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— Seulement en partie. Parce que, voyez-vous, le Pays Multicolore déborde littéralement de viande et de boissons.

— Alors, des minerais. L’or et l’argent. Le cuivre, l’étain… Et le fer.

— Non, pas le fer. Dans notre économie technologique plutôt simple, il nous est inutile. Les mondes Tanu ont toujours dépendu traditionnellement de certaines formes de verre incassable là où l’humanité faisait appel au fer. Et il est intéressant de noter que, ces dernières années, vous avez également eu recours à ces matériaux polyvalents.

— Ah, oui, le vitradur. Il me semble pourtant que vos soldats ont préféré le bronze pour leurs armures et leurs armes de combat.

Creyn eut un rire étouffé.

— Il nous a paru plus sage, au début de la Porte du Temps, de donner de telles restrictions à nos guerriers humains. Mais, lorsque cette période fut passée, les humains continuèrent à préférer le métal. Nous avons donc permis le développement d’une technologie du bronze pour autant qu’elle n’interfère pas avec nos besoins propres. Car nous sommes une race tolérante. Nous nous suffisions à nous-mêmes avant l’arrivée des premiers représentants de la race humaine et nous ne dépendons en aucune façon des humains pour les besognes d’esclavage…

Elizabeth émit une pensée intense : SI L’ON EXCEPTE LA REPRODUCTION.

— …étant donné que les travaux les plus pénibles, ceux de la mine, de l’agriculture ou de la maintenance, sont assurés par les ramas, hormis quelques lointains établissements isolés.

— Mais ces ramas, l’interrompit Aiken, comment se fait-il qu’aucun d’eux, là-bas au Château, n’accomplissent les basses besognes ?

— Psychiquement, ils sont plutôt fragiles, et ils ont besoin d’un minimum de tranquillité dans leur environnement pour travailler sans être trop surveillés. Au Château de la Porte, ils souffrent inévitablement d’une tension…

Raimo émit un grognement de dérision.

— Et comment contrôlez-vous ces créatures ? demanda Bryan.

Elles portent une version simplifiée du torque gris. Mais ne soyez pas trop impatient d’éclaircir toutes ces questions. Je vous en prie : attendez que nous soyons arrivés à Muriah.

Ils quittèrent la forêt touffue pour pénétrer dans une zone où les arbres étaient clairsemés, entre des blocs de rocher géants. A leur sommet, à la limite du ciel à nouveau étoilé, courait une bande de lumière colorée.

— C’est la cité ? demanda Sukey.

— Impossible, dit Raimo d’un ton dédaigneux. Cette chose bouge !

Ils mirent leurs chalikos à l’attache et regardèrent la bande lumineuse se transformer en un écheveau fluorescent qui se tordait à une vitesse folle entre les silhouettes des arbres. Il y avait de l’or, beaucoup d’or, mais aussi des taches de bleu incandescent, de vert, de rouge, et des étincelles mauves et furieuses.

— Ah ! fit Creyn. La Chasse. S’ils viennent par ici, vous aurez droit à un beau spectacle.

— Magnifique ! fit Sukey. On dirait un gigantesque ver-luisant, de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel !

— Les Tanu s’amusent ou quoi ? fit Bryan.

— Oh… (Il y avait tout le désappointement du monde dans le ton de Sukey.) Ils sont passés de l’autre côté des collines. Ils sont partis… Qu’est-ce donc que la chasse, Seigneur Creyn ?

Le visage de l’exotique était figé sous la clarté des étoiles.

— L’une des plus grandes traditions de notre peuple. Mais vous pourrez la voir, très souvent. Et vous découvrirez par vous-mêmes ce qu’elle est réellement.

— Si nous sommes assez malins pour ça, dit Aiken avec insolence, nous pourrons peut-être y participer, non ?

— Possible. Quoique cela ne soit guère du goût de tous les humains… ni de tous les Tanu, du reste. Mais… oui, je pense que la Chasse pourrait exercer un certain attrait sur votre tempérament sportif, Aiken Drum.

