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— Non. Je gère tout depuis un poste de contrôle à distance. Même si pour moi c’est une première, c’est toujours ainsi que l’on procède chez Olympe. Pour se garder une chance d’intervenir de l’extérieur en cas de pépin. Et aussi parce que l’on est bien plus concentré et omniscient dans une salle de contrôle équipée d’écrans et de micros qu’au milieu d’une réunion.

— Et une fois infiltrée dans la réception, que devrai-je faire ?

— Vous serez en relation permanente avec moi via une oreillette que vous trouverez après avoir franchi les contrôles de sécurité. Au bout de quelques minutes, vous vous éclipserez du gala et je vous conduirai de porte en porte jusqu’aux appartements privés du Passager. Une fois que vous serez sur place, je vous indiquerai où se trouve le coffre-fort et comment l’ouvrir. Puis il vous suffira de revenir sur vos pas, déposer la clé USB là où vous aurez pris l’oreillette, avant de quitter la fiesta comme si de rien n’était. Je me débrouillerai ensuite pour récupérer la clé et vous la remettre.

— Et si l’un de vos gardes me surprend, il me laissera passer ?

Gabriel gratta sa cicatrice à la gorge.

— Non. Aucun n’est évidemment dans la confidence. Si vous vous faites prendre, la mission sera terminée et je ne vous garantis en rien que j’arriverai à vous sauver la vie… Mais sachez que j’aurai complètement la main, puisque je suis seul dans la salle de contrôle, sur les caméras de surveillance et le verrouillage des portes.

Grace mesurait le risque, mais également l’occasion de porter un coup fatal au Passager et son ramassis de pourriture. Si une mission donnait du sens au métier qu’elle avait choisi, c’était bien celle-là.

— J’accepte, dit-elle. À une condition : je repars avec la clé USB. Je ne vous fais pas assez confiance. Peut-être êtes-vous en train de vous servir de moi, avant de disparaître dans la nature une fois votre trophée en main.

L’homme serra les poings. Il allait s’emporter, mais réussit à se maîtriser.

— Si vous voulez, mais c’était pour éviter qu’on la trouve sur vous au cas où le Passager aurait mis un mouchard dessus.

— Je prends le risque. Où et quand a lieu la réception ?

Gabriel fouilla dans sa poche et déposa un petit papier sur la table du restaurant. Grace y lut des coordonnées géographiques.

— Soyez là-bas à 16 h 45 demain.

— Où est-ce ?

— En Suisse. Je serai à Zurich dans l’un des centres de contrôle d’Olympe, mais je ne me trouverai pas là où vous avez rendez-vous.

— Mais que dois-je faire une fois sur place ?

— Je vous appellerai et je vous expliquerai.

— Pourquoi tout ce mystère ?

— Parce que, moi aussi, je me méfie. Je n’ai pas envie que vous débarquiez avec une bande de flics pour prendre d’assaut le quartier général d’Olympe et capturer le Passager de force. Cela ne mènerait à rien, et malheureusement, je crains que ce ne soit une option que vous puissiez envisager.

— Aurai-je besoin d’un carton d’invitation, d’un badge ?

Gabriel ricana.

— S’il y a bien un endroit où la reconnaissance faciale a été mise en place, c’est chez Olympe. Vous n’aurez besoin de rien d’autre que vous. À part peut-être une chose.

— Quoi ?

— Une tenue de gala.

La dernière fois que Grace avait enfilé une robe, elle devait avoir huit ans, et c’était pour un déguisement de carnaval.

— C’est obligatoire ?

— C’est plus une tradition. Cela vous permettra de vous fondre dans la masse. Maintenant, si vous le voulez bien, je vais vous quitter. Je dois préparer votre fiche d’identité pour l’injecter dans le réseau, et déposer votre oreillette dans une cachette.

Gabriel sortit ensuite son téléphone.

— Je dois prendre trois photos de vous. Face et profils.

Grace se prêta à l’exercice à contrecœur.

— Merci, dit-il. Demain, soyez plus que jamais à l’heure. Les portes ouvriront à dix-sept heures. Si vous arrivez avec à peine trente secondes de retard, vous ne pourrez plus entrer.

— Trente secondes ? Pourquoi un laps de temps si court ?

