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De nouveau il parla dans son affreux espagnol, puis il marmonna quelques mots d’anglais.

— Vous parlez l’anglais ? demanda-t-elle.

— Oui. Et vous ?

— Comme une Anglaise. (Elle rit de nouveau.) Cela ne vous dérange pas que je me joigne à vous ?

Elle désignait du menton la rivière, mais il continuait à la regarder, comme un idiot. Elle ôta ses chaussures et descendit jusqu’à l’eau. Elle y entra, jupe retroussée. L’eau était froide – elle crispa les orteils, mais la sensation était délicieuse. Un instant, puis elle revint s’asseoir sur la rive, les pieds toujours dans l’eau.

Il arriva et s’assit près d’elle.

— Désolé, pour le fusil. Vous m’avez surpris.

— Désolée moi-même, répondit-elle, mais vous paraissiez si heureux !

— Se détendre et se rafraîchir, c’est ce qu’on peut faire de mieux par une journée semblable.

Ils contemplaient tous les deux le courant qui leur baignait les pieds. Sous la surface ridée de l’eau, la chair blanche semblait vaciller comme une flamme dans un courant d’air.

— Comment vous appelez-vous ? demanda-t-elle.

— Helward.

— Helward ? (Elle jouait avec le son du mot.) Est-ce un nom de famille ?

— Non. Mon nom est Helward Mann. Et vous ?

— Elisabeth. Elisabeth Khan. Je n’aime pas que l’on m’appelle Elisabeth.

— Je vous demande pardon.

Elle le regarda avec ahurissement, mais il avait l’air très sérieux.

Elle était un peu surprise par son accent. Elle s’était rendu compte qu’il n’était pas originaire de la région et parlait l’anglais naturellement et sans effort, mais il avait une façon étrange de prononcer les voyelles.

— D’où venez-vous ? s’enquit-elle.

— Des environs. (Il se leva soudain.) Il faudrait que je fasse boire ma bête.

Il trébucha de nouveau en escaladant la berge, mais cette fois, elle ne rit pas. Il alla droit vers les arbres sans emporter son équipement. Le fusil était resté là. Il la regarda une fois par-dessus son épaule avant de disparaître.

Quand il revint, il menait les deux chevaux. Elle se mit debout et conduisit sa propre monture vers le ruisseau.

Debout entre les bêtes, Elisabeth caressait le cou de la monture de Helward.

— Elle est belle, dit-elle. Est-elle à vous ?

— Pas réellement. Mais je la monte plus souvent que toutes les autres.

— Comment l’appelez-vous ?

— Je… je ne lui ai pas donné de nom. Cela se fait ?

— Seulement si l’on veut. La mienne n’en a pas non plus.

— J’aime le « cheval, dit subitement Helward. C’est la partie la plus agréable de mon travail.

— Cela et aussi patauger dans les rivières. Quel est votre travail ?

— Je suis un… eh bien, cela n’a pas de désignation spéciale. Et vous-même ?

— Je suis infirmière. C’est-à-dire officiellement, mais je fais des tas d’autres choses.

— Nous avons des infirmières. Dans la… à l’endroit d’où je viens.

Elle le regarda avec un intérêt renouvelé :

— Où est-ce ?

— Une ville. Dans le sud.

— Comment s’appelle-t-elle ?

— Terre. Le plus souvent, nous l’appelons la cité.

Elisabeth ébaucha un sourire, pas très sûre d’avoir bien entendu :

— Parlez-m’en.

Il secoua la tête. Les chevaux, qui avaient fini de boire, se frottaient l’un à l’autre.

— Je pense qu’il est temps que je parte, annonça-t-il.

Il se rendit rapidement près de son matériel, le rassembla et le fourra vivement dans ses fontes. Elisabeth l’observait avec curiosité. Quand il eut terminé, il prit la bride, fit pivoter la bête et l’entraîna en haut de la berge. Au rideau d’arbres, il se retourna.

