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- La haine vous a aveuglé, elle vous aveugle depuis trop longtemps.

- Tout ce que la haine m'a fait, c'est de m'ouvrir les yeux. Et maintenant, tu vas devoir ouvrir grands les tiens, car même si tu me prends pour un vulgaire assassin, tu vais constater qu'il te reste une chance de sauver ta vie et celle de tes amis. Ce que, moi-même, je n'ai jamais eu.

La figure de Jawahal se dressa et s'approcha de Ben. Le garçon avala sa salive et s'apprêta à partir en courant. Jawahal s'arrêta à deux mètres de lui, croisa lentement les mains et les tendit devant lui avec une légère révérence.

- J'ai pris plaisir à cette conversation, Ben, dit-il aimablement. Maintenant, prépare-toi et cherche-moi.

Avant que Ben ait pu articuler un mot ou bouger un seul muscle, la silhouette de Jawahal se dispersa dans un tourbillon de feu et se projeta à travers la voûte à une vitesse vertigineuse en décrivant un arc de flammes. Quelques secondes plus tard, le faisceau de feu s'enfonça dans les tunnels comme une flèche ardente. Il laissait derrière lui une traînée de particules embrasées qui s'évanouirent dans l'obscurité, indiquant au garçon le chemin à suivre.

Ben lança un dernier regard sur la cape ensanglantée et pénétra de nouveau dans les tunnels, avec la certitude que, cette fois, quel que soit le chemin qu'il prendrait, toutes les galeries convergeraient sur le même point.

Les contours du train émergèrent dans les ténèbres. Ben contempla l'interminable succession de wagons qui exhibaient la cicatrice des flammes. Un instant, il crut se trouver face au cadavre d'un gigantesque serpent mécanique échappé de l'imagination diabolique de Jawahal. Il lui suffit d'approcher pour reconnaître le train qu'il avait cru voir traverser les murs de l'orphelinat quelques nuits plus tôt, enveloppé de flammes et transportant des centaines d'enfants qui se débattaient pour sortir de cet enfer perpétuel. Le train gisait maintenant, inerte et obscur, sans offrir le moindre indice permettant de supposer que ses camarades se trouvaient à l'intérieur.

Un pressentiment, cependant, lui donna à croire le contraire. Il laissa derrière lui la locomotive et parcourut lentement le convoi à leur recherche.

À mi-chemin, il s'arrêta pour regarder derrière lui et vit que la tête du train se perdait dans l'ombre. Au moment où il s'apprêtait à reprendre sa marche, il aperçut un visage d'une pâleur mortelle qui l'observait d'une des fenêtres du wagon le plus proche.

Ben tourna brusquement la tête et sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Un enfant d'à peine sept ans le dévisageait attentivement, ses profonds yeux noirs rivés sur lui. La gorge serrée, il fit un pas dans sa direction. L'enfant ouvrit les lèvres et les flammes qui en jaillirent mirent le feu à son image comme à une feuille de papier qui se consumerait sous les yeux de Ben. Un froid glacial s'abattit sur sa nuque, et il continua de marcher en ignorant l'atroce chuchotement des voix qui provenaient de quelque lieu caché dans les profondeurs du train.

Finalement, après avoir atteint le wagon de queue, il s'approcha de la portière et en tourna la poignée. La lumière de centaines de veilleuses éclairait l'intérieur. Ben entra et vit l'espoir illuminer les visages de Isobel, Ian, Seth, Michael, Siraj et Roshan. Il poussa un soupir de soulagement.

- Nous voici maintenant au complet. Nous allons peut-être pouvoir commencer à jouer, dit une voix familière près de lui.

Le garçon se retourna lentement : les bras de Jawahal entouraient sa sœur Sheere. La portière du wagon se referma comme une porte blindée, et Jawahal lâcha Sheere. La jeune fille courut vers Ben et l'étreignit.

- Tu vas bien ? demanda Ben.