— Vous comprendrez le moment venu.

Gabriel se leva et rejoignit la sortie en boitant.

Désormais seule dans le restaurant, la jeune femme sentit une lame d’angoisse commencer à monter en elle.

– 35 –

Absurde. Grace ne voyait pas d’autre qualificatif pour décrire la situation dans laquelle elle se trouvait. Depuis Zurich, elle avait roulé pendant près de trois heures sur les lacets d’une route alpine pour suivre un chemin de terre conduisant au départ d’un sentier de randonnée. Elle avait marché une quinzaine de minutes jusqu’à ce que son GPS lui indique qu’elle était pile aux bonnes coordonnées. À savoir à plus de mille mètres d’altitude, à flanc de pâturages et sans aucune trace de civilisation aussi loin que son regard pouvait porter. Pas même un chalet ou une cabane de berger. Seulement des étendues de prairies et de sapins, qui descendaient jusque dans les ombres de la vallée, dont le versant opposé s’élançait vers le sommet d’un pic rocheux éventrant les nuages gris. Comment pouvait-il y avoir un gala organisé dans les environs ?

Elle secoua la tête, considérant la situation finalement plus ridicule qu’absurde en se voyant perdue sur cette montagne en tenue de soirée. Sous sa parka qui la protégeait du froid, elle avait opté pour une robe noire se terminant au-dessus des genoux et recouvrant les épaules d’une étoffe semi-transparente qui laissait place à la suggestion. Elle l’avait choisie dans une boutique de Zurich avant de faire l’acquisition d’escarpins qu’elle avait pour le moment remplacés par une paire de baskets.

Ses cheveux relevés en chignon mettaient en valeur ses yeux délicatement maquillés et sa bouche ornée d’un discret rouge à lèvres. Un souffle de vent agita les herbes des pâturages et fit bruisser les sapins en contrebas. Un ciel chargé de neige se profilait à l’horizon et ne tarderait pas à crever au-dessus d’elle. Grace écarta une mèche de cheveux qu’elle avait volontairement laissée libre et consulta son téléphone. Il était 16 h 45 et elle n’avait toujours aucune nouvelle de Gabriel. Comment pouvait-elle rejoindre une réception en moins d’un quart d’heure, de surcroît à pied ? S’était-il moqué d’elle ? Mais alors pourquoi la faire venir jusqu’ici ? Pour la tuer ? Il aurait pu le faire bien avant.

Elle repensa au conseil qu’Elliot Baxter lui avait donné lorsqu’elle l’avait finalement rappelé dans le train qui la conduisait de l’Allemagne vers la Suisse.

— Tu as mon autorisation pour poursuivre ton enquête, mais pars du principe qu’un type comme ce dénommé Gabriel aura toujours un coup d’avance sur toi.

Le « nettoyeur » d’Olympe ne s’était pas caché de vouloir se servir d’elle pour parvenir à ses propres fins. Lui avait-il menti sur ce qu’il risquait de lui arriver lors de cette soirée ? C’était bien possible, mais Grace avait pris sa décision en mesurant ce qu’elle encourait à se fier à un homme comme lui.

La sonnerie de son téléphone stoppa ses tergiversations. Elle décrocha, anxieuse.

— Il vous reste cinq minutes pour aller au bout du chemin, inspectrice. C’est là-bas qu’aura lieu le gala de charité. Là où le sentier s’arrête.

— Vous vous foutez de moi ? Il n’y a rien que de l’herbe et la montagne, ici. Comment voulez-vous que… ?

— Faites-moi confiance.

— Quoi ? C’est dans un bunker enterré ?

— Non, pas du tout. Vous verrez. Commencez à marcher et écoutez-moi bien. À l’entrée, vous vous soumettez au contrôle de sécurité. Soyez tranquille, j’ai pu vous créer une identité et enregistrer votre dossier dans la base de données des invités. Vous vous appelez Brooke McKenzie et vous êtes la P-DG d’une entreprise de cosmétiques bio. J’ai failli baptiser celle-ci Naïs, mais j’ai pensé que ça allait vous énerver et je ne voulais pas vous faire perdre votre calme. J’ai donc opté pour Candys. Ça vous va ?