Et, durant un instant, Elizabeth perçut clairement l’émotion qui perçait dans le ton du guérisseur exotique : le dégoût, mêlé du sens du désespoir qu’apportait l’âge.

9.

Richard voyait des flammes.

Elles venaient vers lui, ou bien il allait vers elles. Elles étaient d’un orange vif et dégageaient de la fumée et une odeur de résine, elles dansaient toujours plus haut dans l’obscurité. Il n’y avait pas le moindre souffle de vent.

Il vit alors que c’étaient des buissons entassés jusqu’à la hauteur d’une petite hutte qui brûlaient, en craquant et en sifflant mais sans produire d’étincelles. Parfois, le feu semblait s’approcher tout près de lui, le dépasser et disparaître derrière un bouquet d’arbres noirs qu’il n’avait pas discernés jusque-là et qui semblaient s’être approchés en rampant pour se dessiner clairement sur le fond des flammes.

De regarder ainsi derrière lui fit naître une douleur dans son cou. Il laissa sa tête retomber en avant. Devant lui, il y avait quelque chose de volumineux, avec de longs poils. Cela bougeait rythmiquement. Très étrange ! Lui aussi se balançait, fermement soutenu par une espèce de siège qui le maintenait droit. Ses jambes étaient tendues en avant, ses talons reposant sur quelque support qu’il ne distinguait pas, les pieds pris dans de larges bandes. Ses bras étaient posés sur ses genoux et il vit qu’il portait sa combinaison familière de navigateur spatial.

Bizarre astronef, songea-t-il. Jamais vu de console de contrôle poilue. Et le conditionnement doit être nase parce qu’il fait bien trente degrés, il y a de la poussière dans l’air et une odeur bizarre.

Des arbres ? Un feu ? Il regarda autour de lui et découvrit des étoiles. Non pas les points colorés de l’espace, mais de petites étincelles. Au loin, dans le noir, il distingua un autre point d’exclamation ardent.

— Richard ? Vous êtes réveillé ? Voulez-vous un peu d’eau ?

Incroyable ! Qui est-ce qui se trouve sur le siège de droite ?

Le vieux chasseur d’os ! J’aurais juré qu’il était trop gâteux pour se qualifier. Mais pas besoin de finesse pour voler sur le sol…

— Richard, si je vous passe la gourde, pourrez-vous la tenir ?

Des odeurs d’animaux, de végétation, d’épices, de cuir. Des crissements de harnais, des bruits de pas, de souffles, un appel au loin. Et toujours la voix du vieil homme, tout près.

— Non, je ne veux pas d’eau, dit Richard.

— Anna-Maria a dit que vous en auriez besoin en vous réveillant. Vous êtes déshydraté. Allez, fiston.

Dans l’ombre, il regarda plus attentivement le vieil homme. Claude était vaguement éclairé par les étoiles. Il chevauchait une énorme bête qui ressemblait à un cheval et trottait avec aisance. Satané bon sang ! Mais lui aussi en chevauchait une ! Les rênes étaient nouées sur le pommeau d’une selle, juste devant lui, sous la console poilue, non, la crinière de sa monture. Elle trottait comme celle de Claude, sans qu’il eût à la guider.

Il essaya de lever les pieds et s’aperçut alors que ses chevilles étaient attachées aux étriers. Et il ne portait plus ses grandes bottes de marin. Quelqu’un, de toute évidence, avait échangé son costume d’opéra pour la combinaison de navigateur avec les quatre galons sur les manches. Il se rappelait l’avoir fourrée tout au fond de son sac. En tout cas, il avait une gueule de bois absolument impériale.

— Claude ! grommela-t-il. Vous avez quelque chose de raide à boire ?

— Pas question, mon garçon. Pas avant que les effets de la drogue qu’Anna-Maria vous a injectée se soient dissipés. Allez. Buvez un peu d’eau.

Richard dut se pencher pour saisir la gourde et le ciel étoilé se mit à tourner vertigineusement. S’il n’avait pas été attaché à ses étriers, il aurait basculé.