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— Nous allons procéder à deux autres relevés, immédiatement, dit MacMahon à Clausewitz. L’un à cinq degrés à l’est, l’autre à cinq à l’ouest. Avez-vous des hommes disponibles ?

— Oui, monsieur.

— Je réunis le conseil aujourd’hui pour vous indiquer la route provisoire. Si les deux nouvelles cartes doivent nous apporter un terrain plus favorable, nous y reviendrons plus tard. Quand vous sera-t-il possible d’effectuer un relevé normal ?

— Dès que nous pourrons libérer des hommes de la milice et des voies, répondit Clausewitz.

— Pour le moment, elles ont la priorité. Nous allons donc nous contenter de ce tracé jusqu’à nouvel ordre. Si la situation s’améliore, recommencez.

— Bien, monsieur.

McMahon prit notre carte et mon enregistrement audiovisuel. Nous sortîmes des quartiers du Navigateur.

Dehors, je dis à Clausewitz :

— Monsieur, je voudrais me porter volontaire pour une des prochaines équipes de relèvement topographique.

Il secoua la tête :

— Non. Vous allez prendre trois jours de congé, puis vous retournerez à la guilde des Voies.

— Mais…

— C’est le règlement des guildes.

Clausewitz partit avec Denton vers la salle des Futurs. En théorie, c’était aussi mon droit d’y aller, mais je me sentais soudain exclu. Littéralement, je n’avais nulle part où aller. Tant que j’avais travaillé hors de la ville, j’avais eu ma place dans un des dortoirs de la milice… maintenant, en permission officielle, je ne savais même plus où j’habitais. Il y avait des couchettes dans la salle des Futurs et je pouvais y dormir, mais je savais qu’il me fallait voir Victoria au plus tôt. J’en avais repoussé sans cesse l’échéance. Je me demandais toujours comment affronter ma nouvelle situation vis-à-vis d’elle et, pour connaître la réponse, il fallait que nous ayons une conversation. Je passai sous la douche et changeai de vêtements.

6

Rien n’avait beaucoup changé à l’intérieur de la ville pendant mon voyage au nord. Les administrateurs des affaires internes et de la médecine s’affairaient à soigner les blessés et à remettre sur pied les installations. Les visages de ceux que je rencontrais paraissaient moins soucieux, moins désespérés et on avait fait des efforts pour nettoyer les couloirs. Néanmoins je me rendais compte que le moment était probablement mal choisi pour chercher à résoudre un problème personnel.

J’eus du mal à retrouver la trace de Victoria. Après diverses questions, on m’envoya dans un dortoir improvisé au niveau le plus bas, mais elle n’y était pas. Je m’adressai à la femme qui dirigeait l’endroit.

— Vous êtes son ex-mari, n’est-ce pas ?

— Exact. Où est-elle ?

— Elle ne veut pas vous voir. Elle est très occupée. Elle se mettra en rapport avec vous ultérieurement.

— Il faut que je la voie, insistai-je.

— Pas possible… Et maintenant, si vous voulez bien m’excuser… Nous sommes très occupés.

Elle me tourna le dos et se remit à sa besogne. Je jetai un coup d’œil au dortoir encombré. Des travailleurs fatigués dormaient à un bout, et à l’autre plusieurs blessés étaient étendus sur des lits de fortune. Quelques personnes évoluaient entre les lits, mais Victoria n’était pas parmi elles.

Je retournai à la salle des Futurs. Pendant que je cherchais Victoria, j’avais pris une décision. Il était inutile que je reste à errer sans but dans la ville. Autant retourner au travail sur les voies. Mais je voulais avant tout lire la copie de la Directive de Destaine que possédait Clausewitz.

Il n’y avait qu’un seul membre de la guilde dans la salle. Il se présenta : Futur Blayne.

— Vous êtes le fils de Mann, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Heureux de faire votre connaissance. Êtes-vous déjà monté dans le futur ?

— Oui, répondis-je.

Blayne avait l’air sympathique. Guère plus âgé que moi, le visage ouvert et franc. Il semblait satisfait d’avoir quelqu’un à qui parler ; il me dit qu’il devait partir dans le nord en expédition topographique plus tard dans la journée et qu’il serait seul pendant les quelques prochains kilomètres.

— Allons-nous souvent seuls dans le nord ? m’enquis-je.

— En temps normal, oui. Nous pouvons travailler à deux avec l’approbation de Clausewitz, mais la plupart des Futurs préfèrent être seuls. Moi, j’aime la compagnie… la solitude me pèse un peu là-haut. Et vous ?

— Je n’y suis allé qu’une fois. Avec Futur Denton.

— Vous entendiez-vous bien avec lui ?

Nous continuâmes cette agréable conversation sans la réserve qui avait paru se manifester chaque fois que j’avais eu affaire à d’autres membres des guildes. J’avais inconsciemment adopté la même attitude et sans doute eut-il l’impression que je me méfiais de lui, au début. Mais en quelques minutes, sa franchise me décontracta et ce fut bientôt comme si nous étions amis de longue date.

Je lui dis que j’avais enregistré le soleil en vidéo.

— L’avez-vous effacé ?

— Que voulez-vous dire ?

— L’avez-vous supprimé de la bande ?

— Non… Aurais-je dû ?

Il éclata de rire :

— Les Navigateurs vont vous tomber dessus s’ils s’en aperçoivent. Vous n’êtes censé utiliser les films que pour les images de référence sous divers angles du terrain.

— Le verront-ils ?

— Possible. Si votre carte les satisfait, ils ne vérifieront sans doute que quelques points de repère. Ils n’examineront probablement pas tout le film. Mais s’ils le font…

— Qu’y a-t-il de mal à photographier le soleil ?

— Les règles de la guilde. La pellicule est rare et ne doit pas être gaspillée. Mais ne vous en faites pas. D’ailleurs, pourquoi prendre l’image du soleil ?

— Une idée. Je voulais l’étudier. Il présente une forme intéressante.

Il me regarda avec un nouvel intérêt.

— Qu’est-ce que vous en pensez ? fit-il.

— Des valeurs inverses.

— C’est vrai. Comment avez-vous découvert cela ? On vous en avait parlé ?

— Je me suis rappelé un cours à la crèche. Une hyperbole.

— Avez-vous compris, à présent ? Il y a plus que cela. Avez-vous réfléchi à la zone de surface ?

— Futur Denton m’a fourni des explications. Il m’a dit qu’elle était très grande.

Blayne protesta :

— Pas très grande…infiniment grande. Au nord de la ville, la surface s’incurve jusqu’à être presque verticale, mais jamais tout à fait. Au sud, elle devient presque horizontale, mais pas tout à fait. Le monde pivote autour de son axe… et avec un rayon infini, il tourne à une vitesse infinie.

Il me dit cela froidement, le visage imperturbable.

— Vous plaisantez, dis-je.

— Non. Je parle très sérieusement. À l’endroit où nous sommes, près de l’optimum, les effets de la rotation sont les mêmes qu’ils seraient sur la planète Terre. Mais plus au sud, bien que la vitesse angulaire soit la même, la vélocité s’accroît. Avez-vous ressenti les effets de la force centrifuge quand vous êtes descendu dans le passé ?