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Les courants d’air ? Parvenait-elle à percevoir les lents mouvements de l’air dans les couloirs ? Lui ne pouvait entendre l’air que quand il était violemment agité par le passage d’une lance ou d’une flèche !

Cette fois-ci, ce fut Della qui fit un faux pas. Elle tomba sur lui, lui faisant perdre l’équilibre, et ils heurtèrent la paroi ensemble.

Elle se blottit contre lui. Il sentit la chaleur de son haleine et la douceur déchirante de son corps contre le sien.

Il la retint contre lui, et elle murmura :

— Oh Jared ! nous allons être tellement heureux ensemble ! Jamais deux personnes n’ont eu plus de choses en commun !

Sa joue était lisse contre son épaule et ses cheveux reposaient sur son bras comme une caresse, dansant à chacun de ses mouvements.

Laissant tomber ses javelots, il toucha son visage et sentit le rythme régulier de ses traits fermes et purs. Sa taille souple et fine épousait tout naturellement le creux de sa main et il sentait la courbe harmonieuse de ses hanches.

C’était la première fois qu’il se rendait compte qu’elle représentait pour lui bien plus qu’un moyen d’atteindre son but. Il était certain qu’il avait eu tort de croire qu’elle essayait de le tromper ; il en était si sûr qu’il se surprit à penser qu’il aimerait abandonner tous ses projets pour s’établir avec elle dans un des lointains mondes mineurs.

Mais la froide logique reprit le dessus et il ramassa ses javelots pour se remettre en route. Della était une Ziveuse ; lui non. Elle serait heureuse chez les Ziveurs, et il devrait se contenter de sa quête de Lumière – s’il survivait à son intrusion téméraire dans leur monde.

— Est-ce que tu zives en ce moment, Della ? lui demanda-t-il avec précaution.

— Oh ! je zive tout le temps ; bientôt tu en feras autant, toi aussi.

Il écouta intensément dans l’espoir de découvrir quelque indiscernable changement dans l’entourage de la jeune fille. Mais il n’entendit rien. La modification qu’il cherchait à percevoir était sans doute si légère qu’il ne pourrait la détecter que quand la présence d’un grand nombre de Ziveurs aurait un effet cumulatif. Mais pourquoi ne pas user d’une approche plus directe ?

— Dis-moi, Della, que penses-tu d’Obscurité ?

Il put entendre l’écho de son air renfrogné lorsqu’elle répéta sa question, ajoutant sur un ton dubitatif :

— Obscurité abonde dans les mondes…

— Le mal, le péché, n’est-ce pas ?

— Bien sûr ! Quoi d’autre ?

Il était évident qu’elle ne savait rien d’Obscurité. Ou, même si elle pouvait la percevoir, elle ne la reconnaissait pas pour ce qu’elle était.

— Pourquoi t’intéresses-tu tellement à Obscurité ? Il improvisa une réponse.

— Je pensais justement que ziver doit être opposé à Obscurité… que c’est une bonne chose.

— Bien sûr que c’est une bonne chose ! affirma-t-elle.

Elle le suivit sur les bords d’une légère dépression, puis le long d’une rivière qui jaillissait du sol.

— Comment une chose aussi belle pourrait-elle être mauvaise ?

— C’est… beau ?

Il essaya de supprimer l’inflexion de la dernière syllabe. Néanmoins, sa phrase ressemblait plus à une interrogation qu’à une affirmation.

Della parlait maintenant d’une voix vibrante d’émotion.

— Ce roc au-dessus de nous… zive comme il se détache sur le fond de terre froide, comme il est chaud et doux ! Maintenant, il a disparu, mais il va revenir dans un instant, dès que ce souffle d’air chaud sera passé. Le revoilà !

Il resta bouche bée. Comment ce rocher pouvait-il être là, puis disparaître l’instant suivant ? Il n’avait jamais cessé de lui renvoyer les échos des clic de ses pierres, il n’avait pas bougé d’une largeur de doigt !

