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Cela avait été vraiment atroce. Et les choses ne s’étaient pas arrangées depuis le départ du Shackleton. Ça ne le dérangeait pas d’être envoyé à la Nouvelle Java sous les ordres du major Muhamed. Le colonel était obligé de le sanctionner ; en fait, le vieux Ding Dong devait être très content de l’incendie qu’il avait déclenché en représailles sur l’île Smith, mais ce raid avait été un manquement à la discipline et il avait dû réprimander Davidson. Parfait, ce sont les règles du jeu. Mais ce qui n’était pas dans les règles, c’était le baratin qui sortait de cette espèce de gros poste de TV qu’ils appelaient l’ansible – leur nouveau prophète au Q.G.

Ordres du Bureau de l’Administration Coloniale à Karachi : Limiter le contact Terriens-Athshéens aux occasions proposées par les Athshéens. En d’autres termes, il n’était plus permis de se rendre dans un terrier à créates pour y recruter un groupe de travail. L’utilisation de main-d’œuvre volontaire n’est pas conseillée ; l’utilisation de main-d’œuvre obligatoire est interdite. Toujours la même chose. Comment diable étaient-ils censés accomplir leur travail ? La Terre voulait ce bois, oui ou non ? Ils continuaient d’envoyer des robo-cargos à la Nouvelle Tahiti, pas vrai, quatre par an, et chacun emmenait pour environ trente millions de néo-dollars vers notre Mère la Terre. Bien sûr que les gens du Développement voulaient ces millions. C’étaient des hommes d’affaires. Ces messages n’étaient pas envoyés par eux, n’importe quel imbécile pouvait s’en apercevoir.

Le statut colonial du Monde 41 – pourquoi ne l’appelaient-ils plus la Nouvelle Tahiti – est à l’examen. En attendant une décision les colons doivent observer une extrême prudence dans toutes leurs relations avec les indigènes… L’usage des armes de tous types à la seule exception des armes légères de poing est strictement interdit – tout comme sur Terre, sauf que là-bas un homme ne pouvait même plus porter d’arme de poing. Mais à quoi bon traverser vingt-sept années-lumière jusqu’à un monde frontalier, si c’est pour s’entendre dire : pas de fusil, pas de flambe, pas de bombes insecticides, non, non, restez simplement assis comme de gentils petits garçons en laissant les créates vous cracher à la figure et vous chanter des chansons et ensuite vous planter un couteau dans le ventre et incendier votre camp, mais ne faites pas de mal à ces mignons petits gars tout verts, non monsieur !

Une politique d’isolement est fortement conseillée ; une politique d’agression ou de représailles est strictement interdite.

C’était en fait le point essentiel de tous les messages, et n’importe quel idiot aurait pu comprendre que ce n’était pas l’Administration Coloniale qui parlait. Ils n’avaient pas pu changer à ce point en trente ans. C’étaient des hommes pratiques, réalistes, qui savaient à quoi ressemblait la vie sur les planètes de la frontière. Il était clair, à toute personne n’étant pas devenue dingue par suite d’un géochoc, que les messages de « l’ansible » étaient des faux. Ils pouvaient être placés dans la machine elle-même ; tout un ensemble de réponses à des questions de grande probabilité. Les ingénieurs prétendaient qu’ils auraient pu le déceler ; admettons. Dans ce cas, le machin communiquait instantanément avec un autre monde. Mais ce monde n’était pas la Terre. Pas du tout du tout ! Ce n’étaient pas des hommes qui tapaient les réponses à l’autre bout de cette petite supercherie : c’étaient des étrangers, des humanoïdes. Certainement des Cétiens, car c’était une machine fabriquée par eux, et ils formaient une belle bande de démons. Ils étaient du genre à tenter réellement de s’assurer la suprématie interstellaire. Les Hainiens devaient être avec eux dans la conspiration, bien sûr ; toute cette sentimentalité dans les prétendues directives, il y avait du Hainien là-dessous. D’ici, il était difficile de deviner quel était l’objectif à long terme visé par les étrangers ; ils avaient sans doute l’intention d’affaiblir le Gouvernement Terrien en le coinçant dans cette histoire de « ligue des mondes », jusqu’à ce que les étrangers soient suffisamment forts pour tenter une invasion armée. Mais en ce qui concernait la Nouvelle Tahiti, leur plan était plus facile à comprendre. Ils laisseraient les créates détruire les humains pour leur compte. Lions simplement les mains des Terriens avec un tas de fausses consignes « par ansible », et que la boucherie commence. Les humanoïdes s’aident entre eux : les rats aident les rats.