- Mais naturellement, elle va bien, riposta Jawahal.

- Et vous tous ? demanda Ben, ignorant Jawahal, aux membres de la Chowbar Society ligotés au sol.

- Parfaitement, confirma Ian.

Tous deux échangèrent un regard plus évocateur que mille paroles. Ben acquiesça.

- Ceux qui portent des égratignures ne le doivent qu'à leur propre maladresse, déclara Jawahal.

Ben se tourna vers lui en écartant Sheere.

- Dites clairement ce que vous voulez.

Jawahal eut une mimique étonnée.

- Nerveux, Ben, ou pressé d'en finir ? J'ai attendu ce moment seize ans et je peux patienter encore une minute. Particulièrement depuis que Sheere et moi jouissons de notre nouvelle relation.

L'idée que Jawahal ait pu révéler à Sheere sa véritable identité pendait au-dessus de Ben comme l'épée de Damoclès. Jawahal, paraissant avoir lu dans ses pensées, s'amusait de la situation.

- Ne l'écoute pas, Ben, dit Sheere. Cet homme a tué notre père. Tout ce qu'il peut nous faire n'a pas plus de valeur que la porcherie installée au-dessus de ce trou à rats.

- Dures paroles, concernant un ami, commenta tranquillement Jawahal.

- Je mourrais plutôt que d'être votre amie...

- Notre amitié, Sheere, n'est qu'une question de temps.

Son sourire placide disparut d'un coup. Sur un geste de sa main, Sheere, propulsée par un bélier invisible, fut projetée contre l'autre extrémité du wagon.

- Et maintenant, repose-toi. Nous serons très bientôt unis pour toujours...

Sheere heurta la paroi de métal et retomba par terre, inconsciente. Ben s'élança vers elle, mais la poigne de fer de Jawahal l'arrêta.

- Toi, tu ne vas nulle part.

Puis, dirigeant un regard glacé sur les autres, Jawahal ajouta :

- Le prochain qui parlera se verra clore les lèvres au fer rouge.

- Lâchez-moi, gémit Ben en sentant que la main qui lui serrait le cou était sur le point de lui désarticuler les vertèbres.

Jawahal le lâcha instantanément, et Ben s'écroula sur le plancher.

- Relève-toi et écoute. Je crois savoir que vous formez une espèce de fraternité dans laquelle vous avez juré de vous aider et de vous protéger mutuellement jusqu'à la mort. Est-ce vrai ?

- Ça l'est, confirma Siraj, accroupi par terre.

Un poing invisible frappa violemment le garçon et l'envoya valser comme une poupée de chiffon.

- Ce n'est pas à toi que je m'adresse, morveux ! Ben, as-tu l'intention de me répondre, ou préfères-tu que nous nous occupions de l'asthme de ton ami ?

- Laissez-le tranquille. C'est vrai, répondit Ben.

- Bien. Alors permets-moi de te féliciter pour le merveilleux travail que tu as accompli en amenant tes amis jusqu'ici. Une protection de première classe.

- Vous avez dit que vous nous laisseriez une chance, rappela Ben.

- Je sais que je l'ai dit. À combien estimes-tu la valeur de la vie de chacun de tes amis, Ben ?

Le garçon pâlit.

- Tu ne comprends pas ma question, ou tu veux que je te donne ma propre réponse ?

- La même valeur que la mienne.

Jawahal sourit aimablement.

- J'ai du mal à le croire.

- Je me fiche de ce que vous croyez ou ne croyez pas.

- Dans ce cas, nous allons vérifier si tes belles paroles correspondent à la réalité, Ben. Voici la règle du jeu. Vous êtes sept, sans compter Sheere. Elle, elle reste en dehors. Pour chacun de vous sept, il y a une boîte fermée qui contient... un mystère.

Jawahal indiqua une rangée de coffrets en bois peints de différentes couleurs, serrés les unes contre les autres comme des petites boîtes à lettres.