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— La fauve-souris ? demanda Owen avec anxiété.

— Elle se cache, dit Jared entre deux clic.

Puis, pour que son ami ne pense plus au danger, il poursuivit :

— Laisse-moi apprécier ta valeur. Dis-moi ce que tu entends.

— Une Radiation de grand monde !

— Bien. Et ensuite ?

— Dans l’espace juste devant nous… quelque chose de doux… un ou deux bosquets…

— De mannes. Qui poussent autour d’une unique source chaude. Je peux aussi entendre des dizaines de puits vides, des puits dont l’eau bouillante apaisait jadis la soif d’énergie de milliers de plantes. Mais continue…

— Plus loin sur la gauche, une mare, une grande mare.

— Bien ! apprécia Jared. Elle est alimentée par une rivière. Quoi d’autre ?

— Je… Radiation ! Une chose étrange. Une quantité de choses étranges !

Jared avança de quelques pas.

— Ce sont des habitations. Elles s’étendent tout autour du mur. Owen le suivit, intrigué.

— Mais je ne comprends pas… Elles sont dehors !

— Les hommes qui habitaient ici n’avaient pas besoin de se retirer dans des grottes. Ils bâtissaient des murs autour d’espaces vides, dehors !

— Des murs carrés ?

— Je suppose qu’ils avaient le sens de la géométrie.

Owen recula.

— Partons d’ici ! Ils disent que la Radiation n’est pas loin du Monde Originel.

— Ils disent peut-être cela pour nous empêcher d’y aller ?

— Je commence à me demander si tu crois en quoi que ce soit !

— Bien sûr : je crois tout ce que je peux entendre, sentir, toucher ou goûter.

Jared changea de position et les échos de ses pierres coïncidèrent avec une ouverture dans une des habitations.

— La fauve-souris ! murmura-t-il quand une série de clic lui eut révélé l’impression de la créature suspendue à l’intérieur du cube. Tu prends la lance. Cette fois, nous sommes prêts.

Doucement, il s’approcha à portée de flèche de l’édifice et rangea ses pierres en sécurité. Il n’en avait plus besoin maintenant que la chose soufflait comme un taureau furieux.

Il glissa une flèche dans l’arc et une seconde dans sa ceinture, à portée de main. Derrière lui, il écouta Owen planter la lance dans le sol. Puis il demanda :

— Prêt ?

— Tire vite ! répondit Owen.

Sa voix ne tremblait pas. Le dernier clic s’était fait entendre, les préparatifs étaient achevés.

Visant la respiration chuintante, il lâcha la flèche qui traversa l’air en sifflant et se planta dans quelque chose de solide… de trop solide pour être le corps d’un animal. Hurlant de rage, la fauve-souris se précipita sur eux. Jared tendit de nouveau son arc et s’avança vers la furie ailée.

Il tira sa seconde flèche et se baissa vivement.

La bête hurla de douleur en passant au-dessus d’eux dans un grand souffle d’air. Puis il y eut le bruit sourd d’un impact et ses immenses poumons laissèrent échapper un dernier souffle nauséabond.

Jared entendit l’exclamation familière :

— Nom de Lumière ! Dégage-moi de cette masse puante !

Hilare, il tapa sur le sol rocheux avec son arc et reçut en retour les effets sonores d’une masse confuse : fauve-souris, homme, lance brisée, flèche saillante.

Owen parvint à s’extirper de là.

— Bon ! On a fini par l’avoir ! On peut rentrer maintenant ?

— Dès que j’aurai terminé.

Jared s’affairait déjà à découper la chair autour des crocs de l’animal.

Les fauves-souris et les Ziveurs… Un par un, les habitants des deux Niveaux pouvaient espérer se débarrasser des premiers, mais que faire contre les seconds ? Quelle arme utiliser contre des créatures qui n’utilisaient pas de pierres à échos et pourtant connaissaient tout ce qui les entoure ? C’était un talent mystérieux que personne ne pouvait expliquer, sinon en disant qu’ils étaient possédés par Cobalt ou Strontium.

