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Il s’arrêta devant le grand coffre-fort placé dans un coin de la pièce et forma la combinaison. La porte s’ouvrit et Siméon glissa une main tremblante dans les profondeurs du coffre.

Il en retira un petit sac de cuir souple qu’il ouvrit et vida sur la table, laissant passer entre ses doigts un flot de diamants bruts.

« Vous voilà, mes jolies… toujours là… mes bonnes amies d’autrefois. C’était le bon vieux temps… les jours heureux… On ne vous taillera pas, mes chéries. Les dames ne vous porteront ni à leur cou, ni à leurs doigts, ni à leurs oreilles. Vous m’appartenez… à moi seul… mes chères vieilles amies ! Vous et moi nous avons des secrets communs. Ils disent que je suis vieux et malade, mais je ne suis pas un homme fini. Il reste de la vie dans ma carcasse. Et je veux encore tirer quelque plaisir de l’existence… »

DEUXIÈME PARTIE

23 décembre

I

De son pas lent, Tressilian allait répondre au vigoureux coup de sonnette d’un visiteur impatient. Avant qu’il eût eu le temps de traverser le vestibule, la sonnette retentit de nouveau.

Le vieux domestique s’empourpra de colère. Quelle façon insolente de se présenter chez les gens ! Si c’était encore une de ces bandes de chanteurs de noëls… il les recevrait à sa façon.

Derrière le carreau gelé de la porte vitrée, il aperçut une silhouette masculine surmontée d’un feutre mou aux bords rabattus. Tressilian ouvrit la porte. Devant lui, se tenait un inconnu aux vêtements bon marché et de couleur criarde. Encore quelque gueux impudent !

« Voyons ! Mais c’est toujours ce bon vieux Tressilian… Comment va ? »

Tressilian écarquilla les yeux, poussa un profond soupir et dévisagea le visiteur. Cette mâchoire arrogante, ce grand nez busqué, ces yeux rieurs… Il les retrouvait après tant d’années… encore plus audacieux qu’autrefois !

Le vieux maître d’hôtel s’écria :

« Ah ! Mr. Harry ! »

Harry éclata de rire.

« Vous paraissez tout épaté de me voir. Je suis pourtant attendu, n’est-ce pas ?

— Oui, monsieur ! Certainement, monsieur !

— Alors, pourquoi jouer la surprise ? »

Harry recula d’un pas et leva les yeux vers la maison… masse de briques rouges, sans fantaisie, mais solide.

« Toujours aussi laide, remarqua-t-il. Elle tient tout de même debout. C’est l’essentiel. Comment va mon père, Tressilian ?

— Il est presque invalide, monsieur. Il garde la chambre et ne peut guère marcher. Mais il se porte assez bien, vu son âge.

— Ah ! le vieux brigand ! »

Harry Lee s’avança dans le vestibule. Tressilian lui prit son écharpe et son chapeau quelque peu excentrique.

« Comment va mon cher frère Alfred, Tressilian ?

— Très bien, monsieur.

— Il brûle d’impatience de me revoir, hein ? »

Harry grimaça un sourire.

« Je le crois, monsieur.

— Moi, je parie le contraire. Il considère mon retour comme une sale farce. Alfred et moi ne nous sommes jamais aimés. Lisez-vous quelque fois votre Bible, Tressilian ?

— Oui, monsieur.

— Rappelez-vous la parabole de l’Enfant Prodigue. Si vous vous en souvenez, le bon frère vit son retour d’un mauvais œil. Je suis certain que ce vieux casanier d’Alfred ne se réjouit pas de ma venue. »

Tressilian se tut et baissa les yeux. Seul son dos plus raide semblait protester. Harry lui donna une lape sur l’épaule.

« Le veau gras m’attend. Conduisez-moi directement vers lui ! »

Tressilian murmura :

« Voulez-vous passer au salon, monsieur ? Je ne sais pas où sont les autres… On n’a pu envoyer quelqu’un à la gare, car on ne savait par quel train vous arriveriez. »

Harry approuva d’un signe de tête. Derrière le domestique, il traversa le vestibule, regardant curieusement autour de lui.

