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Puis vinrent des impressions cohérentes – des sensations qui, pensa-t-il, devaient être assez proches de celles que connaissent les Ziveurs. Il était étrangement conscient – par l’intermédiaire de ses yeux – que, devant lui, le sol s’élevait jusqu’à un groupe de petites choses frêles qui se balançaient au loin. Elles lui rappelèrent vaguement des plants de manne dont le sommet aurait été délicatement découpé. Puis il se souvint de la légende des plantes du Paradis.

Mais ceci était un infini de chaleur, qui ne suggérait nullement des choses célestes !

Entre les plantes, il ziva les détails de petites formes géométriques qui formaient des rangées, comme les cabanes du Monde Originel – un des autres traits supposés du Paradis.

Mais les monstres habitaient ici !

Soudain, son attention se porta sur un fait primordial : il recevait des impressions d’un nombre infini de choses sans avoir à les écouter ni à les sentir !

Ce qui n’était possible qu’en présence de Grande Lumière Toute-Puissante !

C’était donc cela.

C’était donc l’aboutissement de sa quête.

Il avait trouvé Lumière ; et, en fin de compte, c’était bien Lumière que les monstres projetaient dans les passages.

Mais Lumière n’était pas au Paradis.

Elle était dans l’infini de la Radiation habité par les monstres nucléaires.

Toutes les légendes, tous les dogmes étaient erronés.

Il n’y avait pas de Paradis pour l’homme.

Sans compter qu’avec les Démons Atomiques qui rôdaient dans les passages, l’homme avait atteint la fin de son existence matérielle.

Dans son désespoir, il rejeta la tête en arrière et le son silencieux le plus terrible qu’il eût pu imaginer explosa dans ses yeux.

Ce fut une sensation si atroce qu’il lui sembla que ses yeux bouillants allaient jaillir de leurs orbites.

Hurlant vers lui de toute sa furie, il y avait un objet rond qui dominait la Radiation de sa force, de sa chaleur incroyable et de sa maligne majesté.

Hydrogène en personne !

Jared se retourna d’un bloc et se précipita vers le passage aussi vite que ses jambes le lui permettaient, sans prêter attention à un bruit qui venait de se faire entendre devant lui.

Mogan cria, mais son appel angoissé fut interrompu par un zip-hss.

Jared réussit à gagner le passage, poursuivant comme un fou les échos de ses pierres.

14

À peine conscient de l’absence de Mogan, Jared retrouva avec bonheur la sécurité et l’intimité des passages et de leurs parois de pierre. Le zip-hss qui était responsable de la disparition du chef des Ziveurs n’était qu’un souvenir insignifiant comparé à l’angoisse qui l’étreignait.

Il atteignit tant bien que mal le premier tournant. Ses yeux brûlants qui laissaient échapper des flots de larmes ressentaient encore l’épouvantable pression de la chose monstrueuse emplissant l’espace vide de l’horrible infini de la Radiation.

Il se heurta à un rocher, se releva et se remit à courir dans le tournant, à peine conscient qu’il avançait parmi les obstacles sans s’aider d’impulsions sonores.

Il finit par s’arrêter et s’adossa contre une stalactite pour reprendre le contrôle de sa respiration.

Tout était clair, maintenant, et il ressentit l’affreuse ironie de la chose. Toute cette force, ou matière, qui emplissait l’infini, c’était la Lumière, la même Lumière qu’il avait passé sa vie à chercher. Mais elle s’était révélée être une chose malfaisante car elle faisait partie de la Radiation.

Soudain, un autre fait tout aussi incroyable le frappa : maintenant il savait aussi ce qu’était l’Obscurité !

Elle était ici, dans ce couloir même, dans tous les passages qu’il avait parcourus, dans tous les mondes qu’il avait visités. Durant sa vie entière, il n’était jamais sorti de l’Obscurité, sauf en ces rares occasions où il avait rencontré les monstres. Il n’avait eu aucun moyen de la reconnaître avant d’avoir expérimenté la Lumière.