Ah oui ! pensa Jared, les prophètes disent que l’homme vaincra tous ses ennemis. Il supposait que cela incluait aussi les Ziveurs, bien qu’il lui eût toujours semblé que les Ziveurs aussi étaient humains… plus ou moins.

Lorsqu’il eut fini d’arracher le premier croc, de lointains souvenirs lui revinrent à l’esprit, des souvenirs d’école :

Qu’est Lumière ?

Lumière est Esprit.

Où Lumière réside-t-elle ?

Si l’homme n’était pas plein de péché, Lumière serait partout.

Pouvons-nous entendre ou toucher Lumière ?

Non, mais dans l’au-delà nous La verrons !

Quelle absurdité ! De toute façon, personne ne pouvait expliquer le verbe verrer. Que fîtes-vous à la Toute-Puissante lorsque vous la verrâtes ?

Il rangea les crocs dans son sac et se redressa pour écouter tout autour de lui. Ici quelque chose devait exister en quantité moindre que dans les autres mondes – une chose que les hommes nomment « Obscurité » et qualifient de mauvaise et pleine de péché. Mais qu’était cette chose ?

— Jared, viens !

Il utilisa les pierres pour trouver Owen. Les échos lui apportèrent l’impression de son ami debout près d’un poteau incliné au point de presque toucher le sol. Il palpait l’objet qui se balançait à l’extrémité, un objet rond, lisse et fragile qui rendait un son clair et aigu.

— C’est une Ampoule ! s’exclama Owen. Exactement semblable à la relique de Lumière Toute-Puissante du Gardien !

Jared se remémora d’autres enseignements :

Si grande était la compassion de la Toute-Puissante – il se souvenait de la voix du Gardien de la voie – que, quand Elle chassa l’homme du Paradis, Elle lui donna des fragments d’Elle-même pour l’accompagner pendant un temps. Et Elle résidait dans de nombreux petits récipients semblables à cette Sainte Ampoule.

Il y eut un bruit quelque part dans les habitations. Owen jura.

— Lumière ! Tu sens cela ?

Bien sûr que Jared le sentait. C’était une odeur tellement choquante et étrangère que ses cheveux se dressèrent sur sa nuque. Tout en reculant, il fit désespérément résonner ses pierres.

Les échos lui rapportèrent des sons confus et incroyables, des impressions d’une chose à la fois humaine et non humaine, invraisemblablement mauvaise parce que différente, mais pourtant saisissante puisqu’elle semblait avoir deux bras, deux jambes et une tête, et se tenait à peu près droite. Elle avançait, pour essayer de les surprendre.

Jared fouilla dans son carquois, mais il n’avait plus de flèche. Terrifié, il jeta son arc et fit volte-face pour s’enfuir.

— Oh Lumière ! se lamenta Owen en se hâtant vers la sortie. Par la Radiation, qu’est-ce que ça peut bien être ?

Mais Jared ne pouvait pas répondre. Il était trop occupé à chercher la sortie tout en restant à l’écoute de cette menace contre nature. Cela puait plus qu’un millier de fauves-souris.

— C’est Strontium en personne, assura Owen. La légende a dit vrai. Les Démons-Jumeaux vivent ici !

Il se retourna pour se précipiter vers la sortie, se guidant d’après l’écho de ses propres cris affolés.

Jared resta immobile, paralysé par une sensation totalement incompréhensible. Son impression auditive de la forme monstrueuse était claire et nette : il lui semblait que tout le corps de la créature était composé de feuilles palpitantes de chair. Mais il y avait autre chose : une étendue vibrante, imprécise mais vivace, d’échos « insonores » qui venaient de la créature et s’enfonçaient dans les profondeurs de sa conscience comme des tisons ardents.