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Salutations respectueuses de votre élève dévouée,

Sophie, quatorze ans.

Tout en bas de la feuille, elle écrivit : Réponse souhaitée.

Sophie trouva la lettre beaucoup trop officielle. Mais ce n'était pas commode de savoir quels mots employer pour écrire à une personne sans visage.

Elle fourra la feuille dans une enveloppe rose qu'elle referma. Puis elle écrivit au recto : Au philosophe.

Le problème consistait à déposer la lettre là-bas sans que sa mère ne la trouve. Il fallait dans un premier temps attendre

que sa mère soit rentrée avant de la glisser dans la boîte aux lettres. Et dans un second temps ne pas oublier d'aller voir la boîte tôt le lendemain matin avant qu'on ne livre le journal. Si elle ne recevait pas de nouvelle lettre dans la soirée ou la nuit, elle serait obligée d'aller récupérer l'enveloppe rose.

Pourquoi fallait-il que tout soit si compliqué ?

Ce soir-là, bien que ce fût vendredi soir, Sophie monta se coucher tôt. Sa mère tenta de la retenir en lui proposant de manger une pizza et de regarder Derrick, leur série policière préférée, mais Sophie prétexta qu'elle était fatiguée et qu'elle voulait lire au lit. Et elle profita que sa mère avait les yeux rivés sur l'écran pour se faufiler dehors et glisser sa lettre dans la boîte.

Il était clair que sa mère se faisait du mauvais sang. Elle s'était mise à lui parler très différemment depuis l'histoire du lapin et du chapeau haut de forme. Sophie n'aimait pas lui faire de la peine, mais il fallait absolument qu'elle surveille la boîte aux lettres.

Quand sa mère monta sur le coup des onze heures, Sophie était toujours postée à la fenêtre et regardait la rue.

Tu ne surveilles quand même pas la boîte aux lettres ? demanda-t-elle.

J'ai bien le droit de regarder ce que je veux !

Je crois bien que tu es amoureuse, Sophie. Mais si tu t'attends à une autre lettre, cela m'étonnerait qu'il vienne te la déposer en pleine nuit.

Ah ! Sophie détestait ces histoires de cœur à l'eau de rose. Mais elle ne voyait pas d'autre solution que de laisser sa mère dans l'erreur.

C'est lui qui t'a parlé du lapin et du chapeau haut de forme ? poursuivit sa mère.

Sophie acquiesça.

II... il ne se drogue pas au moins?

Sophie avait vraiment pitié d'elle. Mais elle ne pouvait pas la laisser se ronger d'inquiétude. Elle était tellement à côté de la plaque! Faire un rapprochement avec la drogue parce qu'on s'amusait à avoir un peu d'esprit... Ce que les adultes pouvaient être débiles parfois !

Maman, je te promets que je ne toucherai jamais à ce genre de choses..., répondit-elle en se retournant. Quant à « lui », il ne se drogue pas non plus. Par contre il s'intéresse beaucoup à la philosophie.

Il est plus âgé que toi ?

Sophie fît non de la tête.

Il a ton âge?

Elle fit signe que oui.

Et tu dis qu'il s'intéresse à la philosophie?

Sophie acquiesça à nouveau.

Eh bien, il est certainement très gentil. Allez, je crois que tu devrais essayer de dormir.

Mais Sophie resta à la fenêtre et continua à regarder la rue. A une heure du matin, elle était si fatiguée qu'elle se mit à cligner des yeux. Elle était sur le point d'aller au lit lorsqu'elle aperçut tout à coup une ombre qui sortait de la forêt.

Il faisait presque nuit dehors, mais encore assez clair pour qu'elle pût distinguer une silhouette. C'était un homme, et Sophie eut l'impression qu'il était plutôt âgé. En tout cas, pas de son âge ! Il portait sur la tête une espèce de béret.

Il eut l'air à un moment de lever les yeux vers la maison, mais Sophie avait éteint la lumière. L'homme se dirigea vers la boîte aux lettres et y laissa glisser une grosse enveloppe. Juste à cet instant, ses yeux tombèrent sur la lettre de Sophie. Il mit la main dans la boîte et l'attrapa. La seconde d'après, il était déjà loin. Il rejoignit presque au pas de course le chemin qui mène à la forêt et disparut en un clin d'œil.

Sophie avait le cœur battant. Elle l'aurait bien poursuivi en chemise de nuit. Encore que... non, elle n'osait pas courir après un inconnu au beau milieu de la nuit. Mais il fallait sor tir chercher l'enveloppe !

Elle attendit un petit moment avant de descendre prudem ment l'escalier, de tourner la clé dans la serrure et d'aller à la boîte aux lettres. En moins de deux, elle était revenue dans sa