Et le colonel Dongh avait avalé ça. Il avait l’intention d’obéir aux ordres. Il l’avait dit lui-même à Davidson. « J’ai l’intention de suivre les directives que je reçois du Q.G. de Terra, et par Dieu, Don tu obéiras de la même façon à mes ordres, et en Nouvelle Java tu obéiras aux ordres du major Muhamed. » Il était stupide le vieux Ding Dong, mais il aimait bien Davidson, et Davidson l’aimait bien. Si cela signifiait qu’il devait trahir la race humaine pour favoriser une conspiration étrangère, alors il ne pouvait pas obéir à ses ordres, mais il se sentait quand même désolé pour le vieux soldat. Un idiot, mais un idiot brave et loyal. Pas un traître-né comme ce bavard vaniteux et pleurnichard de Lyubov. S’il y avait vraiment un homme dont Davidson espérait qu’il se ferait avoir par les créates, c’était bien ce prétentieux de Raj Lyubov, qui léchait le cul des étrangers.

Quelques hommes, particulièrement ceux de type asiatiforme et hindi, étaient réellement des traîtres-nés. Pas tous, mais quelques-uns. Certains autres sont nés pour être des sauveurs. Ils ont été faits comme cela, tout simplement, c’est comme être d’origine euraf, ou posséder un physique agréable ; ce n’était pas quelque chose dont il cherchait à tirer prestige. S’il pouvait sauver les hommes et les femmes de la Nouvelle Tahiti, il le ferait ; s’il n’y parvenait pas, au moins aurait-il sacrément essayé ; et il n’y avait vraiment rien à ajouter.

Les femmes, maintenant, cela l’ulcérait. Ils avaient évacué les dix Collies qui se trouvaient à la Nouvelle Java, et aucune des nouvelles n’avait été envoyée de Centralville. « La sécurité n’est pas encore rétablie », avait bêlé le Q.G. C’était plutôt dur dans les trois camps avancés. D’après eux, qu’allaient faire les soldats des détachements, maintenant qu’il était interdit de toucher aux femelles créates, et que toutes les humaines étaient pour ces salauds de veinards de Central ? Il y aurait un terrible ressentiment. Mais cela ne pourrait pas durer longtemps, cette situation tout entière était trop extravagante pour être stable. S’ils ne la corrigeaient pas en la ramenant à la normale, maintenant que le Shackleton était parti, alors le capitaine D. Davidson devrait faire quelques heures supplémentaires pour que les choses retournent à la normalité.

Le matin du jour où il avait quitté Central, on avait relâché toute la main-d’œuvre créate. Fait un grand et noble discours en petit nègre, ouvert les portes de l’enclos, et laissé partir tous les créates apprivoisés, les porteurs, les terrassiers, les cuisiniers, les boueux, les domestiques, les serveuses, tous. Pas un seul n’était resté. Certains étaient avec leur maître depuis la fondation de la colonie, quatre années-T plus tôt. Mais ils n’éprouvaient pas la moindre fidélité. Un chien, un chimp, serait resté. Ces choses-là n’étaient même pas suffisamment développées, c’étaient à peine comme des serpents ou des rats, juste assez malins pour vous contourner et vous mordre dès que vous les laissez sortir de la cage. Ding Dong était fou de lâcher tous ces créates dans les environs. En fait, la solution la meilleure, et définitive, aurait été de les entasser sur l’île du Dépotoir et de les y laisser crever de faim. Mais Dongh avait encore la trouille de cette paire d’humanoïdes et de leur boîte à paroles. Comme ça, si les créates sauvages de Central avaient l’intention d’imiter les atrocités du Camp Smith, ils disposaient d’un bon tas de nouvelles recrues à portée de la main, et des recrues qui connaissaient le plan de la ville entière, les emplois du temps, savaient où se trouvait l’arsenal, où les gardes étaient postés, et tout le reste. Si Centralville était incendiée, les gens du Q.G. pourraient se féliciter. En vérité, ils n’auraient que ce qu’ils méritaient. Pour s’être laissés berner par des traîtres, pour avoir écouté les humanoïdes et ignoré les conseils d’hommes qui savaient vraiment ce qu’étaient les créates.