Mais tout était simple maintenant.

L’infini qu’il venait de quitter était empli de Lumière ; devant lui, dans le passage, il y en avait nettement moins et, après le prochain tournant, il y aurait une absence totale de Lumière, une Obscurité absolue – si complète, si universelle, qu’il aurait pu vivre en son sein pendant dix mille gestations sans même se rendre compte de son existence !

Chancelant sous le poids de ces idées nouvelles et étranges, il continua à avancer, les mains tendues devant lui. Et, simplement grâce à ses yeux, il pouvait percevoir pleinement, devant lui, une totale absence de Lumière, pareille au silence le plus profond – un lourd et épais rideau d’Obscurité.

Hésitant à chaque pas, il dépassa le virage et la barrière immatérielle ; au moment où l’Obscurité se refermait inexorablement sur lui, il ne put s’empêcher de tressaillir. À présent il avançait à tâtons, ses mains explorant l’inconnu. Avec humilité, il se souvint de la façon dont Romel, aux sens moins aiguisés que lui, devait se frayer un chemin à travers l’épais silence.

Il mit le pied dans une légère dépression et tomba de tout son poids ; avant de se relever, il ramassa deux galets qu’il fit résonner dans ses mains.

Mais, maintenant, les clic lui paraissaient lointains et étrangers. Il lui fallait la plus grande concentration pour extraire des échos quelques impressions cohérentes de ce qu’il y avait devant lui. Il se demanda si l’un des effets immédiats de la maladie de la Radiation n’était pas une diminution de l’acuité auditive. Puis il eut peur, une peur aussi intense que l’Obscurité qui l’entourait, car il venait de se souvenir d’une autre légende : quiconque entrait en contact avec la Radiation devait s’attendre à toutes sortes de maladies graves : fièvre, surdité, vomissements mortels, chute des cheveux.

Pourtant, son inquiétude fut vite enfouie sous une amertume qui le submergea comme les vapeurs étouffantes d’un puits d’eau bouillante. Devant lui s’étendait un avenir aussi dénué de conquêtes matérielles que l’infini auquel il venait d’échapper. Tous ses projets n’étaient plus qu’un rêve qui a volé en éclats : ses mondes étaient décimés, Della avait disparu, sa quête de Lumière s’était achevée par une désillusion, alliée à un remords cuisant. Toute sa vie durant, il avait poursuivi un espoir sonore, et ne l’avait enfin rattrapé que pour découvrir que ce n’était que du vide.

Il avançait à pas pesants dans l’Obscurité, entrechoquant désespérément ses cailloux, mais chaque impression qu’il parvenait à extorquer aux échos devenus étrangers nécessitait une sévère attention. Il luttait comme un homme en délire, pour obtenir de chaque son le maximum de perceptions utilisables. Même ainsi, il devait s’arrêter de temps en temps pour explorer un obstacle indistinct avec ses mains.

Il arriva à l’intersection où Mogan et lui étaient parvenus dans le passage plus large et, quelques pas plus loin, les réflexions de ses clic commencèrent à rassembler des impressions du vide résonnant du Monde Originel.

Soudain, il étouffa le bruit des pierres entre ses mains. Avec nervosité, il recula devant les sons qui lui parvenaient – des sons directs qu’il aurait dû percevoir depuis longtemps.

Des voix, de nombreuses voix. Le passage était plein de monstres ! Il sentait même leur odeur ! Il y avait aussi celle de Ziveurs – sans doute des captifs inconscients que les démons emmenaient.

Il s’écarta du centre du passage et se tapit entre deux rochers, après s’être assuré qu’il était dans un vide d’échos. Il réfléchit et se dit que, pour se cacher de ces créatures, il devait s’assurer qu’il était également dans un vide de Lumière ! Il se tassa donc tout au fond de sa cachette.