Entendant que le passage devenait large et allait en ligne droite, il rangea ses pierres.

— Tu zives maintenant, n’est-ce pas, Jared ? Dis-moi ce que tu zives.

Il hésita. Puis, impulsivement :

— Là-bas, dans la rivière… je zive un gros poisson qui se détache nettement sur le fond de la rivière.

— Ce n’est pas possible, dit-elle avec scepticisme, je ne le zive pas, moi !

Mais il était là ! Il pouvait entendre le mouvement des nageoires qui le maintenaient immobile contre le courant.

— Il est là, je t’assure !

— Un poisson n’est ni plus chaud ni plus froid que l’eau qui l’entoure. Je n’ai jamais pu ziver quoi que ce soit dans l’eau, même pas une chose que je viens d’y jeter.

Il répondit crânement pour couvrir sa bévue.

— Moi, je peux ziver les poissons. Je zive peut-être autrement que toi.

Elle était audiblement peinée.

— Je n’avais pas pensé à cela ! Oh, Jared ! Et si je n’étais pas vraiment une Ziveuse ?

— Mais si, Della, tu es une Ziveuse, c’est certain, lui répondit-il avant de s’enfoncer dans un silence inquiet.

Comment pouvait-il espérer être plus malin qu’un Ziveur ?

Il entendit de nouveau le bruit redoutable des ailes de cuir et s’étonna que des sons aussi distincts puissent échapper à la jeune fille. Les créatures avaient atteint une partie élargie du couloir et, profitant de l’espace, volaient vers eux de toutes leurs ailes. Il s’arrêta un instant pour écouter plus attentivement. Il était clairement audible que leur nombre avait au moins doublé.

— Qu’y a-t-il, Jared ? demanda Della soudain inquiète de son silence. Une des créatures fit entendre son cri strident.

— Des fauves-souris ! s’exclama-t-elle.

— Il n’y en a qu’une, dit-il pour ne pas l’alarmer.

Avec un peu de chance, ils parviendraient peut-être à les distancer.

— Marche devant, Della. Je reste derrière dans le cas où elle passerait à l’attaque.

Il se félicita de l’avantage temporaire que la situation lui procurait. Il n’avait plus besoin de prouver sans cesse qu’il zivait. Il la tenait par la main et n’avait plus qu’à se laisser guider. Pourtant, quelques bruits de voix seraient les bienvenus pour lui donner des impressions plus précises. Il reprit donc la conversation.

— Quand tu me conduis ainsi par la main, dit-il avec enjouement, tu me rappelles Bonne survivante.

— Qui est-ce ?

Tout en suivant Della le long d’un rebord qui surplombait la rivière, il lui parla de la femme qui, dans ses rêves d’enfance, l’emmenait jouer avec le petit garçon qui vivait avec elle.

— Petite oreille ? répéta-t-elle. C’est le nom de ce garçon ?

— Oui, dans mes rêves. Il ne pouvait entendre que les cris silencieux de certains grillons.

— S’ils étaient silencieux, comment savais-tu que ces grillons faisaient du bruit ?

Elle le guida autour d’un petit puits.

— Je me souviens qu’elle m’affirmait que ces bruits existaient vraiment, mais que seul Petite oreille pouvait les entendre. Elle ne les percevait qu’en écoutant dans son esprit.

— Elle pouvait écouter dans son esprit ?

— Sans aucune difficulté !

Il eut un petit rire étouffé pour indiquer qu’il n’était pas dupe de l’absurdité de son imagination.

— C’est ainsi qu’elle communiquait avec moi. Elle pouvait pénétrer dans l’esprit de n’importe qui, n’importe quand – sauf dans l’esprit des Ziveurs.

Della s’arrêta devant une colonne de pierre.

— Mais tu es un Ziveur, et elle a pourtant atteint ton esprit ! Comment expliques-tu cela ?

Voilà ! Il avait commis une nouvelle gaffe rien qu’en parlant de choses et d’autres pour pouvoir entendre son chemin. Mais il se reprit vite.