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J’en connaissais deux de nom, Olsson et McMahon, qui étaient présents avec treize autres de leurs collègues.

La première question soulevée fut celle de la situation militaire à l’extérieur. Un des Navigateurs se leva et se présenta sous le nom de Thorens. Il lut un rapport succinct concernant la position présente.

La milice avait calculé qu’il y avait au moins une centaine de tooks aux alentours de la ville. La plupart d’entre eux étaient armés. Selon le service du renseignement, leur moral était plutôt bas en raison des pertes qu’ils avaient subies. Le Navigateur souligna que cela contrastait vivement avec le moral de nos propres troupes qui se sentaient capables de faire face à toute nouvelle attaque. Elles possédaient à présent vingt et un fusils pris sur l’ennemi et disposaient de quelques munitions également saisies. En outre, la guilde de la Traction avait trouvé le moyen d’en fabriquer de petites quantités.

Un deuxième Navigateur confirma les dires de Thorens.

Le rapport suivant avait trait à l’état de la structure de la cité.

On débattit longuement de l’étendue des travaux à entreprendre ainsi que de leur plus ou moins grande urgence. Il fut déclaré que les administrateurs intérieurs étaient débordés et que les lits étaient en nombre insuffisant. Les Navigateurs furent d’accord pour accorder la priorité à l’aménagement d’un nouvel ensemble de dortoirs.

On en vint naturellement à des questions d’ordre général, beaucoup plus intéressantes à mon point de vue.

Il me parut que les Navigateurs présents avaient des divergences d’opinion. Selon une école, l’ancienne doctrine de la « cité close » devait être rétablie au plus tôt. Les autres pensaient qu’elle avait fait son temps et devait par conséquent être totalement abandonnée.

C’était un point d’importance cruciale, qui pouvait modifier radicalement la structure sociale… et d’ailleurs cet aspect était bien sous-jacent aux débats. Se séparer du système fermé, cela signifiait que tous ceux qui grandiraient dans la ville apprendraient peu à peu la vérité sur sa situation. Cela impliquerait une nouvelle formule d’enseignement et apporterait des changements délicats dans les pouvoirs des guildes mêmes.

Pour finir, après plusieurs scrutins et plusieurs amendements, on vota à main levée. À la majorité d’une voix, il fut décidé de ne pas remettre en question pour le moment la doctrine de la « cité close ».

D’autres révélations suivirent. La suite de l’ordre du jour fit ressortir qu’il y avait à l’intérieur de la ville dix-sept femmes transférées, et qu’elles s’y trouvaient déjà avant la première attaque des tooks. On discuta de ce qu’il y avait lieu de décider à leur sujet. Les membres du Conseil furent informés de ce que les femmes avaient souhaité rester dans la ville… et il devint aussitôt clair que les attaques avaient peut-être été menées pour les libérer.

Autre vote : les femmes auraient la possibilité de rester dans la ville aussi longtemps qu’elles le voudraient.

Il fut également décidé de ne plus soumettre les apprentis à l’épreuve initiatique de la descente vers le passé. Je compris que cette coutume avait été délaissée après la première attaque, mais que plusieurs Navigateurs étaient maintenant en faveur de sa remise en vigueur. La réunion fut informée que douze apprentis avaient été tués dans le passé et que cinq autres étaient portés disparus. L’épreuve demeura suspendue pour le moment.

Ce que j’entendais me fascinait. Je n’avais pas compris auparavant combien les Navigateurs étaient informés des détails pratiques de notre organisation. On ne disait jamais rien de précis, mais parmi les membres des guildes, l’impression générale était que les Navigateurs constituaient un groupe de vétilleux vieillissants qui avaient perdu tout contact avec la réalité. Certes, plusieurs d’entre eux étaient d’un âge avancé, mais leur intelligence n’avait pas faibli. En regardant les sièges réservés à l’assistance, vacants pour la plupart, je songeais que les hommes des guildes avaient dû venir en plus grand nombre aux réunions du Conseil.

Il y avait encore d’autres affaires à traiter. Le Navigateur McMahon présenta le rapport topographique que Denton et moi avions établi, en ajoutant que deux relevés étaient déjà en cours et que les résultats en seraient connus dans un ou deux jours.

L’assemblée convint que la ville suivrait la route tracée par Denton et moi jusqu’à ce qu’une autre soit jugée plus favorable.

Pour finir, le Navigateur Lucain posa la question de la traction de la ville. Il annonça que la guilde de la Traction avait le moyen d’accélérer un peu la progression de la ville. Regagner du terrain sur l’optimum constituerait une mesure importante en vue de ramener la ville à sa situation normale, soutint-il, et les Navigateurs furent également de cet avis.

Lucain poursuivit en expliquant qu’il se proposait de dresser un emploi du temps de traction continue de la cité. Cela nécessiterait des liaisons plus étroites avec la guilde des Voies, et entraînerait davantage de risques de rupture des câbles. Mais il fit ressortir que l’on était à court de rails, après l’incendie du pont, et qu’en conséquence les déplacements de la ville seraient obligatoirement plus courts. La suggestion de la Traction était donc d’établir en permanence des tronçons de voies plus courts au nord de la ville et de maintenir les treuils en fonctionnement continu. Ils seraient révisés à tour de rôle et comme le terrain futur présentait des pentes favorables, nous pourrions faire avancer la ville à une vitesse suffisante pour nous ramener à l’optimum en trente à quarante kilomètres de temps écoulé.

Les objections à ce plan furent peu nombreuses, mais le président demanda un rapport détaillé. Après le vote, il y eut neuf voix pour et six contre. La ville passerait au mouvement continu dès que possible.

8

Je devais quitter la ville pour une mission topographique dans le nord. Dans la matinée, on m’avait rappelé de mon poste aux voies et Clausewitz m’avait communiqué ses instructions. Je partirais le lendemain et me rendrais à quarante kilomètres au nord de l’optimum, pour noter la nature du sol et les positions de divers villages. J’avais le choix : travailler seul ou avec un autre membre de la guilde. En me rappelant ma nouvelle et agréable relation, Blayne, je demandai qu’il m’accompagne, ce qui fut accordé.

J’étais impatient. Je ne me sentais nullement dans l’obligation de travailler manuellement aux voies. Les hommes qui n’avaient jamais quitté la ville auparavant fonctionnaient bien en équipes et la progression était plus rapide que jamais auparavant, quand nous avions recours à la main-d’œuvre d’embauche.

La dernière attaque des tooks paraissait déjà ancienne et le moral était bon. Nous avions franchi le col sans encombre, et devant nous, c’était la longue pente qui descendait dans la vallée. Le temps était beau, et l’espoir vif.

Le soir, je regagnai la ville. J’avais décidé de discuter de notre mission avec Blayne et de passer la nuit dans les logements des Futurs. Nous serions prêts à filer au lever du jour.

En parcourant les couloirs, je jetai par hasard un coup d’œil dans une pièce : Victoria s’y trouvait.

Elle travaillait seule dans un très petit bureau, parcourant une liasse de papiers. J’entrai et refermai la porte derrière moi.

— Ah, c’est toi ? fit-elle.

— Je ne te dérange pas ?