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D'un mouvement brusque, il te soulève le menton. Ton front, le fond de tes pupilles, tout ton visage a une clarté nouvelle. Tu ressembles, à présent, à ta fille aînée, à ce qu'elle sera quand elle sera femme, votre première fille, celle qui a son regard, à lui.

Et tu lui fais signe que oui, que tu es sa créature, que c'est lui qui t'a faite ainsi.

Tu lui dis que tu es forte, qu'il ne craigne rien pour toi, qu'il parte, qu'où que ce soit qu'il aille, qu'avec qui que ce soit qu'il se trouve, tu lui donneras toujours de tes nouvelles et de celles de ses filles. Tu lui dis que, de loin aussi, tu l'aimeras et le feras aimer d'elles, que tu veux maintenant continuer à grandir, toi aussi, que ton âme a besoin de se préparer pour quand il reviendra.

Il pleure sur ton coeur.

Tu ne m'envies plus; une haute paix t'envahit.

Regarde-moi encore une fois, viens plus près de moi, je te parle doucement.

Écoute. Je ne sais ce que tu feras, de même que tu ne le sais pas non plus en cet instant. Mais je dois te dire encore quelque chose, je dois te dire que si, dans ton âme, ne peut s'accomplir le prodige, je m'inclinerai devant la destinée, en silence. Quand on a tout tenté, et que la destinée ne change pas, il n'y a pas lieu à imprécation amère; il n'y a plus qu'à s'incliner et se taire. Et écoute: je resterai éloignée, je continuerai également à travailler, à tirer de moi ce qu'il y a de plus pur et de plus fort, ce peu d'or en quoi se reflète le soleiclass="underline" je l'ai promis, à lui, et à moi-même. Mais, si un jour il m'appelle, je viendrai. Si un jour, il me rejoint, je ne le repousserai pas. Oh! peut-être sera-ce toi qui m'appelleras, dans le temps… je viendrai.

Mets encore un moment ta main dans la mienne. Désormais, quoi qu'il advienne, tu verras la vie comme elle t'a été montrée au fond de mes yeux.

Adieu!

Corse, 1912.