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— Mais c’est ce qu’elles ont fait ! Cria Kerk.

— Tout à fait exact, répondit Jason calmement. Et si elles l’ont fait, il doit y avoir une raison. Laquelle, je n’en sais rien. Mais quelque chose a forcé les espèces à déclarer la guerre à l’homme et j’aimerais percer ce mystère. Quelle était la forme de vie dominante ici lorsque vos ancêtres sont arrivés ?

— Qu’est-ce que vous insinuez ?

— Je n’insinue rien – c’est vous qui le faites. Ce qui signifie que vous commencez à comprendre. Je n’ai aucune idée de ce qui a provoqué ce changement, mais j’aimerais bien le découvrir et voir s’il existe un remède. Je ne promets rien, naturellement. Vous admettrez toutefois que cela vaille la peine de faire des recherches.

Un poing frappant la paume de l’autre main, ses pas faisant trembler le bureau, Kerk allait et venait dans la pièce. Il était en lutte avec lui-même. Des idées nouvelles se battaient contre d’anciennes croyances. Tout cela était si nouveau et tellement difficile à admettre.

Sans demander la permission, Jason se servit un verre d’eau fraîche et retomba sur sa chaise, épuisé.

La décision prit peu de temps. Entraîné à une activité rapide, le grand Pyrrusien trouvait difficile de ne pas se décider promptement. Les pas s’arrêtèrent et il regarda Jason avec fermeté.

— Je ne dirai pas que vous m’avez convaincu, mais il m’est impossible de trouver une réponse à vos arguments pour le moment. Et jusqu’à ce que j’en trouve une, nous allons faire comme s’ils étaient fondés. Qu’envisagez-vous ?

Jason compta sur ses doigts.

— Premièrement, il me faut un endroit bien protégé pour vivre et travailler. Ainsi, au lieu de me dépenser uniquement à survivre, je pourrais passer quelque temps à étudier ce projet. Deuxièmement, je veux quelqu’un pour m’aider – et me servir en même temps de garde du corps. Et, je vous en supplie, un auxiliaire plus sociable que mon garde actuel. Je pense que Méta est la personne la mieux adaptée pour cette fonction.

— Méta ? Elle pilote et fait partie du réseau de défense ; quelle contribution pourrait-elle apporter à un projet de ce genre ?

— La meilleure. Elle connaît les autres mondes, et je la crois capable de modifier son point de vue, au moins légèrement. Elle doit connaître cette planète aussi bien que tout autre adulte évolué et pourra répondre aux questions que je lui poserai. (Jason sourit.) De plus, c’est une jeune fille sympathique dont la compagnie me plaît.

Kerk grogna.

— Je me demandais si vous arriveriez à me mentionner cette dernière raison. Mais les autres se tiennent et je ne vais pas discuter. Je vais lui trouver un remplaçant et la faire venir ici. Il y a plusieurs bâtiments étanches que vous pouvez utiliser.

Après avoir parlé à l’un des hommes de l’autre bureau, Kerk eut plusieurs conversations sur l’écran. Les ordres nécessaires furent donnés rapidement. Jason regarda tout cela avec intérêt.

— Excusez la question, mais êtes-vous le dictateur de cette planète ? Il vous suffit de claquer les doigts et tout le monde est à vos ordres ?

— Les apparences sont trompeuses, admit Kerk. Mais en fait, personne n’est entièrement responsable. Sur Pyrrus il existe vraiment un système démocratique. Après tout, notre population a la taille d’une division environ. Chacun fait le travail pour lequel il s’est spécialisé. Les diverses activités sont réparties en plusieurs départements dont la personne la plus compétente est responsable. Je m’occupe de la Coordination et des Approvisionnements, ce qui est certainement le service le plus libre. Nous comblons les trous entre les autres services et nous nous occupons des voyages à l’étranger.

Méta entra à ce moment et s’adressa à Kerk, ignorant complètement la présence de Jason.