— Je regrette. Vous devez me trouver bien impoli. Mais c’est seulement que vous n’êtes pas comme les autres.

— Quels autres ?

— Les gens qui vivent par ici.

— Est-ce à mon désavantage ?

— Non.

Il étudiait la berge comme s’il avait cherché autre chose à dire, une excuse pour rester près d’elle. Brusquement, il parut changer d’avis. Il attacha son cheval à l’arbre le plus proche :

— Puis-je vous demander une chose ?

— Bien sûr.

— Je me demande… me permettriez-vous de vous dessiner ?

— Me dessiner ?

— Oui… un simple croquis. Je ne suis pas très habile… il n’y a pas très longtemps que je m’y intéresse. Quand je suis par ici, je consacre beaucoup de temps à dessiner ce que je vois.

— Était-ce ce que vous faisiez avant que j’arrive ? Je vous ai vu avec des papiers.

— Ce n’était qu’une carte géographique.

— Bon. Vous désirez que je pose pour vous ?

Il fouilla dans une fonte et en tira une liasse de papiers de dimensions différentes. Il les feuilleta nerveusement et elle vit que c’étaient des dessins au trait.

— Restez debout là, dit-il. Non… près de votre cheval.

Il s’assit au bord de la rive, les papiers en équilibre sur ses genoux. Elle l’examinait, un peu déconcertée par la tournure des événements, et elle éprouvait une timidité croissante qui n’était généralement pas dans sa nature. Il la regardait fixement par-dessus son papier.

Elle se tenait debout près du cheval, un bras passé sous l’encolure pour le caresser et l’animal réagissait en pressant ses naseaux contre elle.

— Vous n’êtes pas bien placée, dit-il. Tournez-vous un peu plus vers moi.

Sa timidité augmentait et elle se rendait compte que sa pose était raide, sans naturel.

Il travaillait, utilisant une feuille après l’autre, et elle se décontracta peu à peu. Elle décida de ne pas faire attention à lui et se remit à caresser la bête. Après un moment, il lui demanda d’enfourcher sa monture, mais elle commençait à se fatiguer.

— Puis-je voir ce que vous avez fait ?

— Je ne montre jamais mes dessins, à personne.

— Je vous en prie, Helward. C’est la première fois que je pose.

Il examina les papiers et en choisit quelques-uns :

— Je ne sais pas ce que vous allez en penser.

Elle les lui prit des mains.

— Seigneur ! Est-ce que je suis aussi maigre ? s’écria-t-elle sans réfléchir.

Il tenta de lui reprendre les esquisses :

— Rendez-les-moi.

Elle se détourna pour regarder les autres. On voyait que c’était elle, mais il avait un sens des proportions pour le moins… inhabituel. Elle et le cheval étaient trop grands et trop minces. L’effet n’était pas déplaisant, mais insolite.

— Je vous en prie, j’aimerais les reprendre.

Elle les lui rendit et il les plaça sous tous les autres papiers. Il lui tourna brusquement le dos et se dirigea vers son cheval.

— Vous aurais-je offensé ? demanda-t-elle.

— C’est bon ! Je savais bien que je n’aurais pas dû vous les montrer.

— Je les trouve excellents. C’est simplement… un peu surprenant de se voir par les yeux d’un autre. Je vous ai déjà dit que je n’avais jamais posé auparavant.

— Vous êtes difficile à dessiner.

— Pourrais-je en voir d’autres ?

— Cela ne vous intéresserait pas.

— Ecoutez, ce n’est pas pour vous passer de la pommade ! Cela m’intéresse vraiment.

— D’accord.

Il lui remit toute la liasse et repartit vers son cheval. Elle se rassit pour examiner les dessins, consciente qu’il était à l’arrière-plan, feignant d’ajuster le harnais, mais en réalité l’observant à la dérobée pour deviner ses appréciations.