« Je retrouve tous les objets à la place qu’ils occupaient voilà vingt ans. Rien de changé depuis mon départ. »

Il suivit Tressilian au salon. Le vieux serviteur lui dit :

« Je vais voir si je puis trouver Mr. ou Mrs. Alfred.

Et il sortit précipitamment.

Harry Lee fit quelques pas dans la pièce et s’arrêta net devant une jeune personne assise sur le rebord d’une des fenêtres. N’en croyant pas veux, il contempla la chevelure noire et le teint mat d’une inconnue.

« Grand Dieu ! s’exclama-t-il. Seriez-vous la septième épouse de mon père… et la plus jolie ? »

Pilar glissa à terre et vint vers lui.

« Je suis Pilar Estravados, annonça-t-elle. Et vous êtes sans doute mon oncle Harry, le frère de ma mère. »

Harry la dévisagea longuement.

« Ainsi, vous êtes la fille de ma sœur Jennifer ?

— Oui. Pourquoi m’avez-vous demandé si j’étais la septième épouse de votre père ? A-t-il réellement eu six femmes ?

— Non. Je crois qu’il n’en a eu qu’une de légitime. Pil… Comment vous appelez-vous ?

— Pilar.

— Eh bien, Pilar, cela me change un peu de rencontrer une fleur comme vous dans ce mausolée.

— Ce maus… S’il vous plaît ?

— Ce musée de momies ! Cette maison m’a toujours fait l’effet d’être sale ! Aujourd’hui, elle me dégoûte plus que jamais. »

Scandalisée, Pilar riposta :

« Oh ! non. Tout est splendide ici ! Les meubles sont superbes et les tapis… très épais. Partout, des objets d’art… des choses de belle qualité et très riches !

— Là, vous avez raison, ricana Harry, considérant sa nièce d’un air amusé. Je n’en reviens pas de vous trouver au milieu de… »

Il s’interrompit à la vue de Lydia qui entrait au salon.

Elle alla droit vers lui.

« Bonjour, Harry ! Je suis Lydia, la femme d’Alfred. »

Il lui serra la main, observa le visage mobile et intelligent de sa belle-sœur et constata avec plaisir qu’elle avait une démarche gracieuse.

De son côté, Lydia le jugea du premier coup d’œil. Elle songea : « Il a l’air terriblement effronté… mais plein de charme. Je n’aurais guère confiance en lui… »

Souriante, elle dit :

« Comment trouvez-vous la maison après une si longue absence ? Différente… ou toujours la même ?

— Je n’y vois pas grand changement. Cependant, cette pièce a été refaite.

— Oh ! plusieurs fois.

— Je veux dire que… vous y avez apporté des transformations… ?

— Oui, sans doute… »

Il tourna vers elle un regard malicieux qui rappela fort à Lydia celui du vieillard assis là-haut dans son grand fauteuil.

« Ce salon paraît aujourd’hui plus distingué, dit Harry. Je me souviens d’avoir entendu dire qu’Alfred avait épousé la descendante d’un des preux compagnons de Guillaume le Conquérant ? »

Lydia sourit.

« Je crois que oui, mais depuis cette époque, l’arbre est bien monté en graine.

— Comment va ce vieil Alfred ? demanda Harry. Toujours aussi vieux jeu ?

— Je ne sais si vous le trouverez changé.

— Et les autres ? Disséminés à travers l’Angleterre ?

— Non… Ils sont tous ici à l’occasion de la Noël. »

Harry ouvrit de grands yeux.

« Un vrai Noël familial. Qu’est-ce qui lui prend, à mon vieux père ? Autrefois, il n’était guère sentimental… et sa famille ne l’intéressait pas outre mesure. Il s’attendrit avec l’âge.

— Peut-être ! » dit Lydia d’un ton sec.

Pilar écoutait la conversation, les yeux écarquillés.