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Il était maintenant conscient de la Lumière qui pénétrait peu à peu par les fissures. Mais, déterminé à ne plus avoir de contacts avec la substance monstrueuse qui l’avait déjà en partie privé de l’ouïe, il ferma étroitement les yeux.

Gardant présent à l’esprit l’ensemble sonore formé par les monstres et les Ziveurs, il se fit attentif à la conversation de deux démons qui passaient près de sa cachette.

— … suis content qu’on ait décidé d’en finir avec ces Ziveurs !

— Moi aussi. Ils sont facilement récupérables, car ils savent déjà plus ou moins se servir de leurs yeux.

— Oui, ils sont faciles à convaincre ; mais si l’on pense au dernier groupe du Niveau Supérieur…

Cette conversation fut couverte par celle de deux autres monstres qui approchaient :

— … très curieux, ce phénomène du zivage. Thorndyke dit qu’il veut l’étudier de plus près.

— Ce n’est pas si extraordinaire. Quand les gènes sont stimulés par la Radiation, on peut s’attendre aux mutations les plus diverses, y compris la vision infrarouge, je suppose.

De nombreux mots qu’ils utilisaient lui paraissaient dénués de sens. Jared ne se souvenait pas non plus avoir entendu le nom « Thorndyke » dans la hiérarchie des Démons Nucléaires.

Après le passage du dernier monstre, il resta immobile dans sa cachette, amer et seul. Il avait écouté avec attention et senti avec avidité, mais il n’avait pas perçu la moindre trace de Della parmi les prisonniers.

Il allait se mettre en marche pour gagner le Niveau Inférieur quand il entendit un démon attardé qui se hâtait pour rattraper les autres. Il faillit bondir de sa cachette lorsqu’il sentit l’odeur de Della.

Les yeux bien fermés pour ne pas être distrait par la Lumière, il attendit avec angoisse. Lorsque la créature passa devant sa cachette, Jared se jeta sur elle, lui donnant un magistral coup d’épaule dans les côtes.

Della, inerte, tomba sur lui, mais il se libéra et courut après son ravisseur. Il parvint à emprisonner le cou de la créature entre ses deux mains, mais le temps lui manquait pour l’étrangler. Il se contenta de lui donner des coups de poing dans la mâchoire jusqu’à ce qu’il ne bouge plus.

Soulevant la jeune fille sur une épaule, il claqua des doigts pour s’orienter, puis se hâta vers la sécurité provisoire qu’offrait le Monde Originel. Il interpréta le mieux possible les réflexions des snap et réussit à traverser la clairière centrale. Au hasard, il choisit une cabane où se cacher.

À l’intérieur, il déposa Della sur le sol et s’assit juste devant l’ouverture, à l’affût du moindre bruit suspect.

Des centaines de respirations passèrent sans que la jeune fille revienne à elle. Enfin, il l’entendit reprendre son souffle avec difficulté. Il se précipita vers elle et couvrit sa bouche de la main pour l’empêcher de crier.

Pendant qu’elle se débattait désespérément, il murmura :

— C’est Jared ! Nous sommes dans le Monde Originel.

Elle cessa d’avoir peur ; il la lâcha et lui raconta ce qui s’était passé.

— Oh ! Jared ! s’exclama-t-elle quand il eut fini. Partons chercher un monde caché tant qu’il nous reste une chance !

— Dès que nous serons sûrs qu’il n’y a plus de démons dans les passages. Épuisée, elle appuya la tête sur son bras.

— Nous trouverons un monde merveilleux, n’est-ce pas ?

— Le meilleur de tous. Et s’il n’est pas exactement comme nous le désirons, nous le reconstruirons selon notre fantaisie.

— D’abord, nous construirons une grotte, puis… Elle hésita. Écoute ! Qu’est-ce que c’est ?

