé fut également révélé au Chasseur au cours d’une classe de physique pendant laquelle le professeur se servit de courbes abondamment pourvues de lettres pour expliquer un problème de mécanique. L’élève invisible comprit brusquement le rapport entre les sons et les lettres. Quelques jours plus tard, il était à même de se représenter l’écriture de tous les nouveaux mots entendus, sauf évidemment de ceux dont la transcription revêtait une de ces formes bizarres si courantes dans la plupart des langues.