— J’ai été relevée et envoyée ici. Que se passe-t-il ? Un changement dans le programme de vol ?

— Pas tout à fait, répondit Kerk. À partir de cette minute, vous êtes relevée de toutes vos anciennes fonctions et affectée à un nouveau service, Recherches et études. Ce type à l’allure fatiguée est votre chef de service.

— Une plaisanterie, dit Jason. La première venant d’un Pyrrusien né ici. Mes félicitations, il existe encore un espoir pour votre planète.

Le regard de Méta allait de l’un à l’autre.

— Je ne comprends pas. Je veux dire… ce nouveau service, pourquoi ? (Elle était nerveuse et mal à l’aise.)

— Excusez-moi, dit Kerk. Je ne voulais pas être cruel. J’ai dit vrai. Jason peut nous être d’un grand secours. Voulez-vous l’aider ?

Méta retrouvait le langage familier qu’elle comprenait.

— Est-ce obligatoire ? Est-ce que c’est un ordre ? Vous savez que j’ai du travail à faire. Je suis certaine que vous comprenez que c’est plus important que ce que peut imaginer une personne d’une autre planète. Il ne peut…

— C’est un ordre.

La voix de Kerk avait repris sa sécheresse. Méta rougit.

— Je peux peut-être vous expliquer, interrompit Jason. Après tout, c’est mon idée. Mais je préfère tout d’abord vous demander un petit service. Voudriez-vous enlever le chargeur de votre pistolet et le donner à Kerk ?

Méta eut une expression effrayée, mais Kerk approuva solennellement de la tête.

— Quelques minutes seulement, Méta. Je garde mon pistolet et vous serez en sécurité ici. Je crois savoir ce que Jason a en tête et je crains qu’il n’ait raison, par expérience personnelle.

Méta passa le chargeur de mauvaise grâce et sortit la cartouche de la chambre du pistolet. Alors seulement Jason lui expliqua.

— J’ai une théorie concernant la vie sur Pyrrus et je redoute qu’elle ne démolisse un certain nombre d’illusions. Pour commencer, il faut bien admettre que vous êtes lentement en train de perdre cette guerre et que vous serez un jour définitivement détruits…

Avant qu’il eût fini sa phrase, le pistolet de Méta était pointé entre ses yeux et elle appuyait follement sur la détente. Son expression était toute haine et répulsion. C’était la pensée la plus terrible du monde pour elle : que cette guerre à laquelle ils se vouaient tous était perdue d’avance.

Kerk la prit par les épaules et la fit asseoir dans son fauteuil, avant que le pire ne se produisît. Un moment s’écoula avant qu’elle pût se calmer suffisamment pour écouter Jason. Il n’était pas facile de refaire l’éducation de toute une vie.

Une étincelle d’incompréhension allumait encore ses yeux lorsqu’il eût terminé. Elle resta tendue sur sa chaise, retenue par les mains de Kerk, comme si elles seules pouvaient l’empêcher de sauter sur Jason.

— C’est peut-être trop à assimiler en une seule fois. Parlons en termes plus simples. Je crois que je peux trouver la raison de cette haine envers les humains. Peut-être ne sentons-nous pas bon. Peut-être vais-je trouver une essence de vermine pyrrusienne qui nous immunisera lorsque nous nous en enduirons. Je ne sais pas encore. Mais quel que soit le résultat, nous devons faire ces recherches, Kerk est d’accord avec moi à ce sujet.

Méta regarda Kerk qui approuva. Ses épaules retombèrent en signe de défaite. Elle murmura :

— Je ne peux pas dire que je sois d’accord, ou même que je comprenne bien ce que vous voulez dire. Mais je vous aiderai si Kerk pense qu’il faut le faire.

— Bien, dit Kerk. Maintenant, puis-je vous rendre votre chargeur, sans mettre la vie de notre ami en danger ?