D’abord, il n’entendit rien. Puis, peu à peu, il perçut un bruit éloigné : doum-doum, doum-doum. C’était comme le choc régulier de deux rocs ou d’une matière encore plus dure. Sur le moment, ce qui l’inquiéta le plus, c’était que Della avait entendu le bruit avant lui. La Radiation l’avait-elle déjà rendu sourd à ce point ? Ou était-il simplement troublé par le souvenir des impressions directes de la Lumière et en oubliait-il comment utiliser ses oreilles ?

— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle en se levant.

Il sortit de l’habitation à tâtons.

— Je ne sais pas. On dirait que cela vient de la cabane voisine.

Se dirigeant vers le son, il franchit l’ouverture de l’autre unité d’habitation et écouta le bruit qui sortait d’une ouverture carrée creusée à même le sol. Della serra sa main plus fort et il la sentit tressaillir lorsqu’elle ziva le puits artificiel.

Il s’approcha davantage et tendit l’oreille vers l’ouverture qui descendait, non pas perpendiculairement, mais selon un angle assez aigu. Il entendait maintenant que le doum-doum était distinctement modulé par toute une série de petites élévations abruptes qui couvraient toute la surface du puits oblique.

— Si j’entends bien, il y a des marches qui descendent, dit-il.

— Où mènent-elles ?

Il haussa les épaules avec dérision.

— Jared, j’ai peur.

Mais il était plongé dans ses pensées, un pied levé au-dessus de la première marche.

— Les légendes disent que le Paradis n’est pas loin du Monde Originel.

— Il n’y a pas de Paradis en bas ! Si nous devons aller quelque part, partons à la recherche de notre monde !

Il descendit la première marche, puis la seconde. Il avait découvert pour son malheur que la Radiation était proche du Monde Originel. Mais cela ne signifiait pas que le Paradis se trouvait aussi quelque part non loin d’ici. De plus, il était entièrement absorbé par le doum-doum, doum-doum, ce qui l’empêchait de prêter attention à quoi que ce soit d’autre. C’était un son curieux, enchanteur, qui semblait l’attirer en bas, toujours plus bas…

Doum-doum-dong, doum-doum-dong…

Les bruits étaient à la fois brutaux et délicats. Ils étaient forts et précis, extrêmement distincts, semblables à ceux d’un super-projecteur d’échos, un projecteur dont les réflexions étaient si parfaites qu’aucun détail ne leur échappait.

Malgré son ouïe fortement diminuée à cause de sa rencontre avec l’infini des Démons Nucléaires, il pouvait discerner sur les pierres des détails qu’il n’aurait jamais pu détecter autrement. La moindre fente dans les marches, le moindre renfoncement, la plus petite fissure dans les murs, toutes les minuscules irrégularités des surfaces – tout était parfaitement audible. Oui, les compositions sonores qu’il recevait étaient presque aussi parfaites que les impressions étranges qui avaient frappé ses yeux lorsque toute la Lumière de la Radiation l’avait englouti !

Subjugué par le merveilleux projecteur, il descendait de plus en plus vite. C’était comme s’il approchait du plus parfait créateur d’échos artificiels jamais conçu. Et, bien sûr, un tel objet ne pouvait exister qu’au Paradis.

Doum-dong, clong-clang… Doum-dong, dong-clang, pok…

Ses oreilles s’ouvraient avec fascination aux subtils contrepoints qui émergeaient à la surface du son dominant alors qu’il s’approchait de son origine. Le volume de l’ensemble l’entourait comme une douce étreinte. La perfection et la précision des tons étaient étonnantes.

Doum-dong, ping-pok, sssss…

Les sons bas et majestueux faisaient résonner les formes exactes de toutes les aspérités importantes. Même sans écouter attentivement, il pouvait suivre le moindre mouvement des bras et des jambes de Della. Les petits sons plus aigus remplissaient les vides d’une foule de détails avec une finesse absolument exquise. Ce ping-touang délicat, par exemple, lui permettait d’entendre sans le moindre effort chaque mèche de cheveux de la jeune fille.