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Il avait dessiné une quantité de sujets. Plusieurs fois sa monture, paissant, debout, renversant la tête. Les lignes étaient d’un naturel surprenant… en quelques traits il attrapait l’essentiel même de l’animal, fier mais docile, domestiqué mais toujours son propre maître. Et curieusement, les proportions étaient tout à fait justes. Il y avait plusieurs portraits d’homme… le sien ou celui de l’homme qu’elle avait vu avec lui ? Avec sa cape, sans cape, debout près d’un cheval, maniant la caméra… Cette fois encore les proportions étaient exactes.

Quelques esquisses de paysages… des arbres, une rivière, une structure bizarre traînée par des cordages, une lointaine chaîne de collines. Il n’était pas très fort dans ce domaine. Parfois les proportions étaient satisfaisantes, d’autres fois on remarquait des déformations difficiles à définir. Quelque chose de raté dans la perspective ? Impossible à dire.

Tout au-dessous de la liasse elle retrouva les croquis qu’il avait pris d’elle. Ses premiers essais n’étaient visiblement pas bons. Trois de ceux qu’il lui avait montrés précédemment étaient nettement meilleurs, mais présentaient toujours cette élongation de sa silhouette et de celle de son cheval qui l’intriguait.

— Alors ? demanda-t-il.

— Je… (Elle cherchait les mots justes.) Je les trouve bons… certains insolites. Vous avez bon œil.

— Vous êtes un sujet difficile.

— J’aime plus particulièrement celui-ci. (Elle fouilla dans les papiers et prit l’image du cheval à la crinière au vent.) C’est vivant.

Il sourit alors :

— C’est mon préféré, à moi aussi.

Elle passa de nouveau en revue les dessins. Il y avait dans certains quelque chose qu’elle n’avait pas compris. Là, dans un des dessins de l’homme. En haut, à l’arrière-plan, une forme étrange à quatre pointes était suspendue. Il y avait la même dans chacune des esquisses qu’il avait tracées d’elle.

— Qu’est-ce que ceci ? s’enquit-elle.

— Le soleil.

Elle fronça les sourcils mais décida de ne pas insister. Elle sentait qu’elle l’avait assez blessé dans son amour-propre pour le moment.

Elle choisit celui qu’elle trouvait le meilleur parmi les trois dessins de son choix.

— Pourrais-je garder celui-ci ?

— Je croyais qu’il ne vous plaisait pas.

— Mais si. Je le trouve merveilleux.

Il la regarda attentivement comme pour voir si elle disait la vérité, puis il lui reprit la liasse.

— Aimeriez-vous aussi celui-ci ?

Il lui tendait celui du cheval.

— Je ne pourrais pas ! Pas celui-ci !

— Cela me ferait plaisir qu’il soit à vous. Vous êtes la première personne à l’avoir vu.

— Je… je vous remercie.

Il remit soigneusement ses dessins dans la fonte et en boucla le rabat.

— Vous m’avez bien dit que votre nom est Elisabeth ?

— Je préfère Lise.

Il hocha gravement la tête :

— Adieu, Lise.

— Vous partez ?

Il ne répondit pas, mais détacha sa monture et l’enfourcha. Il fit descendre l’animal dans le ruisseau, soulevant des éclaboussures, et l’éperonna pour lui faire escalader la berge d’en face. Au bout de quelques secondes, il disparut parmi les arbres.

3

De retour au village, Elisabeth s’aperçut qu’elle n’avait plus envie de travailler. Elle attendait toujours un envoi de produits médicaux convenables et on lui promettait un médecin depuis un mois et plus. Elle avait fait ce qu’elle pouvait pour que les habitants du village se nourrissent d’une façon équilibrée – mais les produits alimentaires étaient en quantité limitée – et elle avait réussi à traiter les maux les plus simples, tels qu’ulcérations, eczémas et autres affections de cette nature.

La semaine d’avant, elle avait aidé une femme en couches et pour la première fois avait eu l’impression de faire œuvre utile.

Maintenant, alors que l’étrange rencontre au bord de la rivière était encore toute fraîche dans sa mémoire, elle décida de regagner de bonne heure le quartier général.

Avant de partir, elle vit Luiz.

— Si ces hommes reviennent, lui dit-elle, essayez de savoir ce qu’ils veulent. Je serai de retour demain matin. S’ils viennent avant mon arrivée, tâchez de les retenir. Et tâchez de découvrir d’où ils sont.

Le soir tombait quand elle eut parcouru les dix kilomètres jusqu’au dernier quartier général. L’endroit était presque désert… nombreux étaient les travailleurs aux champs qui restaient absents plusieurs nuits de suite. Mais Tony Chappell était là et l’interpella alors qu’elle se dirigeait vers sa chambre :

— Êtes-vous libre ce soir. Lise ? Je pensai que nous pourrions…

— Je suis très fatiguée. Je voulais me coucher tôt.

À son arrivée au Q.G., Elisabeth avait éprouvé une vague attirance envers Chappell et avait commis l’erreur de le lui laisser voir. Les femmes étaient peu nombreuses à la station et il avait réagi avec beaucoup d’empressement. Depuis lors il l’avait rarement laissée tranquille et elle n’avait pas encore découvert un moyen courtois de refroidir ses ardeurs.

Dans sa chambre, elle posa son sac sur le lit, se dévêtit et resta longtemps sous la douche. Plus tard, elle ressortit pour manger, et, inévitablement, Tony vint la rejoindre.

Pendant le repas elle se rappela qu’elle avait eu l’intention de lui poser une question.

— Connaissez-vous aux environs une ville appelée Terre ?

— Terre ? Comme la planète ?

— Ça en avait bien l’air, mais j’ai peut-être mal entendu.

— Où donc ? fit-il en secouant la tête.

— Quelque part dans le coin. Pas loin.

— Ce n’est pas Tertre ou Truc, vous en êtes sûre ? demanda-t-il en riant.

— Eh bien… je dois avoir mal compris.

À son inimitable façon, Tony continua à faire des plaisanteries lamentables sur ce qu’elle avait cru entendre. Elle finit par trouver un prétexte pour le quitter.

Il y avait une grande carte de la région dans un des bureaux, mais elle n’y trouva rien qui ressemblât – du moins par le nom – à la ville où Helward lui avait dit séjourner. Il l’avait décrite comme se trouvant au sud, mais il n’y avait pas d’agglomération importante à moins de cent kilomètres.

Elle était vraiment épuisée et regagna sa chambre.

Elle se déshabilla, prit les deux dessins offerts par Helward et les colla au mur près de son lit. Celui qui la représentait était tellement étrange…

Elle l’examina de plus près. Le papier employé était visiblement très vieux car les bords en étaient jaunis. Elle remarqua alors que les bords supérieur et inférieur étaient dentelés où on les avait déchirés, mais néanmoins en ligne droite.

Elle y passa le bout du doigt… le papier avait été autrefois perforé.

En prenant bien soin de ne pas abîmer le dessin, elle décolla le ruban gommé du mur et reprit l’esquisse en main.

Elle découvrit au dos une colonne de nombres, imprimés au long d’une des marges. Certains étaient marqués d’une astérisque.

Imprimé en bleu pâle le long du bord, elle put lire :IBM Multiford TM.

Elle recolla le croquis au mur et le contempla longuement, sans comprendre davantage.

4

Le lendemain matin, Elisabeth réclama de nouveau un médecin par téléimprimeur, puis partit pour le village.